Les élus parisiens rêvent-ils de chaussures à moteur électrique?

Les vélorutionnaires avaient refusé de jouer les ouistitis malins à Paris le 22 septembre, et ils et elles ont eu raison ! Cet événement « Bougez malin » sur la place de l’Hôtel de ville s’est révélé un festival des mobilités électriques.

Grandiose ! Un stand ERDF sur une immense place piétonne transformée en routes avec des panneaux fantaisistes. Avec des Vélib’ de JC Decaux et des Autolib’ de Bolloré. Ce sont les grands amis des élus parisiens, bénéficiaires des politiques publiques qui leur sont sous-traitées. Des politiques innovantes selon le marketing que la Ville assène, mais de fait écologiquement catastrophiques.

Le système Vélib’ est financé par plus de panneaux publicitaires, électriques. Les Autolib’ ont une électricité achetée pour 80% à des centrales à charbon. Et, le comble, les élu·e·s EELV du 20è arrondissement viennent de faire passer un vœu au Conseil de Paris pour aider Decaux à vendre à la Ville son projet de Vélib’ électrique. Entre les élus (même « écologistes »), Decaux, Bolloré et ERDF, le courant passe décidément très bien.

Cet envoûtement par la fée électricité fleure bon les idées sur le progrès que l’on se faisait au début du XXè siècle. Mais les déchets atomiques, le CO2 du charbon, la pollution engendrée par la production et le rejet des batteries, l’impact du cycle de vie des équipements ?

Et pendant ce temps : quelle réelle politique urbaine pour les cyclistes et les piétons « normaux » ?

À propos de piétons, une suggestion aux élus « verts » du 20è et d’ailleurs : ceux qui marchent encore fatiguent vraiment avec tous ces kilomètres de centres commerciaux et de couloirs de métro, envahis de publicités abrutissantes et de plus en plus électrifiées. Alors, s’il vous plaît, penchez-vous sur le sort des pauvres marcheurs et marcheuses, demandez à vos copains Decaux et Bolloré que leur prochain système Chaussurelib™ soit électrique !

Vélorution Paris IdF

Annexe sur l’origine de ce texte :

Le 10 octobre 2012, la Mairie de Paris prolonge son dispositif d’aide pour l’achat de scooters et de vélos… si électriques : <http://www.paris.fr/accueil/accueil-paris-fr/cyclo-velos-electriques-la-subvention-reconduite-jusqu-a-fin-2013/rub_1_actu_120874_port_24329>.

Le 9 octobre 2012, premier anniversaire d’Autolib’ avec distribution de tracts-réductions devant le salon de l’automobile (aussi appelé Mondial de l’autodestruction).

Le 25 septembre dernier, le vœu des élus EELV Paris 20è pour équiper les Vélib’ de moteurs électriques a été adopté par le Conseil de Paris.

Le 22 septembre dernier, à l’événement « Bougez malin » organisé par la Ville de Paris en remplacement de la fête du vélo qui se tenait depuis des années, on parlait surtout de mobilité électrique et ERDF y avait un stand.

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Le 19 juin, Vélorution avait décliné l’invitation :

Bonjour Madame,

Nous avons bien reçu votre invitation à participer en tant qu’association à l’événement « Bougez malin ». Nous nous voyons dans l’obligation de décliner, pour plusieurs raisons.

1) Le 22 septembre est la journée sans voiture, même si elle a été transformée en « semaine européenne de la mobilité » avec diverses déclinaisons y compris concernant la voiture. Comme tous les ans, nous rejoignons ce jour-là le rassemblement cycliste qui la commémore.

2) Nous ne participons jamais aux événements de promotion commerciale. (Vos objectifs : « Inciter les Parisiens à choisir le vélo, Vélib’ et Autolib’ pour leurs déplacements ; faire tester et découvrir les services Vélib’ et Autolib’, favoriser la prise d’abonnements ».)

3) Nous sommes opposés au système Vélib’ depuis même avant son lancement en 2006. Pour résumer : la Ville de Paris a couplé le Vélib’ au marché de renouvellement des panneaux publicitaires, marché obtenu par Decaux, multinationale de la pollution des paysages et des cerveaux, qui se sert maintenant de Paris comme vitrine partout dans le monde. Nous étions en faveur d’un système de VLS municipal, et nous regrettons toujours que ce projet n’ait pas été l’occasion de création d’emplois en économie solidaire avec un tissu dense de services.

4) Nous pensons qu’Autolib’ est un mauvais système. Promis par Monsieur Delanoë aux élus anti-vélos en 2006, il a vu le jour en 2012, comme appui institutionnel à l’utilisation des voitures individuelles et à l’expérimentation du système de Bolloré, au détriment des systèmes d’autopartage existants qu’il aurait peut-être fallu développer. Autolib’ fait également peser de gros risques financiers sur les villes qui l’ont adopté. Mais le plus important est qu’Autolib’ entretient le mythe qu’il est possible de généraliser les voitures électriques. Or le pari électrique pour l’automobile est perdu  d’avance : il n’est pas possible de produire suffisamment d’électricité dans le monde. Par ailleurs, l’électricité achetée pour les Autolib’ est produite en Allemagne à 80% par des centrales à charbon ; le bilan environnemental du système est donc désastreux.

Cordialement, …

3 commentaires sur “Les élus parisiens rêvent-ils de chaussures à moteur électrique?

  1. MOA

    Excellente la dérision sur le thème des « chaussures électriques » !

    Ca me fait penser à un collègue qui adôôôre les robots, la science etc, qui m’avait demandé comment je faisais en vélo quand il pleuvait… mes chaussures devaient être drôlement mouillées, tout ça..
    Je lui avais répondu que la branche robotique de mitsubishi avait inventé des petits robots miniatures électriques ventousés sur les pompes qui essuyaient les goutte d’eau dès qu’elles tombaient sur la godasse… et que ca marchait vachement bien.
    …Et qu’accessoirement, je mettais soit une paire de chaussure dans les sacoches (et je pédalais en basket) soit je protégeais les chaussures avec des sur-chaussure.

    Pour revenir à l’article, j’étais persuadé que l’affiche était une affiche détournée…. même pas… propagande pro-nucléaire !… propagande po-surtout-ne-faites-pas-le-moindre-effort !… propagande « infantilisatrice » ! et sans doute plus….
    La propagande capitaliste surpasse -et de loin- les techniques de propagande stalinienne ou nazi !

  2. nico

    Comme Moa, j’ai d’abord cru que cette affiche de cheminée nucléaire amusante associé au slogan « animations pour enfants », est une énorme caricature. Mais non, c’est du vrai!… les nucléocrates n’ont plus besoin d’avoir honte de quoique ce soit dans ce pays.
    La vélorution devient une urgence!

  3. Apanivore

    Pour les évènements du type « Bougez malin », les collectivités aimeraient bien que des associations et des acteurs autres que ceux de l’électrique participent.

    Je vais faire un parallèle avec ma « petite » ville de banlieue. Il y a 3 « kermesses » par an pour lesquelles elle est ravie de faire participer l’association de cyclistes urbains dont je fais partie, pour garder un parking à vélo en échange d’un peu de visibilité. Pourquoi ? Parce que payer des agents municipaux le weekend c’est extrêmement cher. Un bénévole ça ne coûte rien.
    De la même façon la mairie aimerait bien une bourse à vélo, mais prêter du personnel est hors de question, du matériel seulement. Donc pour cette occasion il faut que l’association mobilise beaucoup de bénévoles.

    Dans le cas de « Bougez malin » la mairie se retrouve face à de grands groupes qui fournissent tout : main d’œuvre et matériel, sans qu’elle n’ai rien à débourser. Évidemment elle leur donne carte blanche. La manne est trop belle.

    Les mobilités qui ne sont pas investies par les grands groupes ne peuvent être promues que par des associations, donc des bénévoles actifs, qui n’ont pas cette force de frappe.

    Si les gens n’ont guère de problème à soutenir financièrement une cause qui leur semble juste, s’investir et participer personnellement est une autre affaire. Tout d’un coup il y a toujours mieux à faire, regarder la télé par exemple. La plupart des associations, à part quelques grosses ONG, ont des problèmes pour recruter des bénévoles, et donc se positionner face à de grands groupes comme Bolloré ou Decaux.

    Bref je pense que Vélorution! a eu tort de ne pas participer à l’événement. D’accord c’était une farce, mais qui s’en ai rendu compte parmi les visiteurs si aucune voix, même plus faible que celle des grands groupes, ne s’est élevé pour le dire ? Ne pas participer c’est laisser faire, laisser le champ libre aux grands groupes.
    Alors que c’est un peu ce que j’attendrais de Vélorution! de se mettre dans les rouages de cette communication bien huilée, d’y rajouter un peu de sable, jouer les trouble-fête, participer en faisant entendre un discours radicalement différent, distribuer des tracts et des pamphlets raillant l’électrique sur les stands même de Bolloré et consorts.

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