La voiture à jambes

De passage à Lille, je viens de faire une découverte artistique intéressante : je suis tombé par hasard sur « Marche ou crève », une œuvre de Théo Mercier datant de 2012.

Plus connue sous le nom de « voiture à jambes », cette pièce occupe une place du parking souterrain d’Euralille, l’énorme centre commercial de la ville du Nord. De prime abord, elle prête à sourire, cette Renault 21 immatriculée dans le 77, portée par 24 paires de jambes aux pieds parfaitement mocassinés.

Pourtant, elle pousse assez vite l’observateur à se dire que ça en fait du monde, sous la voiture, et à se poser la question de l’espace urbain occupé par l’automobile. Combien de mètres carrés perdus pour garer nos boîtes à roues ? Combien d’hectares volés aux piétons et aux cyclistes par le réseau routier qui leur est totalement dédié ?

Troublé par cette effrayante perspective, le badaud s’empresse de se réfugier dans son SUV garé quelques mètres plus loin, avant de faire vrombir son V6 au son rauque. « C’est pas tout ça, ça va être l’heure du JT. »

Loïc

Photos : Aurélien Mole
Plus d’infos ici : http://www.theomercier.com/projet/id/26/131

10 commentaires sur “La voiture à jambes

  1. JoJo

    Je me demande si c’est une blague ou si les gens qui ont décidé de placer cette sculpture dans le parking n’ont pas saisi la vraie ironie de la situation.

  2. GG

    Ce n’est pas une blague, puisque ça vaut, en tant qu’oeuvre d’art contemporain, beaucoup d’argent.

    Mais c’est justement là que le bât blesse : on a là une oeuvre qui pourrait être une dénonciation de la bagnolo-société. Maintenant essayez d’en faire une (moins cher hein… en plâtre) et d’aller la poser sur une place de parking sans rien demander à personne, vous verrez assez vite arriver les flics ou le proprio pour vous la réduire en miette.

    Or cette oeuvre prends une place et a été achetée très cher par le propriétaire du parking, qui est justement un hypermarché qui tue le petit commerce de centre ville et nous rends la voiture indispensable…

    On a donc là une parfaite illustration de la capacité du capitalisme à RECUPERER LA CONTESTATION, au travers de ce qu’on appelle « l’art contemporain ». Il y a eu beaucoup d’écrit là-dessus, voir par exemple le monde diplo d’avril 2010 « créateurs en mal de provocation ».

  3. Pédibus

    La mise en scène de l’espace public, la création artistique et l’audace ne peuvent que servir notre cause. Le seul bémol ici est une visibilité… partielle dans un parking souterrain…

  4. struddel

    Après, il reste à savoir comment les gens qui ne se sentent pas concernés par la chose comprennent cette mise en scène.

  5. CarFree

    Je pense que l’automobiliste lambda qui voit ce truc se dit que c’est vraiment n’importe quoi (au mieux) ou alors que c’est encore un pseudo artiste à deux balles qui fait chier en occupant une place de parking avec ses conneries… (surtout s’il a tourné un quart d’heure dans le parking pour trouver une place). Mais là n’est pas l’important, avant de faire passer des messages, l’art c’est aussi pour se faire plaisir, tout simplement. Et perso, ça me fait assez plaisir d’imaginer la tête d’automobilistes devant un tel truc…

  6. Jean-Marc

    Pour moi, celà me fait penser à une chaise à porteurs :

    Toutes les jambes représentent les esclaves, qui portent la personne assise derrière le volant
    (malheureusement, il n’y a personne)

    c.f. J-M Jancovici et les esclaves énergétiques :

    la préface :
    http://www.manicore.com/documentation/articles/preface_esclaves.html

    l explication :
    http://www.manicore.com/documentation/serre/ouvrages/esclaves.html

    et les calculs, avec le nombre d esclave énergétique pour les différents postes :
    http://www.manicore.com/documentation/esclaves.html

    Résultat des courses : notre consommation moderne d’énergie met à notre disposition l’équivalent de … plus de 22 esclaves par Français rien que pour le transport (et bcp plus, si on prend tout en compte)


    Bien sûr, d autres pourraient voir dans cette voiture à jambes la glorification de la voiture, de la vitesse :

    grâce à une voiture, avec cette voiture à 24 paires de jambes, tu te déplaces 24 fois plus vite qu’avec ta seule paire de jambes.

  7. Jean-Marc

    c.f. le détail dans le 3eme lien :
    22 esclaves pour le transport, c est 22 esclaves 24h/24, 7/7 365/an, pour produire, en bossant à temps plein, l’énergie nécessaire aux qq heures de transport journalier :

    si on n avait des esclaves de transport présent que pendant ses déplacements, alors, lors d’une accélération d’une voiture, on dépasse les 500 esclaves en demande instantanée.

  8. MOA

    Rien de subversif là dedans.
    Du spectacle qui ne sert en rien une quelconque critique (de la société de la bagnole ou plus).

    GG : »On a donc là une parfaite illustration de la capacité du capitalisme à RECUPERER LA CONTESTATION, au travers de ce qu’on appelle « l’art contemporain » »

    Exactement.
    Il transforme tout en divertissement et se faisant dépolitise tout.

  9. Lemaitre

    « Tu es venu en voiture dans ce parking. Peut-être que tu aurais pu faire ton déplacement à pied. »

    Voilà le message que m’inspire cette oeuvre décalée.

  10. MOA

    « Tu es venu en voiture dans ce parking. Peut-être que tu aurais pu faire ton déplacement à pied. »

    Alors que dans le même temps ces centres commerciaux sont conçus volontairement pour ne plus pouvoir utiliser ses jambes.
    Ils sont fait pour la bagnole qui possède un coffre dans lequel on décharge les caddies. Ils sont en périphérie des centre ville que l’on accède par des voies rapide. etc.

    Le message censé être véhiculé est schizophrénique (caractéristique du système dans lequel on vit). C’est fait pour satisfaire l’espace d’1 seconde notre volonté inconsciente de lutter contre les aberration du système… pour vite continuer comme avant et donc pour continuer à l’accepter.

    C’est un peu comme le carnaval moyen-ageux, ou les vacances.

    Cela n’existe que pour désamorcer notre volonté de remettre en cause ce système. Cela n’existe pour que rien ne change.

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