L’État vous rackette, ah oui? Les pollueurs nous rackettent notre air sain!

« L’État nous rackette », entend-on beaucoup en France à propos des radars automatiques; ce crachat pour crier la perte d’un écrin est revenu souvent à l’écran ou à l’écrit, faisant carrément craindre des représailles. Nous disons « carrément crades »! Car l’extorsion menaçante, intimidante, humiliante, que pratique quotidiennement la masse des automobilistes, c’est l’extorsion du peu d’air sain qu’il pourrait nous rester au 21e siècle.

Dépasser une limitation de vitesse n’est pas gratuit, il en coûte pas mal d’euros et quelque(s) points sur le permis. En revanche, polluer est gratuit (sic). Que ce soit en faisant son kéké pour faire une virée avec sa copine pour l’épater et faire rugir le moteur ou en allant travailler le matin, l’automobiliste nous extorque gratuitement (sic) ce qui est respiré par tous. Il va râler, l’automobiliste, et me rétorquer (il sait rétorquer en plus d’extorquer, l’automobiliste) que non, l’essence est chère, et que ce n’est pas gratuit que de polluer. Eh oui, ça devient cher (ça n’est pas encore cher, petit rappel, par rapport à ce que ce sera bientôt, ça s’appelle le pic pétrolier)… Mais l’euro cinquante que tu mets dans ton réservoir ne sera jamais suffisant pour la dégradation de l’air engendrée. Total se contrefiche de savoir si nous respirons bien ou pas, tout au plus ses communicants se préoccupent-ils de savoir si nous avons la perception que Total se préoccupe de l’air des gens, de l’avenir de tous.

« L’énergie est notre avenir, économisons-la ! », « Notre énergie est votre énergie. », disent les deux slogans de Total. Le premier slogan est  bien greenwashing (écoblanchiment), à ce titre.

Non seulement, Total ne se préoccupe pas de préserver l’air dans la même mesure qu’il ne le dégrade; mais aussi l’État prélève-t-il la TIPP (taxe d’importation sur les produits pétroliers) pour bien d’autres choses que la préservation de l’air. La réaffectation de la taxe (« racket », là aussi, disent les camés de la bagnole) n’est pas là pour procurer un air assaini, mais pour payer tout un tas de trucs (dont un porte-avions militaire). La pollution automobile, c’est un peu comme le nucléaire. On cache d’ailleurs tout un tas de coûts environnementaux et à long terme. La note est salée… mais cachée…

 » Ah non, jeune et jolie dame, vous ne payez pas l’addition, elle est déjà payée.
– Ah bon, mon mari m’a encore joué ce tour galant ?
– Non, ce n’est pas votre mari qui paye, ce sont vos enfants.
– Mais je n’ai pas d’enfants !
– Ce sont donc ceux que vous aurez.
– Et si je n’en ai jamais ?
– Ceux des autres s’en chargeront… enfin, en seront chargés. »
(À ce compte-là, Madame se sent un peu obligée de mettre la main à la poche pour donner un pourboire au serveur qui lui a évité de payer toute l’addition; ce faisant, Madame reconnaît l’extrême gentillesse du système et surtout encourage le serveur à recommencer un tel tour de passe-passe, tour très facile pour satisfaire la cliente flattée.)

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Les pollueurs polluent gratuitement, disions-nous donc. Et ils ne s’en étonnent pas! Ils ne réclament pas justice pour aller payer réparation… Les pollueurs polluent tellement gratuitement qu’on peut jeter un paquet de biscuits sur une plage et personne ne s’en émouvra. Géniale, cette société que voici! La pollution est tellement si peu chère qu’on n’a même pas besoin de faire une promotion sur les paquets de douzaines de pollutions… « -100% sur la pollution », de toute façon, ce serait absurde, on n’a encore jamais payé la pollution. On n’a pas besoin de promotions, tout le monde se rue dessus alors qu’il n’y a rien à gagner, mais bien tout à perdre…

Alors, les automobilistes continueront à faire plier les gouvernements en disant qu’on les rackette. Et eux peuvent continuer de nous racketter notre air que c’en est même pas grave…

Même pas mal, disent-ils, c’est gratuit ! Ah, qu’est-ce que c’est bien, la gratuité, dans ce sens… Bah oui, quand les gens se plaignent qu’un jour il faudra acheter même l’air et prennent leur voiture parce qu’ils sont bien obligés (mais sans remettre en cause cette pratique si « on est bien obligés »), ils feraient bien de regarder le racket de l’air qu’ils organisent, et soit dire des trucs un peu plus constructifs à leur niveau, soit agir. Soit les deux…

Je me suis fait racketter mon air depuis que je suis né, je suis né même un an après le 26 avril 1986, date de l’explosion de Tchernobyl; on m’a racketté mon air même dans la période soviétique et ce avant ma naissance, on continue de me racketter mon air tous les jours dans le système capitaliste. Quelle joie !

Ou comme l’on parle plus souvent de racket pour de l’argent ou des objets et que l’air n’est ni l’un ni l’autre mais quelque chose que l’on peut considérer comme devant être bien plus sacré, ne devrait-on pas dire que pendant que l’État rackette les automobilistes, ceux-ci (carrément) violent l’air de chacun? Le viol de l’air, « parce qu’on est bien obligés… », diront-ils…