« Alternative » ? Vraiment ?

Je vous propose de revenir sur un terme prononcé par un monsieur connu ici, mais aussi sur TF1 ainsi que dans le gotha politique. Le terme sera le substantif  « alternative ». Plongeons-nous dans le contexte…

Si Nicolas Hulot annonce son envie d’être candidat définitif à la présidentielle 2012, tout comme en 2007, cette fois-ci vraisemblablement n’abandonnera-t-il pas son idée en route ; notamment puisqu’il s’est (peut-être, dirons-nous prudemment) rendu compte que son pacte était de la pacotille une fois la victoire de Nicolas Sarkozy passée. En effet, Nicolas Sarkozy, le soir de son élection, en 2007, disait que « [son] premier combat » serait la lutte contre les gaz à effet de serre ; résultat, le lendemain, Nicolas Sarkozy décollait avec un beau jet privé pour aller passer des vacances chez son ami Vincent Bolloré (qui fait dans l’énergie, et quelle énergie !). [1]

On s’y perdrait presque avec tous ces Nicolas qui nous donnent le tournis. Bon, OK, ils ne sont que deux, mais c’est un peu comme des jumeaux qu’on aurait en plus décidé de prénommer à l’identique. Heureusement, pour nous aider à les distinguer, l’un des deux homonymes a décidé aussi de casser la gémellité comportementale et de dire que Nicolas Sarkozy n’est pas de « ceux qui n’ont pas acté qu’on était dans un monde fini » (enfin, pour être exact, Nicolas Hulot n’a pas sorti de noms), à son inverse donc. Et d’enchaîner, au micro de France Inter, en quelque sorte sur un leitmotiv de la pensée décroissanciste : « Pour un économiste, freiner la croissance, c’est une hérésie ; et pour un écologiste, l’encourager, c’est une hérésie. Eh bien, il va falloir trouver l’alternative. » [2]

Et d’ailleurs, ce mot de Nicolas Hulot fait le buzz (enfin, je dis ça parce que j’ai cherché, je ne suis pas sûr que tout le monde se soit arrêté sur le mot « alternative ») puisqu’il twitte :
http://twitter.com/#!/Vogelsong/status/58417211689283584

La rhétorique est au rendez-vous avec Nicolas Hulot. Mais la logique le sera-t-elle ? Puisque le terme « alternative » est un terme de logique… Maintenant que l’interrogation reste en suspens (quelle alternative trouve-t-on, au juste ?), analysons donc précisément ce mot : « alternative », terme qui fait trop souvent l’objet d’un laxisme sémantique.

Mais que veut dire au juste le mot « alternative », crévindjû ?
B.− LOG. Énoncé de deux propositions telles que si l’une est vraie l’autre est nécessairement fausse, et inversement. Synon. dilemme.

Si l’une des deux propositions est vraie, l’autre est nécessairement fausse. Alors, qui diable est l’hérétique ? Bon, ensuite, on peut analyser le terme d’hérésie, puisque celui-ci vient du vocabulaire religieux. Un hérétique s’oppose à des croyances. L’économiste et l’écologiste auraient des croyances. Je veux bien le croire, nous en avons tous (en tout cas, je n’ai aucun doute au sujet de l’économiste, les décroissants pourront l’admettre avec moi).

Donc, je répète la conclusion logique de notre syllogisme : si l’une des deux propositions est vraie, l’autre est nécessairement fausse (Je répète : Jean a de longues moustaches ? Partez en résistance, go go go !).

Eh ben, c’était pas si dur que ça à dire. Après, je ne suis pas sûr que Monsieur Hulot et ses collègues de formation écologiste auront le courage de répéter à l’envi qu’il y a une proposition fausse et l’autre bonne. Encourager la croissance ou freiner la croissance : nous y voici. Maintenant : encourager la croissance ? Fastoche, il suffit de continuer comme ça puisque cela a déjà été fait, c’était dans le programme de 2007 de Nicolas Sarkozy, candidat qui avait d’ailleurs signé le pacte Hulot. Freiner la croissance : comment ? Ah, là, il faut avoir un plus grand courage…

Lire aussi :  La grande course à la ruine

Freiner la croissance de certains secteurs mortifères (et socialement et environnementalement nauséabonds) comme l’automobile, par exemple, constituerait un pas d’entrée dans cette nouvelle société qui pourrait nous éviter de nous trouver tout au fond du cul-de-sac.

Quant à savoir si Nicolas Hulot a réellement changé et n’est plus un écotartufe (lui-même demande à ce que lui soit reconnu le droit de changer, droit qu’on ne peut refuser aux gens, mais au sujet duquel on peut douter de la pérennité de l’engagement), je n’en sais rien. J’entends des mots, mais j’attends de voir bien plus et de lire un programme entier (qui sera peut-être édulcoré par Nicolas Hulot lui-même ou par Europe Écologie Les Verts, ou lors de leurs rencontres).

Enfin, la gémellité est définitivement démentie entre les deux homonymes Nicolas – si toutefois on a bien compris les intentions de Nicolas Hulot (on parlera d’intentions plutôt que d’actions, car on peut douter des actions d’un politicien tant qu’on n’est pas à la phase d’évaluation finale du mandat) – ; mais cette fois-ci, c’est Nicolas Sarkozy qui nous donne l’occasion de voir se briser la gémellité homonymique :

« Je crois au développement durable mais je suis contre tous ceux qui croient en une croissance zéro. Ceux qui disent qu’on peut remplacer le nucléaire par l’énergie renouvelable disent une monstruosité. Pourquoi la France se couperait-elle un bras ? » [3]

En gros, l’écotartufe Nicolas Sarkozy n’a toujours pas changé. Mais il a un bon point… Qu’il se rassure sur le programme des décroissants : les décroissants n’ont pas l’intention, une fois le nucléaire abandonné (et même avant n’importe quel abandon, que ce soit l’abandon de mon moulin à eau dans mon jardin ou l’abandon du moulin à vent en papier fabriqué mercredi dernier par mon petit-neveu dans son centre aéré) de produire autant d’énergie qu’il en est produit actuellement… tout simplement parce que la dépense d’énergie n’est substantiellement pas la même. Quant à se couper un bras, soit, ce serait peut-être le cas, la douleur n’est pas exclue d’un changement de société. Mais quant à se priver de sa tête pour penser sa politique, notre président de la République aurait peut-être mieux fait de se couper un bras… Car la douleur, assurément, n’est actuellement pas absente du quotidien de moult citoyens ou étrangers qui souffrent d’inégalités entretenues (légitimement entretenues par ce système ?) et elle sera de la sinistre fête si le changement ne vient pas volontairement… Un coma éthylique ne guérit pas d’une gueule de bois… On ne soigne pas le mal par le mal, Monsieur le Président…

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[1] Pour lire l’article sur l’écotartufe Nicolas Sarkozy, consulter le journal La Décroissance, juillet 2007 ; ou bien le hors-série La Décroissance, juillet-août-septembre 2008, page 35.

[2]Émission du 7/9 présentée Bruno Duvic, le 14 avril 2011

[3] Les Echos

3 commentaires sur “« Alternative » ? Vraiment ?

  1. GILLERON Bernard

    Enfin un point d’arrêt à l’identification: décroissants= écolos.
    Et comme les écolos se prétendent souvent, ni de gauche ni de droite, on leur propose de voter pour n’importe qui: Lepage, DCB, Joly, et maintenant Hulot!
    Quand on écoute Ariès, Latouche,Rahbi on voit la différence avec les amoureux des petites fleurs que ne dérange pas le fait que pour en avoir une(de muguet) le 1er mai, il faudra lui faire parcourir 6000 km en avion, et pour lesquels faire marcher plein pot la production et les profits des patrons peu importe l’activité. Dépolluer fait grimper le PIB: vive la pollution!
    Aucune réflexion sur le changement de paradigme, de civilisation.
    Latouche fut mon prof à Lille I, son parcours est tout à fait logique, vu le Marxisme d’où il est parti.

  2. Legeographe Auteur

    Ah, ce dut être un délice d’écouter Serge Latouche en cours.

    Ce qui est dingue, c’est que René Dumont avait déjà, me semble-t-il, en 1974 les mêmes réflexions que peut avoir Nicolas Hulot ces derniers jours. Mais il n’avait pas besoin de l’assentiment des Français pour présenter ses thèses.

    En quelque sorte, René Dumont était en avance sur son temps et c’est pourquoi, à mon sens, il réalisa un si petit score à l’élection présidentielle. Mais c’est pourquoi aussi il avait du mérite. Il me semble que Nicolas Hulot passe bien après René Dumont, qu’on a eu le temps d’affiner la réflexion et qu’il faut aussi proposer du programme « électrochoc » (en gros, agir radicalement, car ça urge).

    Mais bon, on continue de proposer du René Dumont (et pourtant, il avait compris déjà les rouages destructeurs du colonialisme et du capitalisme successifs ; mais il ne proposait peut-être pas encore assez de prendre la tangente, peut-être parce que la touche finale de la mondialisation n’était pas encore esquissée sur le tableau).

    Yves Cochet a semble-t-il raté encore le coche, avec sa décision de se retirer de la primaire EELV si Hulot se présente. Cochet serait-il trop humble pour proposer ses idées choc ? Peut-être (en tout cas, on en connaît un au pouvoir qui n’a pas eu honte d’assumer sa place sur le fauteuil présidentiel… Le personnage du film qui sort sur sa « Conquête » ne grossit à mon avis en rien le trait, et même il est un euphémisme !).

  3. Flower

    Pour les marseillais intéressés, Florence Leray viendra nous parler de son nouveau livre « le négationnisme climatique en question » le jeudi 5 mai à L’Eolienne.

    « A 20h30, la journaliste Florence Leray vous dévoilera sous nos voûtes son analyse des différents discours qui nient la gravité du réchauffement climatique. Une belle occasion de découvrir son livre « Le négationnisme climatique en question » qui vient de paraître chez Galias. »

    L’EOLIENNE
    5, rue Méolan 13001 Marseille
    Tel / Fax : 04 91 37 86 89

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