Je suis un héros

Ce matin, alors que je passe le pas de la porte, je croise mon voisin. Celui-ci a une fille asthmatique, et comme souvent depuis qu’il sait comment je me déplace, il me dit: « j’apprécie vraiment ce que vous faites pour nos enfants. »

Rebelote alors que je suis en train de détacher mon vélo: un homme avec une poussette me fait un large sourire puis regarde son bébé avec tendresse en continuant sa marche.

Même sourire chez cette grand-mère qui me salue depuis sa chaise installée sur le trottoir et qui écoute le chant des oiseaux par cette belle matinée.

Je suis un héros.

Alors que je démarre, j’entends qu’on parle de moi depuis le café du coin de la rue: « … non mais il y a trop d’impôts! … Ah tu vois lui avec son vélo là? Ben c’est des gens comme lui qu’il faut tiens! Lui au moins il ne demande pas une fortune en infrastructures et subventions! »

Je roule, les bonjours et les mercis lors de mon passage sont si nombreux que je n’arrive pas a répondre à tous. Je m’arrête pour laisser passer un groupe de piétons. Parmi eux un jeune homme me lance: « Quant même grâce à vous on se sent bien plus en sécurité dans la rue maintenant. »

Je suis un héros.

J’arrive au marché, je croise une amie qui inspire profondément et dit: »Grâce a toi on pourra respirer le bon air même en pleine ville! »

J’ai juste besoin de pommes mais le marchand de fruits m’offre une barquette de framboises en disant que si je n’avais pas été déjà là il y a quelques années le marché local aurait simplement disparu.

Comme à chaque fois, la fromagère me parle des conflits pour le contrôle des ressources pétrolières comme si c’était moi qui allait les arrêter.

Quant je repars, un groupe d’enfants jouent au milieu de la rue et me remercient lorsque je les passe. A un feu rouge, une passante détaille mon vélo puis me lance une œillade pleine de compliments.

Lire aussi :  Les cyclistes sont-ils de bons clients ?

Je suis un héros.

J’arrive au kiosque, le marchand de journaux parle de faits divers: « Quand on voit tous ces gens tués ou mutilés par les voitures, c’est horrible. Vous au moins vous êtes vraiment un chic type! ». Le titre du journal aujourd’hui est « Le gouvernement veut construire un monument a la gloire des cyclistes ».

L’article parle du rôle de pionnier des cyclistes dans la lutte contre le réchauffement climatique et du modèle de civisme qu’ils offrent à la société.

En rentrant, une voiture s’arrête alors qu’elle a la priorité. Je lui fait signe de passer. Le conducteur ouvre la fenêtre et dit: »Entre la pollution, le bruit et l’odeur que fait mon véhicule, si quelqu’un doit avoir la priorité, c’est bien vous mon cher monsieur. »

Je suis un héros.

Sauf que dans mon pays les deux plus gros acheteurs de publicités qui financent les médias sont des fabricants de voitures. Une entreprise pétrolière, Total,  a des actifs dont la valeur dépasse le PIB des trois quart des pays de la planète.

Sauf que si tous les moyens sont bon pour lutter contre le terrorisme qui a fait 17 morts en Europe en 2012, la même année et toujours en Europe, la voiture a tué directement 12345 personnes.

La grande majorité des politiciens se déplacent en voiture et sur mon vélo, je ne suis ni respecté ni en sécurité.

Pour l’instant, je ne suis pas du tout un héros mais ça ne me décourage pas. Je vais continuer a faire du vélo, remercier ceux qui font comme moi  et l’histoire jugera..

Image: Mike Joos

13 commentaires sur “Je suis un héros

  1. Pim

    Le héros a aussi cette caractéristique : il est souvent seul.
    J’aime beaucoup ce texte, meme s’il met implicitement en avant la faible part du vélo dans notre société.
    Part grandissante heureusement!

  2. xtoflyon5

    Il semble que les héros cyclistes ne soient pas encore à la mode, ceux qu’on envoie nous représenter au parlement Européen sont élus avec des propositions comme « le stationnement gratuit pour les voitures », « la fin des couloirs de bus », « doubler les périph »… Bref, il va en falloir des super-pouvoir.

  3. pedibus

    Je suis un zéro !!!

    Mais derrière mes bâtons – mes gambettes… – ça fait déjà 110 !!!

    boaaaa

  4. urbanbike

    J’ai bien aimé cette petite fable.

    Mais, dans mon quotidien, les voitures continuent à me serrer pour arriver plus vite au feu rouge (…où je les dépasse à nouveau, c’est ballot…) ; les piétons continuent à me couper la route sans regarder dans ma direction, le téléphone collé à l’oreille, dans la rue comme sur les pistes cyclables.

    Et puis je ne suis pas anti-voiture. Comme tout le reste, à consommer avec modération et si aucune possibilité de faire autrement.

    Merci pour cette chouette histoire…

  5. cycliste alcoolique

    Degage de ma voie tu me ralentis pauvre ecervele! Travaille et achete toi une auto le clodo! Et les voitures zero emission tu connais? Mais comment feraient les non sportifs, les trop jeunes, vieux, gros, sourds, aveugles, handicapes, les frustres et les p’tit bites si on vivait dans votre monde?

  6. apanivore

    Grâce à vous il y a encore des champs et des forêts. Tout n’a pas été englouti sous les parkings

    http://www.zerohedge.com/news/2014-05-16/where-worlds-unsold-cars-go-die

    ça mériterait un article complet adapté en français. Les images parlent d’elles-mêmes. Ces voitures sortent des chaînes de production mais ne trouvent pas d’acheteurs (la faute à « la crise » hein) et s’entassent et se détériorent sur des parkings. General Motors seul en avait 826 000 fin avril (un record pour la marque).

  7. le vélo petit canard

    Oui, il y a des héros, des gens qui lutte quotidiennement contre leurs démons pour créer, divertir, rassurer, bâtir ou simplement passer silencieusement, proprement, gratuitement, simplement, rapidement… Courte fable, mais cela reste une fable et le monde actuel est encore un enfer pour de nombreux cyclistes, comme pour d’autres, même au « pays des droits de l’homme et du citoyen », où le référendum est interdit, où la consultation des associations est quasi-inexistante, où le consumérisme et l’égoïsme sont encore rois…

  8. IgorPopov

    Joli texte qui m’a presque fait croire que ce monde de bisounours existe.

    J’ai du rêver un peu trop…

    Merci quand même!

    Tiens je vais faire un tour en vélo moi là!

  9. Nele

    Je trouve que ce sont les automobilistes qui sont des héros. Ils doivent se tenir dans une voiture enfermés pendant des heures, chercher une place de parking, remplir le réservoir régulièrement, payer des taxes et les réparations et en plus se payer un abonnement à une salle de sport. Ca doit être vraiment dur tout ça 😉

  10. Jean-Marc

    Ce qu’ils font demande une abnégation, une acceptation de la contrainte très importante,

    en celà, tu as partiellement raison Nele, ce sont des ascètes,
    ils s’imposent des mortifications.très éprouvantes.

    MAIS, être un héros ne se défini par rapport à la difficulté de sa tache :

    faire qq chose de dur, mais qui n apporte que des contraintes,
    comme créer les bouchons qui nous bloquent, mais aussi des coûts financiers, en mauvaise santé, en vie humaine, en compétitivité économique, en dépendance énergétique, en étalement urbain et hausse de l individualisme/de l indifférence/des incivilités n est pas être un héros,

    mais être un masochiste.

    D ailleurs,
    Gandhi est un vrai héro..
    Or, NE PAS acheter de tissu anglais, NE PAS acheter de sel,
    comme il l a fait, ne sont pas des actes tellement durs à faire,
    bien au contraire…
    ils ne sont pas plus dur que de faire du vélo..

    A l inverse, acheter du tissu anglais, revenait bien plus cher que de filer son propre tissu,
    tout comme rouler en voiture revient bien plus cher que de rouler à vélo.

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