Gaz de schiste, l’Académie des Sciences fossilisée dans la Roche Mère (1)

Colbert présente à Louis XIV les membres de l'Académie royale des sciences en 1667

Critique de l’avis de l’académie des Sciences sur les gaz de schiste. Première partie.

La guerre contre la nature et le genre humain est devenue dépendante de la Science et il se pourrait qu’elle finisse par en faire son monopole… C’est désormais une évidence pour beaucoup de monde. Dès la fin de la seconde guerre mondiale la science et les militaires n’ont pas fait dans la demi-mesure en s’investissant de manière frénétique dans la recherche atomique…

Dans ce processus historique nouveau il semble qu’en retour la Science pure assoiffée de connaissances se soit pris au jeu pour au final devenir addictive à la guerre…

Parmi les nombreux axes de recherche mortifère qui ont pu se développer par la suite il y a en bonne place « La Guerre secrète des OGM » décrite en 2003 par Hervé Kempf, les conséquences en termes de déforestation, d’ethnocide et de déportation des populations sont immenses…

On s’intéressera ici à la guerre du feu avec sa géo-ingénierie minière des profondeurs extrêmes. Dans ce domaine, la science guerrière, ou guerre scientifique, s’est récemment réactivée en France où elle souhaite déployer tout son savoir acquis et l’étendre en s’investissant dans la recherche développement des gaz de schiste. En novembre 2013, l’Académie des Sciences lançait une violente offensive médiatico-politique avec ses « Éléments pour éclairer le débat sur les gaz de schiste » (1).

C’est reparti comme en quarante.

Cet « éclairage » est une véritable déclaration de guerre… Une nouvelle imposture scientifique. Encore une sur les gaz de schiste, après celle des gaziers et des hommes politiques voici celle des scientifiques. Il s’agit ici dans cet article de proposer une lecture critique exhaustive de cette déclaration de guerre contre la nature et le genre humain.

En brève introduction, pour planter le décor, commençons par un des plus beaux fleurons miniers français.

L’Uranium Français avant les gaz de schiste

Il y a bien eu une intense prospection pétrolière en France. L’obsession énergétique l’a mené jusqu’à l’escroquerie des « Avions renifleurs ». Aux temps du 1er choc pétrolier, Giscard président et Pierre Guillomat homme de science et d’affaire, expert pétrolier, nucléaire et militaire, se faisaient pilotes pour rechercher du ciel des zones pétrolifères en France…

Mais pour introduire la science sans conscience, addictive à la guerre, on choisira la recherche de la matière fissible.

En 2001 fermait la dernière mine d’Uranium française à Jouac en Haute Vienne… Le Limousin et l’Auvergne furent les deux régions les plus touchées. Cette période est peu connue du grand public, cependant elle fut l’une des plus furieuses durant les décennies d’après guerre… « Les soixante radieuses » ou déjà les « soixante désastreuses », mais n’anticipons pas, ont laissé des traces sur le territoire et surtout une logique militaire avec ses procédures secrètes au sein de la communauté scientifique…

A l’époque des « trente glorieuses » où l’élite scientifique rêve unanimement de la bombe atomique, le territoire national a été criblé de mines pour rechercher de la matière fissible. Quelques 72.000 tonnes d’Uranium ont été extraites de ces sites sans jamais pouvoir faire redescendre la fièvre chercheuse de la France savante. A l’acmé de la recherche nucléaire, on a pu compter jusqu’à 210 foyers miniers répartis sur 25 départements. Cette époque radieuse de connaissance intensive et d’extractivisme fébrile est en partie révolue.

Faute de munition localement disponible, elle est partie dévaster d’autres contrées avec pour première victime le Niger, une ancienne colonie. Mais, les pustules minières ont laissé de nombreuses cicatrices indélébiles, souvent invisibles mais bien réelles, de simples traces radioactives honteuses en surface et longtemps gardées secrètes…

En ces temps-là, la recherche minière nationale n’a connu aucune retenue… Comment décrire l’état d’esprit de cette France savante des « soixante radieuses » ? La fureur minière nationale, même savamment pilotée par l’élite scientifique, a pu sans retenue aller jusqu’à son terme extrême… Est-il possible d’exprimer ce qui s’est réellement passé durant un demi-siècle sur le territoire français ? L’aventure extractiviste nationale furieusement attisée par la France savante assoiffée de Science a pu aller sans entrave jusqu’à l’absurde : un désastre territorial au nom du savoir…

C’est sous la même bannière et avec le même aveuglement que l’Académie des Sciences repart aujourd’hui en guerre sur le front des gaz de schiste…

Un « 14-18 » extractiviste et scientifique

La trêve a été brève, depuis la fermeture de la dernière mine d’Uranium. En novembre 2013, deux jours après l’armistice et la fête des morts pour la France, l’Académie des Sciences a décidé de repasser à l’action en éditant un rapport pour le moins édifiant sur l’extraction des gaz de schiste. Le titre est trompeur : « Éléments pour éclairer le débat sur les gaz de schiste ». Il n’y a, en fait, aucun éclairage… La France savante récidive et cette fois-ci, c’est reparti comme en quatorze… Le texte est une nouvelle déclaration de guerre et nous sommes en 2014. On se souvient que c’est en « 14-18 » que l’avant-garde scientifique s’est historiquement illustrée par les gaz de combat.

Sur ce front de prospection hautement conflictuel, recouvrant maintenant toute l’Europe, il n’y a pas que les forces de police anti-émeute qui sont à la manœuvre. En France, les positions sont tranchées… Les provinces observent les manœuvres de la capitale. Comme en quarante, la France d’en haut gouvernante a fait « le choix de la défaite » et carbure pour l’invasion gazière tandis que la France d’en bas est entrée en résistance.

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Dans ce contexte tendu de guerre de tranchées, l’Académie des Sciences a pris position, officiellement elle veut doctement éclairer ce sujet des gaz de roche-mère. Cependant, son entrée en scène retardée comme par rattrapage ou seconde charge est suspecte, car depuis bientôt cinq ans tout est clair et depuis trois ans tous les peuples d’Europe sont aussi entrés en résistance contre la peste gazière.

Tout est parfaitement limpide comme de l’eau de roche : les intérêts des pétroliers ne recouperont jamais et en aucun lieu ceux des populations impactées. Partout en Europe, à Pungesti en Roumanie, au Sussex en Angleterre, en Cantabrie en Espagne, en Bulgarie… même en Pologne, martyrisée par la Russie de Gazprom, la résistance s’organise contre les bons gaziers libérateurs venus d’Amérique. Et pour être encore plus clair, les habitants des territoires impactés ont immédiatement très bien compris qu’ils avaient tout à perdre dans cette affaire. L’expérience des États-Unis, le désastre environnemental au premier plan dans ce pays ont suffit pour tout éclairer en un seul instant. Il n’y a plus rien à éclairer ni sur la fracturation hydraulique, ni sur toutes les autres techniques.

Pour avoir des gaz de schiste, il faut fracturer la roche-mère et plus on fracture, plus on multiplie les chances d’extraire des gaz de schiste qui sont comme le disent les savants des « gaz de roche mère ». Par ce fait même, la surenchère dans la fracturation, les désastres écologiques et sanitaires ainsi que leur ampleur sont inhérents non pas seulement à une technique spécifique mais au principe même de libération et de récupération des hydrocarbures. On est donc par cette géo-ingénierie de l’extrême engagé dans une fuite en avant aveugle et terminale, délibérément dévastatrice de l’écosystème…

Obscurantisme d’éclairagiste scientifique

Puisque tout est clair pour les protagonistes, l’exercice d’éclairagiste est donc difficile, les académiciens qui ne sont pas forcement tous sénescents en sont conscients. Si l’on ne peut pas leur dénier une certaine maitrise du langage technique, force est de constater qu’ils ne sont pas très brillants en thème. Dès les premiers coups de projecteurs ont découvre dans leur prose : le hors sujet, la langue de bois et les arguments massues des économistes et des gaziers.

Le Comité de Prospective en Énergie qui mène la discussion pour l’Académie tente de tromper le lecteur en déclarant d’emblée : « Le CPE tient à souligner qu’il reste dans son domaine de compétence qui est celui de l’évaluation scientifique. »

Mais, immédiatement après cette précaution oratoire : ça déraille. Si le texte avait été écrit par un membre d’un think tank américain financé par des gaziers, le contenu aurait été exactement le même. Dès la sortie de l’avis des académiciens, le site Internet Actu-Environnement révèle l’origine du texte : « l’Académie des sciences relaie le plaidoyer des foreurs et de l’IFPEN » (2).

Il s’agit en effet d’un copié-collé, non mis à jour d’un vieil argumentaire de l’Institut Français du Pétrole et des Énergies Nouvelles. En fait, rien d’énigmatique à cela. L’éclairagiste en chef est aussi pompiste à l’IFPEN, il s’appelle Sébastien Candel et porte fièrement trois casquettes : président du Comité de prospective en énergie pour l’Académie des Sciences, membre du comité scientifique des rapports provisoire et final de l’Opecst et président du conseil scientifique de IFPEN. Ce professeur à l’École centrale de Paris est un Hydre à au moins trois têtes : scientifique, politique et pétrolière. On imagine aisément la belle bête savante suffisamment repue dans ces trois sinécures pour baver ses éclairages sur mesure…

Conjoncture on ne peut plus défavorable et honteuse pour l’éclairagiste en chef et son équipe de 18 lampistes, leur rapport sort au même moment que le livre de Danièle Favari « Les vrais Dangers des gaz de schiste » (3). Là, le texte n’est pas poussiéreux et comme tout est limpide sur les risques de cette aventure extractiviste, l’auteure du livre, juriste spécialiste en droit de l’environnement, se permet de sortir de son domaine de compétence pour aller fouler les plate-bandes des têtes bien pleines de « l’évaluation scientifique ». Son éclairage projette une ombre en forme d’enterrement sur la bafouille piteuse et servile des scientifiques.

Pas un seul paragraphe, même pas une seule ligne de cet avis académique ne relève du docte « domaine de compétence de l’évaluation scientifique ». Un journaliste en activité ménagère ou encore un économiste grassement payé par les gaziers aurait très bien pu écrire l’ensemble du texte des scientifiques. La rhétorique aurait été plus soignée et le texte moins indigeste.

Fin de la première partie

Image: Colbert présente à Louis XIV les membres de l’Académie royale des sciences en 1667. (Henri Testelin)

(1) « Éléments pour éclairer le débat sur les gaz de schiste » Avis de l’Académie des sciences
15 novembre 2013
(2) Gaz de schiste : l’Académie des sciences relaie le plaidoyer des foreurs et de l’IFPEN
(3) Danièle Favari « Les vrais dangers des gaz de schiste » Ed. Sang de la Terre 2013

4 commentaires sur “Gaz de schiste, l’Académie des Sciences fossilisée dans la Roche Mère (1)

  1. BromptonAddict

    J’ai trouvé un rapport de l’Inéris concernant les risques et impacts environnementaux de l’exploitation des gaz de houille (forage en cours en France).
    On peut y voir que les connaissances ne sont pas encore suffisante pour lever les risques environnementaux (étude à poursuivre en fonction des contextes géologiques) :
    http://www.ineris.fr/centredoc/note-brgm-ineris-gaz-de-charbon-finale-29-05-13-fin-unique-1382978611.pdf

    En quand on voit Maud Fontenoy qui demande la levée du moratoire sur les explorations en gaz de schiste, c’est une situation inadmissible de la part d’une présidente d’une fondation d’éducation à l’écologie : http://www.maudfontenoyfondation.com, et porte-parole de l’UNESCO pour les océans.
    Elle est la caution écologiste au lobby pétrolier. Le groupe politique auquel elle est rattachée a dû probablement lui proposer un beau poste pour ce « service ».

  2. kw

    De toutes façon pour le camping je préfère les réchauds à alcool, le gaz ça tient pas le vent :-p

  3. pédibus

    Sortez les sarcophages en amiante :

    je crains que le bon dieu brûle du désir de les rôtir tellement semble forte la mauvaise foi chez nos pantouflards des anciens systèmes !

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