René Dumont, le rejet de la voiture

René Dumont (1904-2001) est un agronome français, connu pour son engagement écologiste. Il fût il y a exactement quarante ans, en 1974, le premier candidat écologiste à une élection présidentielle. Un ouvrage récent intitulé « Comment je suis devenu écologiste » regroupe de très nombreux textes de René Dumont présentés par Charles Rémy, aux éditions Les Petits matins.

Ce livre condense l’abondante production littéraire de René Dumont, riche de plus de soixante livres.

Beaucoup de ces écrits restent aujourd’hui d’une criante vérité. René Dumont, qui a porté pour la première fois la parole écologiste aux présidentielles de 1974, restera sans aucun doute dans l’avenir « le vieux sage de l’écologie ».

Nous abordons ici un seul aspect de cette anthologie: la condamnation sans appel de la voiture.

Nous ajoutons des extraits de son programme pour les présidentielles 1974 qui montrent que la dévoituration peut aussi être un programme politique.

René Dumont, le rejet de la voiture

1973, l’utopie ou la mort

Revenons à l’automobile particulière, privilège devenu exorbitant surtout à la lumière de ce que nous apprend le club de Rome. L’acier, les matériaux, les ingénieurs, techniciens et ouvriers qui les construisent, toutes les ressources rares et toute cette activité compétente, s’ils étaient autrement dirigés, auraient pu développer partout une industrie suffisante pour couvrir l’ensemble des besoins essentiels des pays du tiers-monde. Chaque auto que vous achetez, en général bien avant d’avoir usé la précédente, représente autant d’acier de moins pour les charrues des paysans tropicaux.

1974, L’écologie ou la mort (à vous de choisir) : campagne de René Dumont, les objectifs de l’écologie politique

Chaque fois que vous prenez votre voiture pour le week-end, la France doit vendre un revolver à un pays pétrolier du Tiers-Monde. Sait-on que si tous les habitants du globe consommaient autant de pétrole que les Américains, les réserves prouvées ne tiendraient guère plus d’un an ? Pour faire 10 000 km, on consacre 150 heures à sa voiture (gain de l’argent nécessaire à l’achat et à l’entretien, conduite, embouteillage, hôpital). Cela revient à faire 6 kilomètres à l’heure, la vitesse d’un piéton.

Le type de société que je propose est une société à basse consommation d’énergie. Cela veut dire que nous luttons entre autres contre la voiture individuelle. Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV… On peut penser dès à présent à réorienter l’industrie automobile vers la production des composants de logements ou des systèmes d’énergie solaire ou éolienne.

1986, Les raisons de la colère ?

L’auto n’est pas généralisable, ce qui la rend immorale. Nous nous acheminons vers un milliard de familles à la fin de ce siècle. Si chacun d’elles pouvait adopter le niveau de vie américain, avec trois voitures par famille, cela ferait trois milliards de voitures ! Si on leur aménageait, en Chine orientale, autant d’espace pour chacune d’elles qu’en Californie, j’ai calculé qu’il ne resterait plus grand espace pour les cultures. Au Bangladesh, il ne leur resterait plus rien. Par ailleurs la consommation de carburant épuiserait sans doute les réserves mondiales connues en l’espace d’une dizaine d’années. Bien des métaux qui entrent dans les alliages spéciaux viendraient à manquer.

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Notre petite planète est un monde fini, aux ressources limitées. Ce monde ne pourra donc supporter longtemps une croissance exponentielle, illimitée, et de la population et des productions agricoles et industrielles. L’automobile particulière, souvent de luxe, est une cause essentielle des difficultés et de l’effondrement du tiers-monde, spécialement de l’Afrique. On y consacre des ressources immenses, fournies par l’aide extérieure et par les taxes de sortie prélevées sur les paysans producteurs de cultures d’exportation. Le mauvais usage des devises est critiquable, ainsi que toutes les dépenses nécessitées par la voiture particulière : garage, entretiens et réparations, routes et autoroutes…

L’espace urbain étant limité, on ne peut pas vouloir à la fois rouler plus vite en voiture et améliorer les conditions de déplacement des autobus, des piétons, des cyclistes… et des automobilistes eux-mêmes, puisque toute incitation à rouler attire plus de voitures. Asphyxié par les bagnoles qu’on laisse se multiplier inconsidérément, Paris manque terriblement d’espaces verts, guère plus de 2 m2 par habitant, contre 9 m2 à Londres. Toute solution passe par la limitation de la place de l’automobile.

1989, Mes combats

Pour inciter aux économies d’énergie, il faut taxer davantage les carburants. Il faut arrêter la construction des autoroutes. On peut ajouter à ces mesures l’interdiction de l’auto privée dans les centres-villes, sauf pour les livraisons pendant trois heures par jour, les taxis, les ambulances, les pompiers et les docteurs. Ajoutons une priorité qui me paraît primordiale : interdire toutes les courses automobiles comme le Paris-Dakar, le rallye de Monte-Carlo, qui exaltent une vitesse nuisible à tous points de vue et entraînent accidents et pollutions, deux formes modernes de mise à mort.

Il faut autoriser uniquement la fabrication de voitures ne consommant pas plus de 5 l/100 km et ne dépassant pas 130 km/h, qui est la vitesse maximum légale, voire moins.

Comment je suis devenu écologiste (textes de René Dumont présentés par Charles Rémy), 2014, éditions Les Petits matins, 128 pages, 10 euros.

dumont

Source: http://biosphere.ouvaton.org/bibliotheque-2014-et/2745-2014-comment-je-suis-devenu-ecologiste-textes-de-rene-dumont-presentes-par-charles-remy

Un commentaire sur “René Dumont, le rejet de la voiture

  1. emmp

    Je suis épatée par le hasard : dimanche, j’ai acheté L’Utopie ou la mort à mon bouquiniste local, et je m’apprêtais à transcrire ce passage pour qu’il soit disponible sur le site de Carfree. Merci d’avoir travaillé à ma place !

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