Le vrai coût des transports régionaux

cout-TER

L’hebdomadaire Le Journal du Dimanche a récemment publié un article dont le titre, « la lourde facture du TER », reflète un discours de plus en plus convenu qui présente comme exorbitants les coûts du transport ferroviaire régional (TER et Transilien). Avec inévitablement l’image d’Épinal de trains vides exploités uniquement pour l’ego des politiciens régionaux.

Sans vouloir jouer les Jean-Pierre Pernaut, il faut donc répondre précisément à la question suivante : combien cela coûte-t-il aux Régions ?

Il faut avant toute chose rappeler que le TER en province, et le Transilien en Ile-de-France, sont de la compétence des Régions ; or, les Régions françaises ont un budget cumulé de 27 milliards d’Euros annuels, ce qui est peu par rapport aux budgets de l’ensemble des collectivités territoriales (en tout, 240 milliards environ), lui-même bien inférieur au budget de l’Etat. C’est également peu par rapport aux Länder allemands. La « lourdeur » des coûts du TER, le cas échéant, doit être rapportée aux budgets des Régions, des collectivités dont le budget est somme toute relativement limité.

Voici des tableaux qui récapitulent les données (qui peuvent légèrement différer, phénomène dû aux arrondis) :

Budget total de la Région Ile de France

4,8 milliards d’Euros (MM€)

Somme dépensée pour l’exploitation Transilien SNCF

1,7 MM€

Somme dépensée pour l’investissement

160 M€

Total dépensée pour le Transilien

1,9 MM€

Dépenses du Transilien en % du budget de la Région Ile-de-France

40 %

 

Budget total des Régions de province

22,7 MM€

Somme dépensée par les régions de province pour l’exploitation des TER

2,7 MM€

Somme dépensée par les régions de province pour l’investissement

373 M€

Total dépensé pour le TER

3,1 MM€

Total des sommes dépensées pour TER

14 %

 

Budget total des Régions

27,5 milliards d’euros (MM€)

Budget total du TER et du Transilien en milliards

5 milliards d’€

Budget du TER et du Transilien en % des budgets régionaux

18 %

Source : Les Compte des Transports en 2012, Commissariat général au Développement durable, p.119.

Les Régions consacrent donc chaque année 5 milliards d’€ au TER et au Transilien.

D’un point de vue bêtement mathématique, cette somme constitue 18 % de leurs dépenses, une somme qui n’a rien d’exorbitant sachant que la loi ne leur confère qu’un nombre très limité de missions.

Lire aussi :  La conjecture de Zahavi, un mécanisme régulateur

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Bien entendu, chacun est libre d’estimer que les budgets dévolus au transport ferroviaire régional sont trop élevés, concernant un mode qui, en dehors de la région capitale, n’assure qu’un nombre finalement assez limité de déplacements. Mais la différence avec la concurrence automobile est que cette dernière a ses dépenses de fonctionnement (l’achat et l’entretien du véhicule, le carburant, l’assurance…) intégralement prises en charge par l’usager, alors que celles du train régional le sont aux trois-quarts par la collectivité. Et les dépenses de fonctionnement des automobiles coûtent aux ménages de l’ordre de 130 milliards d’Euros par an, un prélèvement quasi-obligatoire de fait dans la mesure où le ménage est souvent captif de sa voiture, à côté duquel les sommes dévolues aux trains régionaux apparaissent finalement assez proportionnelles à leur trafic.

Il est légitime aussi de s’inquiéter de l’augmentation des budgets que les Régions consacrent aux trains, pour un service qui reste malheureusement médiocre notamment du point de vue des fréquences. Il est enfin légitime de se poser la question de la politique de la SNCF, qui semble jouer la politique qui a déjà tant réussi dans le Fret et l’Intercités, celle de la terre brûlée qui a pour objet ou pour effet de transférer des trafics vers la route, en l’occurrence l’autocar.

On ne peut toutefois poser ces problèmes de manière sensée que si on a posé le contexte de départ, c’est-à-dire que les Régions consacrent finalement assez peu d’argent à son transport ferroviaire régional – 5 milliards, une somme qui équivaut à 0,25 % du PIB.

VD,
auteur du livre La Fracture ferroviaire – Pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer,
Préface de Georges Ribeill, Editions de l’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2007.

Les deux photos (persos) représentent des TER garés en gare d’Alès.

12 commentaires sur “Le vrai coût des transports régionaux

  1. herve

    Hello,

    je n’aime pas trop cette « demonstration » car tout les couts ne sont pas pris en compte, quid du cout des routes et de leurs incessants travaux par exemple ?
    et +1 pour Carfree qui rappel le cout des accidents , donc au final en % , c’est surement encore moins qu’annoncé…

  2. Vincent

    En fait, il faudrait aller plus loin, et prendre en compte ce que le tout-voiture coûte à un pays qui n’a pas de pétrole (50 milliards d’euro chaque année, majoritairement pour le transport; soutien aux dictatures pétrolières, etc.)

    Et surtout, cette politique empêche de préparer l’avenir sans carburant abondant et bon marché.

    Mais ça, ça demande des dirigeants politiques avec 1) une formation scientifique et 2) une vision à plus long terme que la prochaine élection.

  3. vesan

    Des milliers de kilomètres de voies ferrées ont été supprimés depuis, à la louche, les années 1960, et des liaisons ferroviaires sont régulièrement supprimées car la bagnole est devenue hégémonique sur ces tronçons.
    Ce qui renforce encore la prééminence de cette plaie, puisque les localités qui ne sont plus desservies par le train sont fatalement encore plus désertées les non-bagnolistes (et ces derniers sont de plus en plus cantonnés à des banlieues grise et moches !).

    Pour sortir de ce cercle vicié, je ne vois qu’une solution : supprimer des voies routières (plutôt que de supprimer des lignes ferroviaires),
    Cela mettra un terme à l’hégémonie bagnolistique sur ces tronçons et réanimera ou ravigotera le trafic ferroviaire.

  4. pédibus

    « Pour sortir de ce cercle vicié, je ne vois qu’une solution : supprimer des voies routières […] mettra un terme à l’hégémonie bagnolistique…  »

    Oui Vesan!

    Je verrais d’un bon œil nos aménagistes locaux passer la vitesse supérieure en matière de requalification viaire, c’est-à-dire compléter l’aménagement classique – de façade à façade en réduisant la place de l’automobile comme c’est souvent le cas sur le tracé d’un TCSP, mais hélas sans aller à fond, en ménageant trop les motorisés individuels, par exemple quand il s’agit de maintenir le stationnement au détriment du trottoir (pour illustrer la chose aller voir sur Google Street View le cours Alsace Lorraine à Bordeaux, pour constater l’existence d’un minable trottoir de 1 m 40 le long des boutiques…) -:

    il s’agirait alors de reconvertir les nombreuses pénétrantes et autoroutes urbaines, qui éventrent nos agglomérations depuis l’après guerre, en utilisant deux voies pour un tram train assez léger pour que les ouvrages d’art existant puissent, sans renforcement coûteux, recevoir des lignes ferroviaires urbaines à brancher sur le réseau TER existant.

    Resterait toutefois à prendre garde à ne pas alimenter non plus une pendulation domicile travail trop lointaine, avec une tarification symbolique, voire la gratuité, mais seulement dans le périmètre actuel des aires urbaines…

  5. Carl

    Je suis un peu surpris par la phrase « Mais la différence avec la concurrence automobile est que cette dernière a ses dépenses de fonctionnement (l’achat et l’entretien du véhicule, le carburant, l’assurance…) intégralement prises en charge par l’usager, « . Quid des infrastructures qui sont à la charge de la collectivité ? Quelle est la part du budget des régions qui leur est consacrée ?

  6. L'intégriste ferroviaire

    Suggestion : écrire G€ au lieu de MM€ pour milliard d’euro, c’est plus scientifique, ce préfixe est normalisé.

  7. Françoise

    Le TER il faut vraiment en parler. C’est un merveilleux moyen de transport : écologique, économique, confortable. On y voit de beaux paysages. Il nous emmène partout pour pas cher. Bien mieux que le TGV. Il n’y a que les gares qui laissent à désirer avec leurs antiques escaliers qui ne font vraiment pas honneur à la SNCF: il y a longtemps qu’on aurait du les remplacer par des plans inclinés, des ascenseurs et des escalators.

  8. Ludovic Bu

    Même si je partage une grande partie de l’analyse, y compris sur la nécessaire substitution entre modes de déplacements (enlever de la place à la voiture pour la consacrer à d’autres modes), la question que vous oubliez d’aborder est celle de l’augmentation de ces coûts. Avez-vous des chiffres ?

  9. Jean-Marc

    « celle de l’augmentation de ces coûts »

    quelle augmentation ?

    Les aménagements autos coûtent plus à la communauté que les aménagements vélos ou TEC,

    (surtout si on prend tout en compte, comme le départ en banlieue des classes moyennes, la perte de compétitivité, la hausse des maladies…, mais celà reste vrai aussi, simplement au niveau de la fiscalité locale, avec moins de rentrées de taxes foncières et d habitations (une fraction des gens solvables sont partie, des habitations ne sont pas construites ou pas remplies,…), et plus de dépenses d entretien des routes).

    Le plus grand pb économique des agglo, actu, c est la péri-urbanisation :
    elles ont des personnes qui induisent des coûts (frais de rénovation et construction des routes, principalement), mais sans cotiser sur l agglo :
    ces personnes financent la taxe d habitation et foncière de trous perdus, qui, eux, ne financent pas les aménagements de l agglo.

  10. Jean-Marc

    « Avez-vous des chiffres ? »

    ils sont sur Carfree,
    sur les coût estimé de la voirie en france

    malheureusement, vu leur importance, ils sont en génral dur à trouver.

    après, pour chez toi, tu peux toujours demander les frais auprès de ton conseil régional, conseil général, de ta communauté de commune et de ta ville, les frais pour les routes, et ceux pour les TEC,
    et comparer les 2 totaux

    (malheureusement, j ai peur qu’ils te donnent plus facilement les investissement dans les TEC, que ceux dans les routes…)

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