En 2030, le chaos sur les routes belges, sauf si…

A politique inchangée, les perspectives de l’évolution des transports en Belgique à l’horizon 2030 mettent en évidence une croissance importante du transport de personnes et de marchandises. Cette évolution est étroitement liée aux perspectives de croissance économique et sociodémographiques à long terme. Elle n’est pas sans effets négatifs sur la congestion routière et l’environnement. Il apparaît par conséquent important de gérer au mieux cette évolution pour réduire ces effets négatifs. L’étude couvre le transport de personnes et de marchandises sur le territoire belge, les modes routier, ferroviaire et fluvial, de même que la congestion routière et les coûts environnementaux du transport.

  • Entre 2008 et 2030, le nombre total de passagers-kilomètres augmente de 20% et le nombre total de tonnes-kilomètres augmente de 68%.
  • En 2030, le transport routier reste prépondérant : 86% des passagers-kilomètres, dont 80% en voiture, sont parcourus sur la route et 71% des tonnes-kilomètres, dont 67% par camion, sont transportées sur la route.
  • Avec une diminution de la vitesse moyenne de 29% en période de pointe et de 16% en période creuse entre 2008 et 2030, les conditions de circulation sur le réseau routier continuent de se dégrader.
  • La croissance du transport induit une augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur de 12% entre 2008 et 2030, et ce malgré l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules, le recours croissant aux biocarburants et le développement de nouveaux types de motorisation. Le transport routier est responsable de 97% de ces émissions.
  • En revanche, la mise en oeuvre d’une réglementation environnementale plus stricte se traduit par une diminution considérable des émissions de polluants traditionnels tels que les particules fines, les oxydes d’azote et les composés organiques volatils.

L’évolution de la demande de transport se fonde sur les perspectives macroéconomiques et sociodémographiques du BFP et tient compte des déterminants du coût du transport (coût monétaire et en temps). La projection à politique inchangée part de l’hypothèse d’une poursuite de la politique des prix actuelle et de la mise en oeuvre des directives européennes existantes. Elle table également sur une intégration progressive des voitures hybrides (rechargeables ou non) et entièrement électriques dans le parc de voitures. Etant donné l’incertitude sur l’année d’introduction et les modalités précises de sa mise en oeuvre, la projection à politique inchangée ne tient pas compte de l’accord de principe entre les trois Régions sur la tarification au kilomètre pour les camions et sur la vignette autoroutière pour les véhicules légers (camionnettes et voitures). Les effets de ce type de mesure ont néanmoins été étudiés par le biais de deux scénarios alternatifs, l’un simulant une tarification au kilomètre pour les camions uniquement, l’autre pour l’ensemble des usagers de la route. D’après les simulations, dont les résultats détaillés sont décrits dans la publication, appliquer une tarification au kilomètre sur les camions uniquement ne réduit ni la congestion routière, ni l’impact du trafic routier sur l’environnement. Il faut, pour cela, appliquer une tarification au kilomètre sur l’ensemble des moyens de transport routiers.

Forte croissance du transport de personnes et de marchandises

Les perspectives à politique inchangée montrent une forte croissance du transport de personnes et de marchandises (cf. tableau). De 2008 à 2030, le nombre total de passagers-kilomètres augmente de 20%. En 2030, la voiture reste le mode de transport dominant pour le transport de personnes (80% des passagers-kilomètres). Toutefois, une plus grande part de passagers-kilomètres est parcourue par des conducteurs se déplaçant seuls, tandis que la part de covoiturage diminue. La part du train et du métro augmente légèrement, celle du tram reste stable et celle du transport en bus diminue.

Le nombre de tonnes-kilomètres parcourus en Belgique augmente de 68% entre 2008 et 2030. L’augmentation la plus significative concerne les entrées et les sorties du territoire belge. D’ici 2030, il y a un transfert d’une partie du transport de marchandises de la route vers le transport ferroviaire et la navigation intérieure. Néanmoins, le mode routier (camions et camionnettes) reste dominant (71% des tonnes-kilomètres en 2030).

Plus de congestion

La croissance du transport de personnes et de marchandises conduit à une détérioration soutenue des conditions de circulation qui, sans nouvelles mesures, se reflète par une diminution de la vitesse moyenne sur le réseau routier. En 2030, la vitesse durant les heures de pointe diminue de 29% par rapport à 2008, tandis qu’aux heures creuses, la réduction de vitesse atteint 16%. A titre d’exemple, en 2008, 1h19 en moyenne était nécessaire aux heures de pointe pour faire 50 km sur le réseau routier belge. En 2030, il faudra 1h51 pour parcourir la même distance au même moment, soit 32 minutes supplémentaires. Durant les heures creuses, il fallait 41 minutes pour faire 50 km en 2008, il en faudra 49 en 2030, soit 8 minutes additionnelles.

Evolution positive pour les polluants traditionnels mais négative pour les émissions de gaz à effet de serre.

Les perspectives à politique inchangée tablent sur l’adoption des nouvelles normes « Euro » et de normes d’efficacité énergétique pour les véhicules, sur un recours croissant aux biocarburants et sur un développement modéré mais régulier des motorisations hybrides et électriques. Grâce à ces mesures, les émissions directes des polluants traditionnels (CO, NOx, PM2,5, SO2 et COVNM) sont réduites substantiellement malgré la croissance du trafic. En 2030, la baisse par rapport à 2008 atteint 53% pour le SO2, 75% pour le CO, 77% pour le NOx, 80% pour les PM2,5 et 83% pour les COVNM.

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Les émissions directes de gaz à effet de serre augmentent pour leur part de 12% entre 2008 et 2030. Cette évolution s’explique principalement par la hausse de l’activité du transport routier de marchandises qui n’est pas compensée par des améliorations technologiques significatives. Au niveau du transport de personnes, les émissions de gaz à effet de serre restent relativement stables sur l’ensemble de la période. Cette stabilité s’explique en grande partie par les normes strictes imposées aux constructeurs automobiles quant aux émissions de CO2 des nouvelles voitures. Si l’on tient compte aussi des émissions indirectes, libérées lors de la production et du transport des carburants et de l’électricité, la croissance des émissions de gaz à effet de serre atteint 20%.

Quels défis pour les transports à l’horizon 2030

L’évolution croissante de la demande de transport et la relative stabilité de la répartition entre modes pendant les vingt prochaines années posent question en termes d’efficacité du système de transport. Les émissions de gaz à effet de serre vont s’accroître et les conditions de circulation sur le réseau routier vont se dégrader, ce qui ne sera pas sans conséquence sur le développement économique de la Belgique (l’ampleur de cet impact n’est pas étudiée dans le cadre de cette étude). Il est dès lors important de gérer au mieux l’évolution des transports afin de réduire l’impact du transport sur l’environnement et la congestion routière. L’importance d’une meilleure gestion des transports est de plus en plus défendue au sein des autorités internationales, nationales, régionales, locales voire même au sein de la population.

Au niveau international (principalement européen), la révision de la directive Eurovignette a été approuvée en 2011 (Directive 2011/76/EU) avec pour objectif de réduire les coûts environnementaux du transport par camion, mais également de diminuer la congestion, via une tarification au kilomètre différenciable selon la période de déplacement (heures de pointe ou heures creuses). Néanmoins, comme le transport en voiture représente la majorité du trafic routier sur l’ensemble de la période de projection (plus de 70% de l’ensemble des véhicules-km), il paraît important de ne pas se focaliser uniquement sur le transport par camion. Au niveau belge, l’accord de principe conclu en 2011 entre la Région flamande, la Wallonie et la Région de Bruxelles-Capitale va dans ce sens puisqu’elle vise une tarification routière pour l’ensemble des usagers de la route. Les modalités de cet accord ne sont à l’heure actuelle pas encore totalement définies et l’impact sur le transport, la congestion routière et l’environnement dépendra de ces modalités.

L’entrée en vigueur d’une tarification au kilomètre ou de toute autre mesure fiscale visant à promouvoir un transfert modal au détriment du transport routier doit se faire en parallèle avec d’autres mesures visant à augmenter l’attractivité des modes alternatifs. Pour le transport de personnes, il s’agit entre autres d’augmenter l’accessibilité aux transports en commun, leur fréquence et leur fiabilité. Il faut également s’assurer d’une capacité suffisante pour pouvoir absorber la demande supplémentaire. Pour le transport de marchandises, il faut également veiller à ce que l’infrastructure ferroviaire et fluviale puisse répondre à une augmentation de la demande. Le transport multimodal doit également être facilité et encouragé.

L’utilisation de biocarburants (bioéthanol, biodiesel) et le développement de motorisations de plus en plus propres (normes EURO, normes d’émission de CO2, véhicules hybrides ou entièrement électriques) permettent également de réduire l’impact du transport sur l’environnement. L’effet des voitures électriques sur les émissions de polluants est cependant étroitement lié aux consommations de carburants et d’électricité de ces voitures et au mix énergétique pour la production d’électricité supplémentaire nécessaire au fonctionnement des voitures électriques.

Enfin, il convient de noter que l’impact du transport sur la congestion routière et l’environnement peut également être réduit à travers la mise en place de politiques liées à l’aménagement du territoire et du temps de travail. Pour réduire la congestion routière, une augmentation de l’infrastructure routière peut également être une alternative à envisager. Le modèle actuellement utilisé pour réaliser les projections de la demande de transport ne permet pas, dans son développement actuel, d’analyser en détails ces politiques-là.

Pour conclure, la projection de la demande de transport a pu mettre en évidence les grands défis qui nous attendent à l’horizon 2030 en termes d’environnement et de congestion routière en particulier. Plusieurs solutions sont envisageables. On pense en particulier aux mesures fiscales visant à réduire l’utilisation du mode routier et favorisant le transfert modal mais également aux évolutions technologiques, à l’aménagement du territoire et de l’infrastructure et à l’aménagement du temps de travail. L’impact de chacune de ces mesures sur la congestion routière et l’environnement dépend de leurs modalités. Avant la mise en place de politiques de transport, il semble par conséquent important de réaliser des études approfondies sur chacune des solutions possibles.

Source : communiqué du Bureau fédéral du plan

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