Les 7 mensonges de la Nouvelle Route du Littoral

Il y a trois ans, le 14 octobre 2010, le nouveau Président de la Région Réunion et François Fillon signaient les accords de Matignon 2 mettant fin au projet de tram-train de l’ancienne majorité et basculaient ainsi les financements sur un unique projet de route pharaonique sur la mer, long de 12 km et estimé à 1,660 milliards d’euros. Ses partisans vantent cette nouvelle infrastructure comme une route « moderne, gratuite et sécurisée », créatrice d’emplois, une « route écologique » au service de tous les Réunionnais et qui mettrait fin aux embouteillages. Autant d’affirmations, autant de contrevérités.

1 • Le mensonge de la modernité

Dès novembre 2010, la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports qualifiait ce projet de « choix rétrograde ». La Nouvelle Route du Littoral (NRL) sera au mieux opérationnelle en 2020 : qu’en sera-t-il alors du prix des carburants d’origine fossile et de la dépendance énergétique de La Réunion ? En matière de politiques d’adaptation au changement climatique, le critère de la « vulnérabilité » est décisif pour déterminer si un grand projet d’infrastructure constitue un investissement viable ou non, il doit être jugé sur sa capacité pendant sa durée de vie, à relever les défis climatiques. La NRL, véritable autoroute sur la mer en milieu tropical, ne répond pas à ce critère, elle est à peu près aussi « moderne » que l’était la ligne Maginot en 1939.

2 • Le mensonge de la gratuité

Cette route, il va bien falloir que quelqu’un la paye. Dans le financement prévu par les Accords de Matignon, sur les 1,660 milliards officiellement annoncés, la Région devra débourser 669 millions d’euros sans pouvoir espérer une rallonge de l’Etat. Or, tous les grands chantiers routiers précédents ont connu des dépassements très importants dont celui de la Route des Tamarins, +70%. Le pont de la Rivière Sainte-Etienne, plus simple à réaliser, a connu un dépassement de 50%. Le Collectif de professionnels du secteur, AIDER, évoque dans un courrier au Préfet, une fourchette allant de 2,2 milliards à 4,3 milliards d’euros d’investissements. Tous les Réunionnais, même ceux qui ne possèdent pas de véhicules, devront un jour payer la facture.

3 • Le mensonge de la sécurité

C’est l’argument essentiel ressassé par la Région qui utilise cyniquement la légitime émotion suscitée par des éboulements dont le dernier en 2006. Pourtant, grâce aux travaux entrepris, c’est aujourd’hui l’axe le moins meurtrier de La Réunion, les chiffres sont incontestables. Les risques liés aux éboulis seront peut-être moindres mais persisteront néanmoins sur la section de l’entrée de Saint-Denis sous la falaise. Quant au viaduc, plus long que celui de Millau, en quoi sera-t-il « sécurisé »? Les véhicules, ainsi que le futur TCSP (Transport en Commun en Site Propre) guidé passeront à 30 m au dessus de l’océan, ils seront donc souvent exposés aux pluies tropicales et à des vents moyens allant de 15 à 30 nœuds, voire plus. Comment dans ces conditions peut-on promettre la sécurité aux usagers ? Le passage en mer n’est pas sécurisable.

4 • Le mensonge de la création des emplois locaux

Selon les statistiques nationales (FNTP et INSEE), une infrastructure routière génère 8,1 emplois par million d’euros dont 6,3 emplois directs dans la profession. La NRL devrait donc générer 10.500 emplois directs et 3.000 indirects soit 13.500 emplois dans le BTP local pendant la durée du chantier. Or, la Région annonce la création de seulement 1.100 emplois directs dans un secteur qui en a perdu 10.000 depuis 2008 ! Ces chiffres dérisoires pourraient même être remis en question si le gouvernement refusait d’accorder les dérogations aux espèces protégées, ce qui obligerait la Région à renoncer aux digues, seules véritables opportunités de créer de l’emploi pour l’extraction et le transport des matériaux. Les retombées économiques prévisibles de la NRL ne répondent donc pas aux attentes du secteur professionnel.

Lire aussi :  La déraison de la croissance (des transports)

5 • Le mensonge de la « route écologique »

Toutes les instances environnementales, réunionnaises ou métropolitaines, ont donné un avis défavorable au projet actuel du fait de l’impact destructeur des deux digues monumentales. D’une longueur cumulée de 6,9 km, elles vont accroître l’artificialisation du littoral réunionnais, le plus bétonné de l’outremer et provoquer des dommages environnementaux irréversibles, notamment la perte de l’écosystème d’une « falaise unique au monde ». Le Conseil National de la Protection de la Nature estime que les impacts du projet restent « forts pour le Grand Dauphin et la Baleine à Bosse » et que l’exploitation des carrières fait peser une menace sur des espèces végétales dont « certaines sont endémiques et considérées comme étant en danger critique d’extinction ». Ce projet va en outre défigurer irrémédiablement le paysage unique de la falaise basaltique et le site historique et patrimonial de la Grande Chaloupe. La NRL est une monstruosité sur le plan écologique.

6 • Le mensonge de la route pour tous les Réunionnais

Depuis plus de quarante ans, le lobby automobile fait la loi à La Réunion où le transport collectif ne représente plus aujourd’hui que 6% des modes de déplacement des Réunionnais. En raison des profondes inégalités sociales, un Réunionnais sur trois ne peut accéder à l’automobile, ce qui signifie que le plus gros chantier jamais entrepris à La Réunion ne concerne pas la fraction de la population la plus précaire. Ce projet ne sert pas l’intérêt collectif.

7 • Le mensonge de la solution aux embouteillages

L’entrée en service de la route des Tamarins a provoqué l’arrivée de 10.000 véhicules supplémentaires chaque jour sur l’actuelle route du littoral, la NRL devrait provoquer elle aussi un afflux d’automobiles. D’autre part, le projet est revu à la baisse : sur le viaduc plus étroit que la digue, dans le sens Saint-Denis La Possession, sur les trois voies, une sera réservée aux vélos, une autre au TCSP et une seule aux automobiles, ce rétrécissement devrait générer inévitablement des bouchons à 30 m au-dessus de l’océan. Enfin, le projet ne traite pas la question pourtant essentielle de l’entrée de Saint-Denis où les embouteillages sont récurrents. Le Président de Région se comporte comme un plombier amateur qui croit qu’il suffit d’ouvrir les robinets pour déboucher la canalisation.

JPM

4 commentaires sur “Les 7 mensonges de la Nouvelle Route du Littoral

  1. pedibus

    Une occasion ratée d’investir dans un TCSP lourd du type tram train, voire train, pour satisfaire une population pour plus de la moitié au chômage et concentrée massivement sur le littoral : tous les ingrédients réunis pour légitimer un projet se passant de l’automobile…

    Je peux difficilement entrer dans la théorie du complot avec le complexe indien Tata voulant vendre ses Nanos et autres poubelles low cost.
    Je pencherais plutôt pour l’intoxication idéologique au système automobile de la société locale, ne dérogeant pas à la règle universellement observée, où se greffe un modèle de « développement » faisant apparaître comme un réussite une île embouteillée – et puante « comme une grande » – alors qu’un peu d’audace politique… et d’avant gardisme avec une once de pédagogie devrait distiller des discours renouvelés et en phase avec les exigences de l’époque…

  2. Jean-Marc

    Ce qui est impressionnant, c’est qu’une île de cette taille, est particulièrement adaptée à la généralisation des modes actifs.
    (couplé à un train de marchandise circulaire)

    Il suffit d’avoir, en complément, quelques pénétrantes vers l’intérieur des terres; par exemple, des funiculaires, ou d’autres systèmes de TEC, pour avoir le systèmes le moins coûteux à l’usage, le moins polluant, et le plus robuste.

    (le plus robuste :
    suffit de voir les photos après un tsunamis, un tremblement de terre ou autres inondations:
    dès qu’un arbre, un rocher ou un pont autoroutier s’écrase, ou que l eau dépasse les 40cm, plus aucune voiture ne passe.

    Par contre, sur les photos des catastrophes, on voit tjrs des gens à pieds et à vélo :
    pas dur de porter son vélo au dessus d’un tronc d arbre, ou sur les grabas d’une maison, pour re-rouler derrière, sur les restes de la route.

    Avec la montée des eaux, le lessivage des terres (donc glissements de terrain entrainant des routes), l augmentation du nombre et de l’ampleur des tornades destructrices, cette route nécessitera un suivi coûteux dès qu’un élément « imprévisible » viendra, forcément, un jour, la mettre hors d’état de fonctionner pour les voitures et camions…

  3. Nanou le Savoyard

    Pauvre Réunion ! ! ! ou tes élus sont en train de t’emmener,tout droit dans le gouffre.J’ai vécu 22 ans dans ce Paradis qui devient un vrai Enfer Écologique et pollué à outrance.Mème si maintenant je vis dans un Paradis sur les Hautes Terres à Madagascar,j’ai de la peine de voir l’Ile Bourbon est défigurée est détruite a ce point.

  4. Nanou le Savoyard

    et pourtant un tram train électrique solaire était jouable avec un ensoleillement maxi dans cette ile . . . des dessous de table,j’en vois pointé a l’horizon des tas . . dans les poches des élus….

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