Les accidents de voiture, c’est bon pour le PIB

La fumeuse « croissance » ressassée par tous les médiocrates du libéralisme fait en fait référence à l’augmentation du Produit Intérieur Brut (PIB). Or, le PIB montre une étrange perversion: les destructions augmentent la production et donc la croissance du PIB.

En économie, le concept de croissance repose sur une augmentation sans limite de la richesse produite. Elle est mesurée par le PIB (produit intérieur brut) qui est composé de la valeur ajoutée des entreprises et de la valeur monétaire des biens et services non marchands (État et protection sociale).

C’est donc une stricte définition monétaire. Mais la croissance de la richesse et la croissance du bien-être, est-ce du pareil au même ? Les accidents de la route font augmenter le PIB car ils requièrent l’intervention de la police, d’une dépanneuse, d’ambulances, de services de soins, de médicaments voire des pompes funèbres… Idem avec les pollutions qu’il faut enlever, indemniser, avec les maladies liées au travail ou à l’environnement, avec la fabrication d’armes, etc.

Ainsi, les 22 milliards de coût de l’insécurité routière en 2012 (chiffre de l’ONISR), pour ne prendre que ce seul exemple, contribuent à la croissance de notre produit intérieur brut.

A supposer que nous n’ayons aucun accident matériel ou corporel, ni morts ni blessés sur les routes de France l’année prochaine, notre PIB baisserait de manière significative, la France perdrait une ou plusieurs places dans le classement des puissances économiques et l’on verrait nombre d’ économistes nous annoncer d’un ton grave que la crise est de retour.

Et la situation serait pire si disparaissaient également de ces étonnantes additions les dizaines de milliards induits par les effets sur la santé de la pollution atmosphérique et d’une manière générale toutes les destructions sanitaires, sociales ou environnementales qui ont cette vertu de se changer en or par l’alchimie singulière de nos systèmes de comptabilité.

Pourquoi le PIB baisserait-il s’il y avait moins d’accidents de la route ? Tout simplement parce qu’il y aurait moins de dépenses médicales, de réparations de véhicules ou d’achats de véhicules neufs pour remplacer les voitures endommagées. Les accidents de la route entraînent le transport des blessés, des dépenses médicales pour les soigner, la réparation ou l’achat des véhicules… toutes productions qui augmentent le PIB.

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Camarade automobiliste, la société te remercie donc d’avance lorsque tu percuteras la voiture de devant sur l’autoroute à 130 km/heure et que tu finiras dans un fauteuil roulant. Ton sacrifice sur l’autel du PIB permettra de sauver 0,0001 point de croissance l’année prochaine.

La croissance économique mesurée par le PIB n’est donc pas un indicateur de bien-être contrairement à l’IDH (indice de développement humain) mis au point par le PNUD en 1990 qui mesure le niveau d’accès à l’éducation, à la santé, le respect des droits civiques et du travail, l’égalité hommes-femmes, etc.

Il n’y a donc pas lieu de se réjouir d’une augmentation du PIB. On constate que la précarité et le chômage augmentent dans les pays soit-disant riches. Dans de nombreux pays, où le FMI a imposé un modèle de développement économique dont la réussite est mesurée à l’aune de l’augmentation du PIB, la population est passée de la pauvreté (pas de superflu) à la misère (manque de tout).

La « richesse », la vraie, celle qui échappe au PIB, est beaucoup plus complexe à définir: manger une nourriture saine et suffisante, boire de l’eau non empoisonnée, respirer un air compatible avec la fonction vitale, jouir d’une habitation simple et confortable, ne pas être obligé de consommer des médicaments, avoir accès à une éducation et à un travail favorisant son autonomie, vivre en paix et en coopération avec ses semblables, etc.

4 commentaires sur “Les accidents de voiture, c’est bon pour le PIB

  1. Pim

    Ca fait bien longtemps qu’on sait que le PIB ne mesure en rien le bien être d’un pays. Déjà il y a plus de 20 ans, ma prof d’Histoire Geo de collège nous parlait de l’IDH et montrait bien les USA comme avec un très gros PIB et un assez faible IDH. (idh qui s’est ameliore en 20a pr finir 2e)

    pour info, le PIB de la france est de 2113 milliards d’euros. Juste les accidents, c’est 22Mds, soit 1%. Mais est ce que ces 22Mds s’ajoutent directement au PIB francais? (voitures etrangeres, societes d’assurances multinationales etc..) ?

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_IDH
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_nominal
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_(PPA)_par_habitant

    ces liens pour se faire une idée

  2. Yan Bertot

    Toutes les bonnes intentions, le bon sens et le reste, n’ont aucune importance aux yeux des possédants. Aucune. L’argent, point!

  3. Lomoberet

    Et le jour où le dernier des humains se sera aperçu que l’argent ne se mange pas, que l’argent ne se boit pas, que l’argent ne se respire pas, alors les dinosaures pourront bien ricaner du fin fond de leurs fossilité

  4. Florent

    @PIM:
    J’ai été surpris par ce que tu as dis sur le classement des USA sur l’IDH et sa variation dans le temps. Alors je suis allé chercher…
    Première remarque: le mode de calcul de l’IDH a été modifié en 2011… rendant assez hasardeux toute comparaison de classement différentiel d’un pays donné avant et après 2011
    Pour les US, justement, où as tu vu qu’ils étaient 20ème il y a 20 ans ?
    Sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Variations_de_l%27IDH_depuis_1975, je constate plutôt qu’ils étaient 2ème… et que justement, ils ont perdu des places… principalement à partir de 2000 (…) pour finir 13ème en 2007…
    Ils sont redevenus 3ème en 2012… principalement grâce au changement de mode de calcul (qui entre-autres) déplafonne le revenu moyen par habitant (!).
    La France à l’inverse est resté stable (oscillant entre la 8ème et la 11ème place) entre 1975 et 2007… pour finir 20ème !!! en 2012. Certains y verront certainement la marque du quinquennat Sarkozy… Je pense plutôt que le changement de mode de calcul est la cause principale (même si notre Sarko national n’a pas du aider !)
    Sachant que si on regarde l’IDH ajusté des inégalités… les classements changent pas mal… (en tout cas pour les USA! Pas forcément pour la France…)

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