Vélogistique commerciale


Boston, Massachusetts (photo Dinner Series)

Le vélo ne sert pas seulement à transporter des marchandises d’un point à un autre. Il est également parfaitement adapté à l’activité commerciale au sens large. En d’autres termes, le vélo apparaît comme le plus court chemin entre le vendeur et le client, dans la mesure où le vendeur peut amener ses produits jusqu’au client.

L’activité commerciale liée au vélo date sans doute de l’apparition du vélo lui-même. Mais, avec l’apparition des vélos-cargos, tricycles en particulier, l’activité commerciale à vélo a pu réellement prendre son envol. En effet, il devient possible avec un vélo adapté d’avoir sa propre boutique ambulante à vélo. En la matière, les possibilités du vélo sont infinies, depuis les cantines à vélo traditionnelles d’Asie jusqu’aux triporteurs européens modernes spécialisés dans la vente de café par exemple.

La vente de détail de produits alimentaires se prête en effet particulièrement bien au vélo. Le vélo permet de transporter un stock suffisamment important de produits et d’aller les vendre à l’endroit exact où se trouve la clientèle, endroit qui peut varier selon les heures ou les jours de la semaine.

Dit autrement, le vélo permet d’être toujours là où se trouvent les acheteurs en fonction de ce que l’on a à leur vendre. Également, le vélo est particulièrement adapté aux endroits où se rencontrent les plus grandes concentrations piétonnes, comme les rues piétonnes ou les places publiques par exemple. Il prend moins de place qu’un camion ou qu’une camionnette tout en ne polluant pas l’air respiré par les passants-consomnateurs.


San Cristobal de las Casas, Mexique (Photo Wolfgang Sauber)

Historiquement, les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine apparaissent comme les plus grands spécialistes de la vélogistique commerciale. En la matière, les vendeurs à vélo peuvent aller très loin dans l’imagination, l’inventivité et l’adaptation.

Aujourd’hui, la vente ambulante à vélo revient en force dans les pays occidentaux, en particulier en Europe et dans les pays du nord. En se positionnant sur des créneaux bien spécifiques, le vélo-café, le jus d’orange ou la vente de glaces et confiseries, le vélo-commerce refait une apparition, certes modeste pour l’instant, dans les rues de nos villes.

Il ne s’agit donc pas d’adopter stricto sensu le modèle asiatique dans les villes européennes, ce qui n’aurait aucun sens sur le plan historique, mais de voir comment il est possible de s’inspirer des expériences étrangères en la matière pour réinventer un modèle commercial viable à vélo dans nos pays européens.


Paris, France (Photo fifi lapraline)

Il est possible de constater en effet aujourd’hui une volonté certaine de nos contemporains de renouer avec des habitudes de sociabilité oubliées, dans un contexte urbain de plus en plus contraignant où les modes de vie s’accélèrent. Entre travail, transport et achats, les urbains semblent pris dans une course sans fin et frénétique où l’espace public n’est plus qu’un espace de transit.

Le petit commerce à vélo permet dans une certaine mesure de recréer ce lien perdu, entre commerces de proximité qui périclitent et grandes surfaces commerciales de périphérie. Flexible et hyper-adaptable, il se coule dans les attentes évolutives des consommateurs.

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On sent par ailleurs, une volonté émergente de réappropriation de l’espace public pour des usages autres que ceux destinés uniquement à la circulation de véhicules. L’espace public peut aussi être un lieu de rencontre, un lieu pour manger, se reposer ou faire ses courses.


Strasbourg, France

Après plusieurs décennies où la généralisation de l’automobile a largement transformé les espaces publics en espaces circulatoires, le résultat n’est pas à la hauteur des espérances initiales. Le plus souvent, les espaces publics deviennent invivables et pourtant, du fait des bouchons et autres congestions routières, on ne circule même pas correctement.

Et pour arriver à ce piètre résultat, il a fallu malgré tout accorder la quasi-totalité de l’espace public à l’automobile, par le biais de quatre voies rapides, de rues principalement occupées par les voitures et d’un stationnement automobile omniprésent.

Depuis quelques années, des politiques alternatives au tout-voiture se mettent en place dans beaucoup de villes européennes, avec pour objectif de regagner l’espace confisqué par la voiture au profit des transports en commun, des vélos et des piétons.

Cela se traduit par une augmentation du nombre de rues piétonnes, des places publiques et d’espaces libérés des voitures. Ces nouveaux territoires peuvent sans aucun doute devenir des lieux propices au développement de multiples activités commerciales à vélo.


Melbourne, Australie (Photo Peter Santos)

Ces activités commerciales à vélo ont l’immense mérite de nécessiter un investissement initial très limité en comparaison de l’achat ou même de la location d’une boutique. De ce fait, elles sont accessibles à de nombreuses personnes sans emploi, voire même sans permis de conduire, puisque le vélo ne nécessite pas le permis. Il faut cependant obtenir une autorisation auprès des autorités publiques pour exercer une activité commerciale à vélo.

Ces autorités publiques auraient tout intérêt à laisser se développer ces activités commerciales. Au-delà de l’emploi créé et du service rendu aux consommateurs, les vendeurs à vélo occupent tout simplement l’espace public, ce qui tend naturellement à le sécuriser. Du fait de leur seule présence dans l’espace public, ils peuvent en effet rassurer les gens et les amener à s’arrêter quelques instants pour partager un instant de convivialité.

La réappropriation de l’espace public trop longtemps confisqué par l’automobile passe donc aussi par la réintroduction d’activités commerciales, en particulier à vélo. En rendant l’espace public plus convivial et tout simplement plus intéressant, on enclenche un cercle vertueux aboutissant à une demande toujours plus forte d’espace public apaisé et vivable.

Source: Vélogistique, de Marcel Robert, Carfree Editions, 2014

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