Détruire des voitures pour se défouler?

Connaissez-vous la « destruction constructive »? Certains se sont engouffrés dans la brèche et proposent des activités de destruction automobile censées « évacuer le stress » et « libérer l’énergie ». Et si ce week-end on allait détruire des voitures?

Une entreprise propose ainsi de passer ses nerfs sur un véritable véhicule: pare-brise, rétros, tableau de bord n’auront qu’à bien se tenir car vous aurez le loisir de tout détruire.

Pourquoi détruire une voiture? Selon l’entreprise en question, « si crier après les chauffards ne vous suffit plus, défoulez-vous en imaginant détruire leurs voitures ! Laissez toute votre énergie s’exprimer dans ce team building exutoire et repartez léger« .

L’idée est donc de repartir « léger » après une bonne séance de destruction. Les participants reçoivent pour cela des « instruments de destruction »: masse, batte de baseball, club de golf… Ils sont équipés de combinaisons de protection, protégés par un casque, des lunettes et des gants épais. Par petites équipes de 2 à 4 personnes, « dans une ambiance hautement électrique, ils vont pouvoir évacuer 
leur stress et laisser libre cours à leurs pulsions« .

« Laisser libre cours à ses pulsions », « évacuer le stress », mais alors, si les jeunes des banlieues détruisent parfois les voitures, c’est en fait pour « évacuer leur stress », il ne faut pas leur en tenir rigueur car il s’agit de « destruction constructive », une manière thérapeutique de « libérer leur énergie »?

Euh en fait non! Car ici « on paye pour détruire » et, comme dans le cas de la psychanalyse, cela doit faire probablement partie du processus thérapeutique… Détruire gratuitement une voiture, c’est mal, payer pour détruire, cela fait marcher le commerce permet de « libérer son énergie »…

On pourrait y voir ainsi une forme de « destruction thérapeutique », une manière de se soigner de la société de consommation en détruisant les objets qui la composent. En cela, la « destruction constructive » est un pur produit (nihiliste) de la société de consommation.

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La société vous abreuve de publicités pour acheter des voitures, vous enjoint d’en changer régulièrement en provoquant votre éternelle insatisfaction, puis vous transforme en « unité immobile de détresse » sur la voie rapide congestionnée, et enfin vous fournit le moyen de vous venger en détruisant l’objet du délit, à savoir la voiture qu’on a cherché coûte que coûte à vous vendre…

Pour paraphraser Günther Anders, « dans sa timidité devant les objets, l’homme vénère ces derniers comme des autorités ontologiques, comme une classe sociale supérieure. (…) Après s’être lié à la proliférante famille des objets, personne n’a plus à réfléchir à ses besoins: les objets expriment les leurs, et exigent d’être satisfaits; nous ne sommes plus que leurs serviteurs imparfaits, qu’ils rappellent sans cesse à l’ordre« . Et plus loin, Anders donne même ce qui pourrait être une définition de l’automobile: « c’est l’engin technique et marchand qui devient à son tour consommateur (= sujet de la demande d’être équipé, nourri, entretenu, etc.)« *

Bref, l’automobiliste est avant tout au service de sa voiture, bien plus que sa voiture n’est à son service. Esclave de sa voiture, il doit l’entretenir, la « bichonner », faire attention à ne pas l’abimer, aller chercher périodiquement de l’essence pour « la nourrir », ne pas oublier de « la laver », etc.

En cela, l’activité consistant à détruire ludiquement des voitures apparaît comme une tentative dérisoire de rébellion transgressive face à l’objet. L’esclave de la voiture va, l’espace d’un samedi après-midi, infliger une punition symbolique à son maître motorisé.

Pour ce faire, il sera bien entendu venu et repartira en voiture.

* Gunther Anders, L’obsolescence de l’homme, 1956

9 commentaires sur “Détruire des voitures pour se défouler?

  1. georges

    bien dit, et à ce propos, j’ai été emmerdé cet après midi par un salopard qui m’a frôlé sur les quais de seine, en sprintant je l’ai rattrapé au feu rouge et l’individu m’a soutenu (un grand classique) que lorsqu’il y a des pistes cyclables le cycliste est obligé de les emprunter. C’est bien sur complétement faux, mais où pourrais-je trouver le fondement juridique de cette non-obligation? J’ai pour projet d’en emmener à chaque fois quelques exemplaires sur moi pour le distribuer aux automobilistes frustrés de leur immobilité en voiture.

  2. Lomoberet

    Diamant de vitrier !
    C’est pas pointu, ça ne risque pas d’abîmer tes poches, mais avec ça tu peux ruiner les quatre vitres latérales,la lunette arrière, le pare-brise et les rétroviseurs d’une bouse à moteur avant que le gras du bide ne sorte de son corbillard.
    Ça, ça les fait plus réfléchir que les meilleurs articles du code de la route.
    Repartir au sprint dans la direction opposée et s’esquiver par les escaliers les plus proches.

  3. georges

    merci pour l’info

    @Lomoberet pas que ça à faire de détruire une caisse, je prend le vélo comme utilitaire et bien souvent c’est à la seconde près.

  4. wombie

    @Lomoboret : ce genre de choses, il vaut mieux le faire dans une ville ou on ne mettra plus jamais les pieds ou alors changer de vélo, d’itinéraire, de fringues, d’habitudes et surtout ou on interdira le vélo à toute la population*
    Parce que le jour ou le gars a qui tu auras fait ça te reconnaitra, tu feras surement connaissance, avec tes gosses/amis si tu es en groupe, avec sa calandre ou le dessous de ses roues avant qu’il réalise qu’il s’apprête à tuer des gens (le cervelet aura agit avant que le cerveau entre en action).
    G… ou vitupérer, voire cracher (et encore) peuvent se comprendre mais dégrader/détruire un véhicule me semble un comportement réellement stupide (et dangereux, un pote ayant exploser un rétro avant de faire demi-tour s’est fait courser et rattraper par un automobiliste descendu plus vite que prévu de son enclume : il connait désormais parfaitement le prix d’un rétro neuf de BMW avec les frais de pose)

    * il faudra supprimer le vélo de cette ville car ta victime écrasera le premier cycliste qui aura eu le malheur de réagir, même gentiment.

  5. benazech

    Salut à tous,vikings,gaulois,et autres primitifs.
    Moi depuis que je connais carfree,je me mets à aimer ma bagnole,et je crois bien que je vais y mettre des pneus plus larges en prévision des grosses flaques à proximité des pistes cyclables

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