Désobéir à la voiture

Nous vous conseillons la lecture réjouissante d’un petit livre à petit prix dont le but est de nous apprendre à « Désobéir à la voiture ».

« Désobéir à la voiture », c’est un opuscule qui s’intègre dans une collection plus vaste dont le thème général est la désobéissance. Cette collection développée par la maison d’édition le passager clandestin regroupe déjà plusieurs titres comme « Désobéir au nucléaire », « Désobéir à l’argent » ou « Désobéir à la pub ».

Cette collection dirigée par Xavier Renou est apparemment en lien avec le groupe des Désobéissants, un collectif activiste dont l’objet est de former à la désobéissance civile et d’accompagner ceux qui entendent se battre pour le bien commun.

Ces ouvrages n’ont pas d’auteurs clairement identifiés, si ce n’est « Les Désobéissants », mais font semble-t-il appel à des contributeurs. « Désobéir à la voiture » a ainsi pour contributeur principal Stéphen Kerckhove, qui est loin d’être un inconnu. Activiste et militant écologiste, il est délégué général d’Agir pour l’Environnement.

Ceci dit, ils auraient pu aussi nous solliciter en tant que contributeurs car nous aurions sans doute eu des choses à dire.

« Désobéir à la voiture » a cependant le bon goût de citer Carfree France parmi ses sources. Vous me direz, c’est la moindre des choses. L’ouvrage fait même référence à notre livre culte « Pour en finir avec la société de l’automobile » (profitez-en, c’est gratuit!).

Et en plus, la maison d’édition nous a honteusement acheté en nous envoyant gratuitement un exemplaire de « Désobéir à la voiture »! 😉

Donc, maintenant que nous avons perdu toute indépendance d’esprit, nous allons parler du contenu du livre.

Celui-ci s’organise en 3 parties. Un premier chapitre bien ramassé fait une synthèse assez complète du pourquoi du comment. A savoir, quelles sont les raisons objectives qui poussent à la désobéissance à la voiture? Et il y en a un bon paquet… C’est un chapitre qui, en 13 pages chrono, résume l’ensemble de l’aberration du système automobile.

A vrai dire, les spécialistes n’apprendront pas grand chose et en outre, une ou deux imprécisions viennent se loger dans le tableau d’ensemble, mais c’est une synthèse plutôt didactique dont le titre pourrait être: « La bagnole est une saloperie (pour les nuls) »

Le second chapitre est plus intéressant car il nous convie à une « Petite histoire de la désobéissance à la voiture ». Beaucoup d’actions anti-voitures sont déjà bien connues, les vélorutions, les masses critiques, les dégonfleurs de pneus de 4×4, etc. Mais, à titre personnel, j’ai appris quand même quelques petites choses intéressantes.

Ainsi, saviez-vous que l’américain Ralph Nader avait assigné en justice certains constructeurs de voitures dès les années 60, « les accusant de commercialiser consciemment des véhicules dangereux »?

Certaines actions de désobéissance présentées paraissent par contre assez naïves, surtout quand on les observe avec le recul historique. En particulier, une histoire que je ne connaissais pas a attiré mon attention, tout particulièrement au regard de l’actualité récente.

Vous n’êtes pas sans savoir que le grand écologiste devant l’éternel Jean-Marc Ayrault a tapé du poing sur la table lors de la récente conférence environnementale en exigeant que les constructeurs de voitures produisent des voitures consommant 2 litres d’essence/100 km dans 10 ans… Une véritable révolution, qui doit bien faire rire les constructeurs de voitures!

Car, figurez-vous que dans les années 80, l’Etat français demandait, déjà, aux constructeurs d’imaginer la voiture économe de demain. A cette occasion, Renault concevait la Vesta2 consommant 2,8 litres aux 100. Oui! Renault était déjà capable de produire une telle voiture il y a 30 ans!

Et que s’est-il passé? Renault a préféré commercialiser la Twingo, qui consommait plus!

Et le plus drôle dans l’histoire, là où intervient « l’action de désobéissance » qui fait le sujet de ce livre, c’est que Greenpeace avait alors créé une sorte de fondation bidon pour l’environnement afin de solliciter Renault en 1993 pour que le constructeur lui prête la Vesta2 le temps d’un salon, ce que fera Renault.

C’est là que ça devient rigolo. Évidemment, Greenpeace a ensuite refusé de rendre le véhicule à Renault, ce qui a mis en difficulté le constructeur qui n’ose pas médiatiser l’affaire de peur de révéler « l’existence d’un véhicule peu énergivore mais non commercialisé ».

Lire aussi :  La militarisation de l'automobile

Et Greenpeace va alors se lancer dans un tour d’Europe pour présenter partout le véhicule comme « le véhicule de demain »… Finalement, Renault réussira à récupérer son prototype en 1994 afin de l’enterrer définitivement.

Personnellement, ce qui me choque dans cette histoire, ce ne sont pas les magouilles de Renault pour cacher à tout prix l’existence d’un véhicule peu énergivore. Mais c’est la manière dont Greenpeace s’est transformée en fait en VRP de Renault, peut-être malgré le constructeur, mais quand même comme une sorte de « commercial de la voiture de demain », une voiture qui consommait quand même 2,8 litres/100 km.

Cette anecdote illustre bien à mon sens les contradictions de certaines organisations écologistes. Sous le prétexte de chercher à « améliorer un peu les choses », on peut en fait être amené à soutenir un système qui ne fonctionne pas.

Car, en matière de consommation d’essence, on le sait bien désormais aujourd’hui, tous les progrès réalisés sont en fait gommés par l’augmentation croissante du parc automobile. Vous pouvez remplacer toutes les voitures actuelles par des voitures consommant 2 litres/100, le résultat sera nul si dans le même temps le parc automobile triple. Un triplement du parc automobile, c’est au passage ce qui est prévu à l’échelle mondiale à l’horizon 2050…

La troisième partie du livre est sans doute la plus prometteuse avec un titre aussi simple que percutant: « Agir ».

Car l’idée particulièrement intéressante de cette collection est de fournir des pistes d’action, d’expliquer très concrètement aux gens comment il est possible d’agir contre la voiture.

En préambule, l’ouvrage met quand même le lecteur en garde: « Attention!  Cibler directement la voiture ou son propriétaire vous expose à des risques physiques non négligeables ». La précaution est nécessaire car l’automobiliste est un énergumène un peu bizarre. Saviez-vous que certains automobilistes créent des profils Facebook au nom de leur voiture pour pouvoir ensuite être ami avec elle!

Sans parler des risques légaux, car de nombreuses actions sont tout simplement répréhensibles d’un point de vue juridique. Mais il faut savoir ce que l’on veut et les plus grands progrès ont souvent été obtenus en bravant les lois. Si l’homme doit respecter la loi, la loi est aussi tenue de respecter les hommes!

Ainsi, cette partie du livre constitue une sorte d’inventaire à la Prévert des actions de désobéissance possibles. Certaines sont cocasses, comme ces riverains de routes excédés par la vitesse des voitures qui installent de faux radars automatiques devant chez eux pour faire ralentir les voitures!

D’autres actions ont l’air de rien mais sont assez subversives. Comme par exemple, griffonner les pages de pub automobile dans les magazines lorsque vous êtes chez le médecin ou le dentiste! Dites-vous que beaucoup d’autres lecteurs passeront derrière vous et pourront admirer les slogans que vous aurez apposé sur les pubs de bagnoles…

Certaines actions proposées sont là encore assez naïves, comme inviter les gens qui ne peuvent vraiment pas se passer de voiture à rouler à l’huile de friture. C’est l’exemple type de solution artisanale qui, au-delà du véritable bilan qui reste sujet à caution, ne peut être que marginale. En effet, comment faire si par exemple il y a encore 10 ou 20 millions d’automobilistes « qui ne peuvent vraiment pas se passer de voiture » et qui doivent donc utiliser de l’huile de friture? Faudra-t-il relancer la production nationale de frites pour pouvoir dégager assez d’huile pour tous ces automobilistes?

Pour le reste, je vous laisse découvrir beaucoup d’autres actions possibles contre la voiture en lisant ce petit livre qui ne coûte que 5 euros.

2 commentaires sur “Désobéir à la voiture

  1. Legeographe

    Pour la Vesta, on ne peut pas dire que Greenpeace soit idiot ; ils n’ont juste pas le même radicalisme que nous… Mais vivre sans voiture n’empêche pas mes collègues d’avoir une voiture. En cela, je n’agis pas très efficacement, puisqu’il y a quelqu’un quelque part sur cette Terre qui polluera bien ce que j’aurais épargné de pollution. Bien agir consisterait-il dès lors en la destruction de toutes les voitures ?
    On peut, dans mon cas, continuer à dire que ce sont des irresponsables (cons ?), et dire pourquoi on considère que c’est une connerie, mais c’est bien peu opératoire ! En fin de compte, c’est opératoire pour soi, pas pour les autres.

    J’aime bien le coup du griffonnage chez le dentiste : les gens ont le temps de réfléchir quand ils sont dans la salle d’attente du dentiste et c’est là qu’ils sont en fin de compte le plus réceptifs ! 😉

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