En Suisse, l’automobile a moins la cote qu’avant

Tramway de Berne

Au cours des deux dernières décennies, l’actif urbain suisse a largement diversifié ses modes de déplacement, relève une étude de l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne) et de l’UNIGE (Université de Genève) réalisée à Lausanne, Genève, Berne et Yverdon-les-Bains.

En matière d’offre de transports publics et de mobilité douce, Berne est un modèle. Une sorte d’idéal même pour Lausanne et Genève. La bonne nouvelle est que les cités lémaniques s’en rapprochent, révèle une étude du Laboratoire de sociologie urbaine de l’EPFL et de l’Observatoire Universitaire de la Mobilité de l’UNIGE, qui compare les données de 1994 et 2011. Leurs actifs urbains ne sont plus fidèles à un unique mode de transport; ils les combinent désormais au gré de leurs déplacements.

Du coup, l’usage de la voiture diminue au profit des transports publics, des deux-roues ou des deux pieds. Pour comprendre ce qui détermine le choix d’un mode de transport, les chercheurs ont examiné à la loupe trois grandes agglomérations, Genève, Lausanne et Berne, ainsi qu’une ville moyenne, Yverdon-les-Bains. Sur la base d’un sondage de 2500 actifs motorisés, ils ont mesuré les évolutions majeures qui ont eu lieu depuis une quinzaine d’années.

L’étude, dirigée par Vincent Kaufmann (LASUR), a été coordonnée par le Centre de Transport de l’EPFL. Elle est financée par les cantons de Vaud et de Genève, la Ville de Lausanne, l’agglomération d’Yverdon et les Transports publics lausannois et genevois.

Transports publics et deux-roues ont la cote

Dans les années 1990, en Suisse Romande, la mobilité s’articulait surtout autour de la voiture. Aujourd’hui, les citadins actifs choisissent en fonction du contexte ou de la destination.

La majorité possède un abonnement de transports publics (TP) et un deux-roues (motorisés ou non). Les disparités entre les agglomérations étudiées sont toutefois importantes: 81% des sondés ont un abonnement en TP à Berne. Ils sont 55% à Lausanne et 48% à Genève et Yverdon-les-Bains.

La diversité de ce portefeuille se traduit dans les choix des moyens de transport. «Il y a une quinzaine d’années, on prenait en priorité la voiture, un ticket de bus de temps en temps et le vélo le dimanche. Désormais, les actifs sont de plus en plus nombreux à se déplacer en train et en transports publics urbains et à réserver la voiture pour le dimanche», résume Sébastien Munafò, chercheur au LASUR et à l’OUM.

La voiture est reléguée au profit des transports en commun

A Genève et Lausanne, alors qu’en 1994 seul un tiers de l’échantillon utilisait fréquemment les TP (soit plus de deux fois par semaine), ils sont aujourd’hui près de la moitié. «Si les enquêtés genevois utilisent presque aussi fréquemment les TP pour aller travailler que les Bernois, au niveau individuel, le mode de transport retenu relève parfois davantage d’une contrainte, plus ou moins bien acceptée, que d’un réel choix», précise Sébastien Munafò.

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Les chercheurs ont analysé nombre de facteurs pour expliquer ces changements de comportements: augmentation du trafic, restrictions de l’offre de stationnement, amélioration de l’offre en transports publics, incitations fédérales, ensemble des efforts faits en faveur des piétons et des cyclistes… «La population des agglomérations analysées se montre désormais très disposée à utiliser d’autres moyens de transports que l’automobile. C’est un atout pour mener des politiques visant à développer l’écomobilité», résume Vincent Kaufmann.

Une question d’image

Les bouleversements observés sont liés aux représentations des moyens de transports qui, elles aussi, ont énormément évolué. De fascinante, la voiture est aujourd’hui vue comme polluante, parfois plus nuisible que bénéfique. Le crédit qu’elle a perdu, les transports publics l’ont gagné. A Lausanne par exemple, l’image positive des TP a doublé, passant de 30% à 61%. «L’amélioration de l’image des transports publics est sans précédent», souligne Christian Liaudat, responsable des projections de la mobilité au sein du service de la mobilité de l’Etat de Vaud. Et de citer la construction du métro M2 combinée à une meilleure offre RER comme raisons de cette hausse de popularité. A Genève aussi, l’image des transports publics s’est beaucoup améliorée, de 39% à 52% de représentations positives.

Les recommandations du rapport confirment la stratégie envisagée par le Canton de Genève, explique Damien Cataldi, ingénieur analyse et projections de mobilité à la Direction générale de la mobilité. «La stratégie « Mobilité 2030 » que le Canton souhaite poursuivre vise à faciliter la pratique de la multimodalité et répond de fait à l’évolution des comportements observés.»

Lausanne, pour sa part, est invitée à «éviter le développement d’une offre de TP à deux vitesses», toutes les zones n’étant pas desservies de façon égale, ainsi qu’à diminuer l’attrait du stationnement sur le lieu de travail. En pleine croissance, Yverdon-les-Bains, encore très attachée à la voiture, devrait «parier sur la mobilité douce pour les déplacements à l’intérieur de la ville».

Télécharger l’étude: http://transport.epfl.ch/mode_choice

3 commentaires sur “En Suisse, l’automobile a moins la cote qu’avant

  1. dutheil

    A Genève la situation est moins favorable aux transports publics en comparaison d’autres agglomérations suisses, Bâle ou Zurich par exemple, mais la part modale TP reste au niveau des meilleures villes françaises, à 16% comme Grenoble par exemple; pourtant le tram n’a pas priorité aux feux: bel indice de la position de l’automobile dans le système de valeurs helvétique… Il faut noter encore le puissant lobbying mené par le Touring club suisse (TCS), équivalent de notre automobile club, qui bloque beaucoup d’initiatives en faveur des modes alternatifs dans la cité de Calvin. Enfin, en dehors du projet bien avancé (2017) de RER avec Annemasse en France, le CEVA, les projets à échéance 2030 comportent beaucoup d’infrastructures supplémentaires pour la motorisation individuelle: http://www.ge.ch/conseil_etat/2009-2013/ppresse/doc/pointdepresse-20121010-annexe1.pdf

    Pour être un peu plus complet sur la ville du bout du lac Léman rappelons qu’un référendum a bloqué en septembre de l’année dernière un projet de piétonniser un ensemble de rues, le lobby du TCS et des commerçants ayant une bonne part de responsabilité; enfin une loi cantonale oblige à compenser en ouvrage toute suppression de places de stationnement en surface: autant d’éléments tendant à rendre moins idyllique cette ville pour ceux qui souhaitent voir réduire la place de l’automobile en ville…

  2. Pédibus

    La situation de Genève – comme l’indique l’étude de l’EPFL – est littéralement polluée par la proximité française: pendulaires tricolores venant bosser en Suisse en bagnole, because l’offre de TP est quasi inexistante; ressortissants Suisses créchant de l’autre côté de la frontière à cause du prix du foncier. Tout ça ne pouvant qu’aboutir à de fantastiques thromboses…

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