Les esclaves et le climat

L’une des meilleures bandes dessinées jamais sorties d’un cerveau humain et d’un crayon, à mon humble avis, c’est sans conteste « Obélix et compagnie ». René Goscinny, le génial scénariste, prévient le lecteur : « Ce qui va suivre sera difficilement compréhensible pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec le monde des affaires antiques. D’autant plus que, de nos jours, tout ceci est impensable, puisque personne n’essaierait de vendre quelque chose de complètement inutile… » (1).

César a donc enfin trouvé le truc pour faire plier le village d’irréductibles gaulois: Caius Saugrenus va leur apprendre l’appât du gain, et ils cesseront d’aplatir les légionnaires romains, trop occupés qu’ils seront à accumuler les sesterces. Les romains se mettent à acheter des menhirs, et le village se développe. Dit autrement, ses habitants deviennent obsédés par l’argent. Mais bientôt, les romains s’y mettent aussi, les égyptiens itou, et le cours du menhir s’effondre. Tant et si bien que pour fourguer leurs stocks d’invendus, les « créatifs » romains, entre autres offres alléchantes, proposent, pour chaque achat d’esclave… deux menhirs en prime !

C’est précisément à cet épisode que j’ai pensé lorsque je suis tombé sur l’une des informations les plus extraordinaires de « Enterrez les chaînes » (2). Ce fabuleux bouquin d’Adam Hochschild raconte par le menu le combat d’une poignée d’hommes – les femmes, à l’époque… – qui décidèrent, en 1787, de se battre contre le système esclavagiste de l’empire britannique. Autant dire, qui décidèrent de changer le monde.

L’une des informations les plus folles, et qui montre combien, à l’époque, l’esclavage était normal, banal, concerne le glorieux combat des colonies américaines pour se libérer du joug britannique. Ayant quelques difficultés à enrôler des miliciens, la Caroline du sud « offrait ni plus ni moins des esclaves aux soldats blancs comme prime d’engagement dans l’armée » (3). La dinguerie d’une société se mesure souvent au fait qu’elle génère une réalité qui dépasse l’imagination des satiristes. Même Goscinny n’aurait pas imaginé que les créatifs romains proposeraient, pour tout achat de deux menhirs… un esclave en prime. C’est donc ce que firent certains des combattants américains, avant de joyeusement passer au génocide des populations indiennes, ce qui montre au moins une certaine constance dans l’idéologie de ces braves gens.

Pour comprendre, il faut se replacer dans le contexte. Il y a à peine plus de deux siècles, le fait qu’il y ait des sous-hommes appelés « esclaves » était normal. Comment vous faire comprendre ? Peut-être qu’en prenant un exemple moderne… Adam Hochschild écrit qu’« une analogie aujourd’hui pourrait être la manière dont certaines personnes réfléchissent à la question des voitures. Du fait du réchauffement climatique, de la qualité de l’air, des embouteillages, du bruit, et de la dépendance au pétrole, on peut argumenter que le monde serait en meilleure posture s’il n’y avait pas de voitures. Et que se passera-t-il quand l’Inde et la Chine auront autant de voitures par personne que les Etats-Unis ? Même si vous êtes dépendant d’une voiture pour aller au travail, il est possible d’admettre qu’il y a un problème. (…) Cependant, est-ce qu’il y a des gens qui proposent un mouvement visant à interdire les voitures ? De manière similaire, malgré la gêne que certaines personnes ressentaient clairement, vers la fin du XVIIIe siècle en Angleterre, par rapport à l’esclavagisme, y mettre fin semblait un rêve ridicule » (4).

Pour enfoncer le clou, l’historien ajoute que, « si [au début de 1787], vous vous étiez mis au coin d’une rue à Londres et vous aviez dit que l’esclavage est une chose moralement dégradante et qu’il devrait être interdit, neuf personnes sur dix auraient éclaté de rire en vous traitant de cinglé. La dixième personne aurait peut-être été d’accord sur le principe, mais vous aurait fait comprendre qu’interdire l’esclavagisme serait impossible dans la pratique : l’économie de l’Empire britannique s’effondrerait » (5).

Même les plus hautes autorités morales de l’époque trempaient dans le business de l’esclavagisme. Ainsi, le cardinal de Canterbury faisait part à un autre cardinal, en 1760, de ses soucis : « Je me pose des questions depuis longtemps, et je me plains du fait que les nègres de nos plantations baissent [traduction de l’original], et qu’il faille continuellement renouveler les stocks ». Cependant, homme pondéré, il ajoutait, comme le font tant d’autres femmes et hommes ô combien pondérés en 2011 : « Mais nous devons accepter les choses telles qu’elles sont aujourd’hui » (6). On remarquera au passage la torture de la langue qui consiste à présenter l’assassinat à coups de fouets comme une « baisse du stock ». D’autres exemples qui viennent à l’esprit sont « solution finale » pour décrire le génocide des Juifs, ou « croissance économique » pour décrire le génocide des habitants du Bangladesh, via la destruction du climat de la terre.

Mais les sommités ecclésiastiques n’étaient pas les seules à trouver l’esclavagisme normal. Les forces économiques étaient unanimes sur le sujet, et la beauté du système permettait des envolées lyriques. « « Quel commerce glorieux et avantageux », écrivait un homme qui travaillait pour une société de marchands d’esclaves. « C’est la base sur laquelle repose tout le commerce de la planète ». Un autre commerçant pensait que le transport d’esclaves était « la fondation de notre commerce, le support de nos colonies, la substance de notre flotte, et la première raison de notre industrie nationale et de nos richesses ». L’idée que n’importe qui puisse un jour vouloir interdire ce commerce lucratif était inconcevable » (7). Ledit transport d’esclaves à travers l’Atlantique n’aura jamais assassiné qu’un million et demi d’enfants, de femmes et d’hommes, mais ce fut fait pour la gloire du commerce britannique. Et il y a deux cent ans, déjà, un argument revenait souvent, qui montrait l’ineptie que représenterait l’interdiction de l’esclavage : « « Abandonner [ce commerce] à nos rivaux les Français reviendrait à donner un coup de couteau aux organes vitaux de notre nation, en tant que peuple de commerçants », écrivait un résidant de Bristol à un journal (…) » (8).

C’est en 1787 que quelques hommes décidèrent que, même si l’ensemble de la société dont ils étaient issus pensait que l’esclavagisme était normal, ils ne pouvaient aller contre leur conscience. Et leur conscience leur disait que ce commerce était répugnant, et qu’il fallait se battre pour y mettre fin. « Nous ne pouvons qu’imaginer comment les membres du Comité se sentirent lorsqu’ils se séparèrent et rentrèrent chez eux cette nuit-là [après leur toute première réunion]. La tâche qu’ils avaient entreprise était tellement monumentale qu’elle devait sembler à tous impossible. Ils devaient lancer leur croisade dans un pays où la grande majorité des gens, des plus petits fermiers au cardinaux, acceptait l’esclavage comme complètement normal » (9).

« Il y a toujours quelque chose de mystérieux par rapport à l’empathie humaine (…). La campagne en Angleterre était quelque chose de jamais vu auparavant : c’était la première fois qu’un grand nombre de gens se sentirent furieux, et restèrent furieux pendant des années, par rapport aux droits de quelqu’un d’autre, (…) par rapport aux droits de gens dont la peau était d’une autre couleur, et qui vivaient sur un autre continent » (10).

Et malgré les difficultés, rapidement, « les britanniques remirent en cause l’esclavage dans les sociétés de débat de Londres, dans les cafés provinciaux, aux tables de dîner, partout à travers le pays. Les arguments anti-esclavagisme remplissaient les rayons des librairies et les colonnes des journaux. (…) Le parlement était enfoui sous une masse de pétitions, la plus grande qu’il ait jamais reçue sur n’importe quel sujet » (11).

Avant de continuer cette histoire du combat contre l’esclavagisme, et de découvrir d’autres parallèles non dénués d’intérêt pour notre époque, un petit entracte. Au fur et à mesure que Hochschild nous fait connaître ces hommes qui parcouraient des milliers de kilomètres à cheval pour aller faire des conférences pour l’abolition de l’esclavage dans tout le Royaume-Uni, il nous livre des pépites sur l’époque en question, dont certaines sont plutôt comiques. Ainsi, il écrit qu’à un certain moment, « le roi George III devint fou. Cela faisait plusieurs semaines qu’il se conduisait bizarrement quand un jour il sauta de sa chaise, un soir, lors d’un dîner, saisit le Prince de Galles, et lui fracassa la tête contre le mur » (12). Je dois avouer, à ma grande honte, que l’idée du prince Philip, père de l’actuel Prince de Galles, lui sautant dessus et lui tapant la tête contre un mur a provoqué en moi, malgré mes convictions non-violentes, une grande hilarité républicaine.

Dans le même genre, l’auteur raconte les joyeusetés de la médecine de guerre du XVIIIe siècle, dont l’un des principaux soins consistait à – littéralement – saigner les blessés, afin de leur faire retrouver la santé. Toujours pince-sans-rire, Hochschild écrit qu’ « il n’est pas surprenant qu’un officier français décida de libérer un chirurgien militaire britannique qu’il avait capturé, disant à son prisonnier surpris (…) qu' » il ferait bien plus de mal » » aux troupes britanniques s’il lui permettait de les rejoindre que s’il le gardait en prison (13).

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Enfin, avant de reprendre le cours de notre histoire des quelques hommes qui défièrent le système esclavagiste, une dernière pépite glanée dans ce magnifique ouvrage. Lors des révoltes d’esclaves dans les îles Caraïbes, les britanniques furent sanglants. Et, contrairement à aujourd’hui, où n’importe quel dictateur ou démocrate largue des bombes pour faire le bonheur des basanés bombardés, à l’époque, les militaires n’avaient pas encore maîtrisé l’art kolossalement subtil de la propagande. Ainsi, « leur principale mission, dirent le général et l’amiral britanniques en charge de la région des Caraïbes dans un message conjoint à leurs officiers, consiste « à empêcher la circulation dans les colonies britanniques des sauvages et pernicieuses doctrines de la liberté et de l’égalité » » (14).

A certains moments, la campagne pour l’abolition de l’esclavagisme prit des tournures qui mettent les larmes aux yeux. « De Sheffield, (…) 769 ouvriers métallurgistes envoyèrent une pétition au Parlement en 1789 contre le commerce esclavagiste. « Les articles métalliques (…) étant envoyés en grandes quantités sur les côtes africaines (…) comme paiement pour les esclaves – nous, pétitionnaires, sommes supposés être sévèrement impactés dans le cas où le commerce des esclaves serait aboli. Mais nous, pétitionnaires (…) considérons la cause des nations d’Afrique comme étant la nôtre » (15). Le jour où nous aurons des pétitions des syndicats d’ouvriers fabricant voitures et avions qui diront qu’ils refusent de participer plus longtemps à un génocide et que la cause des peuples du sud est la leur, on sera proche de la victoire.

A la Chambre des communes, la bataille faisait rage, et là aussi, les échos d’il y a deux cent ans n’ont rien perdu de leur actualité. Les imbéciles d’hier ont de dignes représentants dans le débat sur le climat de la planète aujourd’hui. Ainsi, par rapport à ceux qui disaient que si la Grande-Bretagne arrêtait le commerce des esclaves, les Français le feraient à leur place, Wilberforce, le principal parlementaire abolitionniste, rétorqua que la même chose pouvait être dite de n’importe quel mal : « Ceux qui utilisent cet argument peuvent, de la même manière, dire que nous pouvons voler, assassiner, et commettre des crimes, que d’autres auraient pu commettre si nous ne l’avions pas fait » (16). Les écologistes qui expliquent le plus sérieusement du monde que s’ils ne prennent pas l’avion, d’autres le feront à leur place, doivent le savoir, leur argumentaire ne date pas d’hier : ils sont les dignes descendants d’autres crétins.

Au fur et à mesure que la campagne progressait, même « Henry Dundas, le puissant ministre de l’intérieur (…) se prononça en faveur de l’émancipation – mais loin dans le futur, ajouta-t-il rapidement, et seulement après beaucoup de travail et d’éducation. Le discours de Dundas représentait un moment qui arrive dans n’importe quelle croisade politique lorsque l’autre bord est forcé d’adopter la rhétorique adverse : l’agriculture intensive continue ses pratiques, mais appose des labels « naturel » sur ses produits ; la compagnie pétrolière se déclare pro-environnement, et continue à forer du pétrole » (17).

Du côté des esclavagistes, les boîtes de relations publiques de l’époque tentèrent de présenter sous un autre jour cette noble activité qui consiste à enlever des gens et à les assassiner plus ou moins vite : « Au lieu d' »esclaves », appelons les nègres « assistant-planteurs » (18). Et au lieu de « voitures », appelons les machines qui détruisent le climat de la terre « voitures vertes ». Les esclavagistes commencèrent à expliquer à quel point ils étaient « profondément attentifs au bien-être des esclaves », à coups de fouet. Le gouvernement n’était pas en reste, qui mit en place, dans diverses colonies « une nouvelle position de Protecteur des esclaves de Sa Majesté » (19).

Et tandis qu’aujourd’hui, des écologistes décérébrés prétendent faire de l’écologie en se « battant » pour que les tutures crachent 109 g de CO2 par kilomètre, au lieu de 110, il faut qu’ils sachent qu’ils sont, là aussi, les héritiers d’une tradition qui a au moins deux cent ans d’âge. En 1831, l’assemblée des blancs de la Jamaïque organisa un débat, non pas sur l’interdiction de l’esclavage, bien entendu, mais sur la question de savoir s’il ne vaudrait pas mieux fouetter les femmes esclaves en leur laissant leurs vêtements, plutôt que de les dénuder, comme cela se pratiquait alors (20). Tout faire pour ne pas poser les bonnes questions… hier et aujourd’hui. C’est là un classique du genre : des gens permettent à des actes immoraux de perdurer en prétendant les modifier… Pendant que le Parti de la Résistance montre, chiffres à l’appui, qu’il faut interdire l’avion et la voiture, il y a des écologistes qui permettent à ces machines de continuer à détruire le climat de la terre en prétendant les rendre « vertes ».

Le premier génocide du XXe siècle, même avant celui des Arméniens au mains des Turcs, est celui des Congolais par les belges. Il est peu connu, mais très documenté, et ce sont environ 10 millions d’enfants, de femmes et d’hommes du Congo qui furent assassinés par les belges et leur roi, Léopold II. Une partie des monuments de Bruxelles est construite sur des charniers dignes d’Auschwitz. Dans un autre livre d’histoire, « Le fantôme du roi Léopold », Hochschild raconte les atrocités perpétrées par les belges, et là aussi, l’histoire devrait, en théorie, nous permettre de ne pas refaire les mêmes erreurs d’analyse (21).

D’abord, l’instinct grégaire, qui fait qu’une société peut perpétrer un génocide le plus tranquillement du monde. George Williams fut le premier à dénoncer haut et fort les massacres systématiques. Pourtant, « au moment où il alla au Congo en 1890, près d’un millier d’Européens et d’Américains avaient visité le territoire ou y avaient travaillé » sans l’ouvrir, pour le dire vulgairement (22).

Là aussi, le langage qui aujourd’hui transforme des machines génocidaires en « voitures vertes » est à l’œuvre : « parler, comme le faisaient les officiels de Léopold, des travailleurs forcés comme étant des « libérés » (…) revenait à utiliser un langage aussi perverti que celui se trouvant au-dessus de la porte d’Auschwitz, Arbeit Macht Frei [le travail rend libre]. » (23).

Principal architecte de la campagne internationale dénonçant le génocide au Congo, Edmund Morel écrivit que son objectif « depuis le tout début consistait à montrer que, étant donné certaines données de départ, [les massacres] devaient nécessairement avoir lieu » (24). De la même manière aujourd’hui, étant donné certaines données de départ – des gens qui pensent qu’il est normal de posséder un moteur individuel pour se mouvoir -, alors la destruction du climat doit nécessairement en résulter. C’est mathématique, vu la population mondiale, la pollution engendrée par une tuture, et la sensibilité du système climatique.

Enfin, et c’est peut-être là l’enseignement historique le plus important, et qui explique en partie au moins pourquoi des écologistes participent intensivement à la destruction du climat en prenant l’avion, « oublier sa participation à un meurtre de masse n’est pas quelque chose de passif ; c’est un procédé actif. En regardant les souvenirs écrits par les premiers conquistadors blancs de l’Afrique, nous pouvons parfois attraper l’acte d’oublier au moment même où il s’effectue. Ce n’est pas un moment d’effacement, mais cela consiste à renverser les choses, il s’agit d’une étrange modification du meurtrier qui, mentalement, se représente en tant que victime » (25).

C’est exactement ce que fait la classe moyenne française aujourd’hui. Elle prend l’avion, la machine la plus destructrice du climat qui soit… et elle se présente comme victime des méchantes multinationales – ah, les couardes ! – qui, suprême perfidie, mettent du pétrole dans les réservoirs de l’avion.

Les membres de ladite classe moyenne qui prennent l’avion, y compris ceux qui se disent « écologistes », ne seront néanmoins pas accusés d’hypocrisie dans 20 ans, quand s’accumuleront les charniers d’êtres humains morts suite à des famines provoquées par la destruction du climat, destruction dont ils seront hautement responsables.

En effet, les génocidaires se voient rarement reprocher d’être hypocrites : leur statut de génocidaire suffit largement à les décrire.

Pierre-Emmanuel Neurohr
Parti de la Résistance

(1) Obélix et compagnie, René Goscinny et Albert Uderzo, 1976, p. 36.
(2) Bury the Chains, The British Struggle to Abolish Slavery, Adam Hochschild, 2005.
(3) Ibid, p. 100.
(4) Ibid, p. 86.
(5) Ibid, p. 7.
(6) Ibid, p. 68.
(7) Ibid, p. 14.
(8) Ibid, p. 140.
(9) Ibid, p. 96.
(10) Ibid, p. 5.
(11) Ibid, p. 213.
(12) Ibid, p. 141.
(13) Ibid, p.272.
(14) Ibid, p. 268.
(15) Ibid, p. 5.
(16) Ibid, p. 161.
(17) Ibid, p. 232.
(18) Ibid, p. 160.
(19) Ibid, p. 331.
(20) Ibid, p. 337.
(21) King Leopold’s Ghost, Adam Hochschild, 1999.
(22) Ibid, p. 114.
(23) Ibid, p. 310.
(24) Ibid, p. 188.
(25) Ibid, p. 295.

5 commentaires sur “Les esclaves et le climat

  1. CarFree

    Merci pour cet article, le parallèle entre esclavagisme et réchauffement climatique est vraiment éclairant, dans les deux cas il y a myopie collective pour maintenir nos petits avantages individuels. Le bouquin d’Hochschild a l’air passionnant, mais je tiens à le rassurer au moins sur un point, il y a bien des gens qui proposent un monde sans voitures, ici même, sauf qu’il est vrai qu’on reste archi minoritaire et difficilement audibles, comme les premiers opposants à l’esclavagisme…

  2. MOA

    Merci pour cet excellent article. J’en profite pour également conseiller la lecture d’1 excellent bouquin de Sven Lindqvist : »exterminez toutes ces brutes – l’odyssee d’un homme au coeur de la nuit et les origines du genocide europeen ».
    4ème de cou
    Ce livre est le récit d’un double voyage : celui d’un homme qui traverse le Sahara et qui, parallèlement, remonte le temps à travers l’histoire du concept d’extermination. Dans de petits hôtels du désert battus par les sables, son étude se concentre sur une phrase du roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres :  » Exterminez toutes ces brutes !  » Pourquoi Kurtz, le héros du livre, conclut-il par ces mots son rapport sur la mission civilisatrice de l’homme blanc en Afrique ? Que signifiaient-ils pour Conrad et ses contemporains ? Mêlant librement l’essai, l’autobiographie, la littérature et le carnet de voyage, cheminant à travers l’histoire des sciences et des idées, Sven Lindqvist retrace les fondements idéologiques qui justifièrent l’anéantissement de peuples entiers au nom du Progrès et de la Civilisation. Un témoignage saisissant sur les origines du génocide. 

  3. Jean

    Article intéressant quoiqu’un peu longuet.
    Hélas, comparaison n’est pas raison ; la cause des esclaves d’hier n’est pas celle de nos anti-voitures d’aujourd’hui. En effet, si les braves paysans britanniques finirent par être sensibles à la souffrance des noirs mis en esclavage à des milliers de kms de chez eux (problème qui, finalement, impactait peu sur leur vie quotidienne), il est peu probable que nos braves navetteurs accepte de lâcher leur volant, car ils mesurent d’emblée les tracasseries que leur apporterait une vie sans automobile (sans parler du déficit d’image sociale auprès des amis et des collègues).

    Bref, les familles de paysans du XIXe siècle n’avaient pas d’esclaves, alors que les employés du XXIe siècle possèdent 1 ou 2 voitures par foyer : c’est une grande différence.

    Bien sur, il reste le discours « nous sommes des précurseurs, les Galilée de la pensée écologique » Mais il suffisait de citer Gandhi (« d’abord ils nous ignorent, etc. ») sans pour autant tartiner 10 pages…

  4. Jean

    Et à propos du Congo et des belges, rappelons quand même qu’à l’origine, le Congo appartenait à Léopold II (Roi des belges effectivement) et non pas à l’état belge. Léopold avait contracté des dettes auprès du gouvernement belge pour exploiter le Congo (« le mettre en coupe réglée » serait plus exact) et en échange il favorisait son petit pays dans le commerce issu de cette exploitation. Dans les faits, l’essentiel des effectifs était belge évidemment, mais la mise sous tutelle des territoires situés sous le fleuve Kongo sont bien issus de l’initiative d’un seul homme (Léopold II), et pas d’un gouvernement (la Belgique). Léopold II avait personnellement commissionné le fameux Stanley pour défricher le terrain et acheter les terres aux autochtones et il a d’ailleurs du demander la permission au sénat belge pour pouvoir être Roi d’un deuxième pays.
    Au final, il n’a jamais pu rembourser ses dettes à la Belgique et, peu avant sa mort, lui a légué sa colonie privée pour éponger son ardoise. C’est comme ça que la Belgique s’est trouvée officiellement propriétaire du Congo, qui est devenu à ce moment-là le Congo Belge. Notons que, sous l’égide de la Belgique, l’esclavage a fortement diminué (même s’il existait encore, soyons honnêtes) et que la pire période fut bien sous Léopold II, lors de l’exploitation de l’ivoire et du caoutchouc.
    Mais bon, tout cela est très bien raconté dans le bouquin de Hotschild…

  5. Legeographe

    Passionnant article. La critique de Jean vaut cependant aussi le coup d’être prise en compte. Il y a forcément des gens qui y perdront un paquet de mobilité. Exemple, quand on va sur d’autres forums où les gens louent sans limites les avantages de leur voiture (et donc crachent sur tout radar ou sur toute limitation de vitesse qui les empêche un peu de faire n’importe quoi !), la voiture pour le boulot ou pour y aller (et certains font 10.000 km par an en voiture pour aller au boulot plus 50.000 km par an dans le cadre de leur voiture… Réponse à leur balancer : les métallurgistes d’Angleterre cités par Hochschild.
    Mais il est vrai que notre société est un peu constamment mise sous stress grâce au spectre du chômage, ce que connaissaient un peu moins les ouvriers du 18e siècle.

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