Comment doubler le nombre de vélotafeurs

L’expérimentation de l’indemnité kilométrique vélo, dont nous avions beaucoup parlé sur Carfree France, s’est déroulée du 1er juin au 1er novembre 2014. Un bilan de cette expérimentation vient d’être réalisé et il est, comme on pouvait le prévoir, très positif.

L’expérimentation a porté sur plus de 8.000 salariés répartis dans 18 entreprises volontaires et a démontré qu’une indemnité kilométrique vélo de 25 centimes d’euros par km provoquait une augmentation de 100% du nombre de cyclistes parmi les salariés des entreprises concernées.

Pour rappel, l’objectif de cette expérimentation était de vérifier si la mise en place d’une indemnité kilométrique vélo pouvait provoquer une augmentation de la pratique du vélo dans le cadre des déplacements domicile-travail. En d’autres termes, le gouvernement voulait savoir si donner de l’argent aux salariés pour faire du vélo aurait un impact sur la pratique du vélo.

N’importe qui de sensé pouvait se douter qu’en donnant de l’argent aux salariés pour utiliser leur vélo plutôt que la voiture ou les transports en commun, on risquait d’augmenter sensiblement la pratique du vélo. D’autant plus que la Coordination interministérielle pour le développement de l’usage du vélo (CIDUV) avait déjà conduit en 2013 une étude sur les modalités de la mise en œuvre d’une incitation financière à l’usage du vélo pour les déplacements domicile-travail. Et cette étude concluait qu’une telle indemnité provoquerait une hausse… de 50% de la part modale du vélo!

Donc, on a fait réaliser une expérimentation sur 8.000 salariés venant de 18 entreprises différentes, avec paiement au passage d’une étude réalisée par INDDIGO pour le compte de l’ADEME, pour prouver au bout du compte ce que l’on savait déjà peu ou prou dès novembre 2013… La synthèse de l’étude est disponible sur le site de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Au-delà de la perte d’argent et de temps, on peut malgré tout se réjouir: la mise en place d’une telle indemnité permettrait de doubler au moins le nombre d’usagers du vélotaf (vélo dans le cadre des déplacements domicile-travail).

Un bémol peut malgré tout être apporté. L’expérimentation montre que les nouveaux cyclistes viennent essentiellement des transports en commun, et assez peu de l’automobile. Le bilan strictement écologique est donc modéré, même si l’étude concède que l’expérimentation a été trop courte « pour pouvoir réellement franchir le pas pour de nombreux automobilistes« . Ceci dit, le bilan pour la santé publique ou pour le désengorgement des transports en commun est lui manifeste.

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Par ailleurs, ce que ne dit pas l’étude en question, c’est que si une telle indemnité était mise en place à l’échelle nationale et aboutissait à doubler le nombre de vélotafeurs, cela aurait sans aucun doute un impact significatif sur la place du vélo dans la circulation, et donc sur la vitesse automobile et sur la prise en compte des cyclistes par les automobilistes, avec à la clé un risque d’accidents en baisse.

Parmi les côtés surprenants, l’expérimentation a révélé que l’indemnité provoquait une augmentation de la pratique vélo sur le vélotaf bien sûr, mais aussi sur les autres motifs de déplacement. Dit autrement, une fois sur un vélo, certains commencent peut-être à y prendre goût et se rendent compte que le vélo est bien aussi pour aller en ville, faire des courses ou aller au ciné…

Côté financier, l’expérimentation concernait donc une prime de 25 centimes par km pour les cyclistes, mais qui revenait en fait à 43 centimes pour les entreprises une fois payées les charges (cotisations sociales et fiscales). Ce prix est apparu trop élevé pour les entreprises, mais le projet définitif concerne en fait une indemnité exonérée partiellement de charges. Il est en effet prévu une réduction de cotisations sociales, dans la limite d’un montant qui serait défini par décret. Par ailleurs, du côté des salariés cette fois, il est prévu une déduction des sommes correspondantes de l’assiette de l’impôt sur le revenu.

Maintenant que l’expérimentation est terminée, quel est l’avenir de l’indemnité kilométrique vélo? Rien n’est encore assuré. L’indemnité figure dans le projet de loi sur la transition énergétique et la croissance verte (sic!) adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. Le projet sera examiné par le Sénat dans les semaines qui viennent. L’expérimentation confirme tout le bien-fondé d’une indemnité déjà en vigueur en Belgique ou aux Pays-Bas.

Mais, plus nous serons à peser pour la mise en place d’une telle indemnité, mieux ce sera. C’est pourquoi, il est plus que jamais nécessaire de signer la pétition pour la mise en place d’une indemnité kilométrique vélo!

11 commentaires sur “Comment doubler le nombre de vélotafeurs

  1. Pim

    Si je suis entièrement convaincu du besoin de cette indemnité si on veut augmenter la part modale du vélo, j’ai tiqué à la lecture de cet article lorsque les entreprises considèrent le cout trop élevé de 0.43eur/km. (Je l’avais déjà lu autre part d’ailleurs).

    Si on considère un trajet moyen de 5km, (je pense que c’est une distance moyenne de trajet pour venir facilement à vélo, même si les cyclistes habitués de carfree roulent surement sur de plus longues distances), pour 200j de boulot par an, ca coute à l’entreprise entre 8 et 900eur. autrement dit pas grand chose. 800eur, c’est à peu près le prix moyen de vente d’une journée d’un « expert consultant technico machin + », et encore…. (non ca n’a rien à voir avec le salaire).

    Autrement dit, pour une grosse entreprise, c’est pas grand chose, surtout que celles ci ne se gênent en général pas pour effectuer d’autres dépenses inutiles (communication, réceptions etc.)

    Après pour une PME, c’est peut etre un peu plus un frein, mais sur 1 an c’est pas énorme il me semble.
    Je crois que c’est surtout le patronat qui aime se plaindre!

     

     

     

     

     

  2. emmp

    Si j’ai bien compris, il ne s’agissait que d’une expérience dont le résultat positif restera lettre morte, si j’en crois le blog de Razemon : selon lui, le sénat a rejeté le projet.

  3. Yo

    Effectivement, sur les « expert consultant technico machin + », je travaillais dans une boite qui fait du consulting en management, la journée moyenne est facturée entre 1000 et 1200 € hors taxes et hors frais (j’ai aussi eu du mal à y croire au début), les grosses boites parisiennes poussent jusqu’à 2000 € par jour pour les consultants senior.

    Alors effectivement, 800 € par salarié et par an c’est pas grand chose. Peut-être autant que le leasing annuel PC + logiciels.

  4. fred

    L’indemnité est plafonnée à 55 euros nets / mois.  Ce qui fait un surcout max de moins 95 euros / mois / employé à payer par l’entreprise, soit 1100euros grand max. Effectivement c’est pas énorme, la prise en charge de 50% de l’abonnement transport en commun revient souvent plus cher !

  5. schoumix

    Bon , c’est plutôt une bonne nouvelle, mais attention, au risque de passer pour un rabat-joie, une augmentation de 50% ne correspond pas à un doublement !!

    ex: si vous aviez 100 cyclistes avant l’expérience et 150 à la fin. vous avez bien (150-100)/100=50%

    Un doublement du nombre correspond à une hausse de 100% !

     

  6. Avatar photoCarfree Auteur

    Oui schoumix, il y a une ambiguïté dans le rapport. L’expérimentation constate bien un doublement du nombre de cyclistes (donc 100% d’augmentation), mais les auteurs du rapport corrigent ensuite ce chiffre en le pondérant on ne sait trop comment « en fonction de la fréquence d’utilisation »…

  7. Avatar photoCarfree Auteur

    Je vais réagir a mon propre article(sic!), en suivant la remarque judicieuse de Pim sur le coût de tout cela pour les employeurs. Car, et c’est aussi en lien avec le faible report modal depuis l’automobile constaté, l’expérimention aurait pu aussi nous éclairer sur les avantages en nature accordés a certains salariés par les entreprises: on pense ici aux voitures de fonction par exemple. Un salarié qui a une voiture de fonction n’a aucun intérêt à se mettre au vélo pour toucher l’indemnité… Voire même, ce serait une bonne raison de lui retirer la voiture de fonction!

    Donc, avant de parler du « coût insurmontable » d’une telle mesure pour les employeurs, il serait intéressant de connaitre l’argent mis par ces entreprises dans les véhicules de fonction ou autres avantages du même acabit…

  8. pedibus

    Comme quoi la meilleure économie pour les entreprises serait d’envoyer les contrôleurs de gestion à l’ADEME, en stage pour un module de formation sur la transition des mobilités de leurs collaborateurs, puis de revoir les choix en termes de communication externe, de ressources humaines pour les frais de déplacement et la cohésion interne grâce aux bénéfices des modes actifs, enfin des économies pour leur secteur d’activité – pour la raison précédente – en termes d’absentéisme revu à la baisse :

    à relayer via le syndicalisme patronal et de salariés…

  9. Jean-Marc

    effectivement, Pédibus 🙂

    surtout que les Plan de Déplacements d Entreprises sont obligatoire au delà d’une certain taille,

    et qu’améliorer les mobilités alternatives, par ces PDE (et PDInterE) fait économiser de l argent à ces boites

    sur les boites…

    certaines peuvent faire mauvaise impression sans s en rendre compte :

    Je suis de l Est de la france, des clients allemands ou d autres pays limitrophes où le vélo est plus utilisé, passent parfois.

    Une boite (où je ne travaille pas, par chance :)) près de chez moi à une grande banière, sous son nom :

    « mobilité – technicité – adaptabilité » ou un truc du même style.

    « mobilité » mis en avant.

    => AUCUN rack à vélo devant leurs bureaux ni ailleurs.

    Bien sûr, aucun cadre français ne s en rend compte… et ils ne comprendraient même pas pourquoi en mettre un là serait bien.

    Par contre, ils passent pour des charlots, ils choquent les clients allemands, en leur prouvant, avant même qu’ils ne mettent un pied dans leur locaux, que leur slogan sur la mobilité est faux…

    et donc, que leurs autres slogans sont sans doute aussi dénué de sens et de contenus, aussi dénué de réalité concrète => ils risquent de ne pas signer, ou de signer uniquement si les offres sont à vraiment prix cassés.

     

    La 1ere impression est essentielle… prouver qu’on ment depuis l’extérieur est juste calamiteux…

  10. pedibus

    oui Jean-Marc, une histoire de cohérence chez nos managers d’entreprises de toutes tailles, avec ici un discours mis en défaut par les pratiques…

    une situation similaire pour une autre activité, l’agriculture française : ses acteurs se présentent comme responsables* et présentent l’Etat comme omniprésent, tracassier et paperassier à travers ses contrôles* de toutes sortes, mais là aussi les pratiques et postures sont incohérentes avec une consommation croissante de pesticides et une demande persistante d’aides et de subventions…

    *tout le monde sait que la réglementation sur les ICPE s’est fortement affadie, que le nombre d’inspecteurs est largement insuffisant (comme pour les inspecteurs et contrôleurs du travail…) et que par le passé on a eu tort de faire confiance à la profession : voir les subventions versées aux éleveurs pour réduire la pollution effluente avec les PMPOA…

    http://www.politis.fr/Marees-vertes-fermer-le-robinet-a,8037.html

  11. legeographe

    Pim a tout bien vu… 🙂

    Et bien vu, Carfree, pour le commentaire sur les véhicules de fonction.

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