Les problèmes posés par l’élection du nouveau Président de la FNAUT

Le 11 avril, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (en abrégé, FNAUT) a élu un nouveau Président, Bruno Gazeau (à droite sur la photo), qui a remplacé Jean Sivardière, qui la présidait depuis 1992.

La FNAUT est l’association reconnue qui défend les usagers des transports publics. Elle est une association de consommateurs, mais elle se veut aussi un groupe de pression favorable aux transports publics. Elle représente les usagers au CA de la SNCF.

Au-delà de ces objectifs consensuels, la FNAUT a aussi, et c’est naturel, un point de vue politique, elle reflète une sociologie particulière. Car si, comme le veut la coutume, je félicite M. Gazeau de son élection comme Président, j’estime, en tant qu’observateur et usager des transports publics comme en tant que citoyen, que son élection pose un certain nombre de problèmes.

La probité de l’homme n’est pas en cause, non plus que sa compétence – toutes deux sont même unanimement reconnues. Mais regardons d’abord le pedigree des deux Présidents : M. Jean Sivardière, le sortant, est polytechnicien, M. Gazeau, l’entrant, est diplômé de l’ESSEC. Ils ont donc tous deux étudié dans ces grandes écoles où est formée l’élite sociale de ce pays, un peu comme si les présidents d’une association d’usagers aux Etats-Unis avaient été formés respectivement à Yale et à Harvard.

Je me réjouis bien sûr que des gens aussi brillants représentent les usagers, mais je me méfie aussi, connaissant le formatage moral et social induit par ces études. En fait, ces cursus sont l’indice d’une appartenance à la classe dirigeante, ce qui peut être gênant quand on prétend constituer un contre-pouvoir.

(je rappelle que l’ESSEC est l’école de commerce la plus cotée en France avec HEC).

D’un point de vue professionnel, M. Gazeau a été directeur de l’Agence de Développement du Territoire de Belfort en charge des services marchands des collectivités, avant de devenir directeur général de l’UTP pendant entre 2005 et 2011, selon le site Mobilettre.

Vous avez bien lu : de l’UTP, c’est-à-dire de la fédération patronale des exploitants de transport public, où sont représentées, entre autres, la RATP, Transdev, et les grands opérateurs de transport de ce pays, y compris aujourd’hui le premier d’entre eux, j’ai nommé la SNCF. Dit plus franchement, M. Gazeau est un représentant du patronat du transport public, dont la FNAUT est présumée constituer un contre-pouvoir.

Lire aussi :  Il faut sauver la SNCF !

Il y a donc, indiscutablement, un risque de mélange des genres entre les deux fonctions, même si elles ne se chevauchent pas dans le temps. C’est un peu comme si un type qui a été président du MEDEF pendant dix ans arrivait à la tête d’un syndicat de salariés : même la CFDT n’avait pas osé ! Cela mériterait, de la part de la FNAUT, une forme d’éclaircissement. On apprend par ailleurs que M. Gazeau était déjà conseiller de l’organisation d’usagers…

Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que la FNAUT, au-delà de points de vue de défense du transport ferroviaire que je ne peux que partager, ait souvent un discours très conformiste : favorable à la concurrence – mais « régulée », précise son ancien Président Jean Sivardière, qui n’a pas sa langue dans sa poche ; très fréquemment hostile aux grèves – certes, celles-ci pénalisent les usagers, mais elles ont des raisons sociales qui peuvent les rendre compréhensibles malgré la gêne provoquée ; ou encore très favorable à une fiscalité écologique – une formule qui habille de vert une hausse des impôts indirects, ceux qui touchent le plus les couches modestes, sans jamais rappeler que c’est le mode de vie des couches aisées qui pose le plus de problèmes de pollution (couches aisées… auxquelles appartiennent les deux Présidents : cherchez l’erreur).

En fait, la FNAUT est confrontée au dilemme classique du syndicalisme d’accompagnement qui, à force de se vouloir responsable, cherche à tout prix l’oreille des pouvoirs publics et finit par penser comme eux… et à devenir un relais de leur politique. En écoutant une émission sur RTL consacrée aux Intercités, je me suis demandé, de Philippe Duron et de Bruno Gazeau, lequel était la force de contre-pouvoir, tant leur discours se ressemblait. M. Gazeau a même fini par concéder qu’il n’était pas hostile à des transferts sur route, ce qui correspond à la politique menée par le PS au pouvoir… et au lobbying de la FNTV, la fédération patronale des autocarristes.

La FNAUT finit par ressembler au pouvoir qu’elle prétend contrer. Et à être un relais idéologique du grand patronat.

Vincent Doumayrou
Auteur de La Fracture ferroviaire
http://blogs.mediapart.fr/blog/vincent-doumayrou

17 commentaires sur “Les problèmes posés par l’élection du nouveau Président de la FNAUT

  1. Vincent

    > Je me réjouis bien sûr que des gens aussi brillants représentent les usagers, mais je me méfie aussi, connaissant le formatage moral et social induit par ces études. En fait, ces cursus sont l’indice d’une appartenance à la classe dirigeante, ce qui peut être gênant quand on prétend constituer un contre-pouvoir.

    Logique, puisque l’enquête PISA confirme chaque année combien le système scolaire français se caractérise par l’importance de l’origine sociale.

    http://www.lemonde.fr/ecole-primaire-et-secondaire/article/2013/12/03/classement-pisa-la-france-championne-des-inegalites-scolaires_3524389_1473688.html

    En même temps, ça peut être utile d’avoir des gens éduqué à des postes de responsabilité, non?

  2. pedibus

    Très bonne analyse de la « dérive cédétiste » du schéma institutionnel des transports publics français: on est bien dans du syndicalisme professionnel endogamique, et il serait très surprenant alors que la politique française des déplacements prenne une trajectoire à inflexions radicalement nouvelles…

    Qui défendra sans autocensure – au nom du « réalisme » – de vrais réseaux de tram dans les agglos de province, avec un ratio d’une ligne par tranche de 100.000 habitants par PTU, qui défendra l’instauration d’une priorité aux feux intégrale pour les bus et les cars, qui réclamera haut et fort l’instauration d’un péage urbain, du stationnement réglementé et d’une police de voirie efficace dans ces zones urbaines et la capitale, les deux premières mesures pouvant contribuer à financer une restructuration urbaine autour du couple urbanisme-transport, ainsi qu’une prise en charge de ce que consentent de plus en plus difficilement les usagers?

  3. Jean Sivardière

    Réponse à Pedibus

     » Qui défendra sans autocensure de vrais réseaux de tram dans les agglos de province, l’instauration d’une priorité aux feux intégrale pour les bus et les cars, l’instauration d’un péage urbain, du stationnement réglementé et d’une police de voirie efficace dans ces zones urbaines et la capitale ?  »

    Vous connaissez très bien la FNAUT et vous savez très bien qu’elle fait tout ce que vous souhaitez, depuis des années et sans craindre de déplaire. Quoiqu’insinue un commentateur qui n’a même pas pris la peine de rencontrer ses animateurs pour s’informer et se contente d’un procès d’intention, le changement de président n’a introduit aucun changement dans les objectifs et les méthodes de travail de la FNAUT.

  4. Avatar photoMarcel Robert

    Jean Sivardière: « le changement de président n’a introduit aucun changement dans les objectifs et les méthodes de travail de la FNAUT. »

    C’est bien là le problème!

  5. Loic

    Je suis d’accord avec l’article , ces nominations de gens déjà en place ne favorisent pas le changement et justement c’est du changement qu’il faut pour sortir du tout voiture de nos (grands) parents.

  6. Jean-Marc

    « En même temps, ça peut être utile d’avoir des gens éduqués à des postes de responsabilité, non? »

    Avoir une personne sortant d’une école commerciale, une école qui forme des gens capable de vendre la TNT (le bachelor, les ‘chtis,..), areva ou des armes, ne me rassure pas du tout…

    ce serait une formation scientifique d’urbanisme, il y aurait une certaine logique. Mais là, un commercial, un spécialiste de la vente de choses inutiles aux gens qui n en ont pas besoin ni les moyens, je ne vois vraiment pas la crédibilité et l impact positif que cela peut apporter.

    aujourd’hui, je suppose qu’il dit vouloir défendre les usagers des TEC, mais demain, il fera quoi ? il défendra, avec les même qualités de lobbyiste/commercial la voiture, les avions, les hélicoptères, sans s occuper des besoins et des réalités, mais juste de l influence et de la manipulation qu’il a appris à utiliser à l école ?

     

    On verra bien ce qu’il fera réellement, mais ce n est pas une formation rassurante, vu la place où il se trouve.

     

    L’article répond déjà sur son passé..

    « de 2005 à 2011 [..] M. Gazeau est un représentant du patronat du transport public, dont la FNAUT est présumée constituer un contre-pouvoir. »

    Cette propension française à voir passer certaines personnes d’un (supposé) coté à l autre d’un pouvoir (c.f. pantouflage, délits d initiés, ..), étant un des pbs récurrent des élites françaises, grevant leur capacité d innovation et leur adaptativité (c.f. Fabrice Nicolino)

    La france, championne du monde de la reconduction des élites sans idées et de l’ascenseur social en panne…

    c.f. dans un autre domaine, l agriculture/l alimentation, la FNSEA-le crédit agricole-le ministère de l agriculture-les supermarchés-rungis, qui réussissent encore aujourd’hui, à maintenir la même politique qu’en 1950, comme si les besoins étaient les même qu’à la sortie de la guerre…

    Si, dans les transports, on avance aussi vite dans l après- tout-voiture que l agriculture française a avancé dans l après-pénurie de guerre… on peut attendre 70 ans avant d espérer voir fleurir un petit peu plus de rues piétonnes..

    et je ne parle même pas des arceaux vélo aux arrêts de TEC, du multi-modal vélo-TEC ou des TEC urbains gratuits : là, je crois qu’on sera tous morts avant qu’ils commencent sérieusement à avancer à l échelon national…

  7. Vincent (auteur de ce billet)

    @ Jean Sivardière

    Bonjour Monsieur,

    j’ai déjà rencontré certains de vos animateurs régionaux, en particulier dans le Nord,et en Ile de France. Je ne remets pas en cause leur dévouement à la cause du transport public. De surcroît, « le changement de président n’a introduit aucun changement dans les objectifs et les méthodes de travail », écrivez-vous, mais ce n’est pas le thème de ce billet, et ne regarde que les adhérents de la FNAUT, dont je ne suis pas.

    Le billet porte sur le profil social des Présidents de la FNAUT et en particulier de son Président actuel.

    Il n’y a pas de « procès d’intention », juste une allégation de divers faits parfaitement vérifiables et réfutables, et un point de vue quant à leur sens politique et social. Selon l’adage, les faits sont têtus, les commentaires sont libres, or vous ne démentez pas les faits et vous ne discutez pas les commentaires.

    Bien cordialement,

    Vincent

  8. Jean Sivardière

    Réponse à M. Doumayrou

    Je vous réponds à titre personnel, puisque vous vous adressez à moi. Certes les commentaires sont libres, encore faut-il qu’ils soient précédés d’une enquête sérieuse et ne consistent pas seulement à jeter la suspicion sur des personnes ou une organisation. Or, avant de publier votre billet, vous n’avez pas cherché à rencontrer les présidents, ancien et nouveau, de la FNAUT. Vous vous êtes contenté de consulter leurs cartes de visite, auxquelles on peut évidemment faire dire ce que l’on veut.

    De fait, le profil social d’un président de la FNAUT est secondaire : ses pouvoirs sont déterminés par nos statuts et ne dépendent pas de ses études ou de sa carrière professionnelle passées. Les 54 membres du conseil national de la FNAUT (qui détermine sa doctrine et ses actions) sont très divers par leurs formations, leurs expériences professionnelles et leurs sensibilités politiques. Et le fonctionnement collégial des instances de la FNAUT garantit sa stricte indépendance qui a toujours été, et reste, reconnue de tous : élus territoriaux, parlementaires, ministères, exploitants, syndicalistes, journalistes.

    Les usagers font confiance à notre service juridique, qui les défend souvent avec succès face aux entreprises de transports. Et le contenu de nos interventions publiques montre bien que la FNAUT est une association au service des usagers, de l’environnement et de la collectivité, et non le relais d’un parti, d’un syndicat ou… du grand patronat.

    Au fond, ce qui vous pose problème, ce n’est pas le profil social des animateurs de la FNAUT, mais les idées qu’elle défend, « conformistes » selon vous mais qui, selon les cas, se heurtent à l’hostilité du gouvernement, des élus de droite ou de gauche, des milieux économiques, de la SNCF, des écologistes ou des syndicats.

    Ainsi, vous critiquez les grands projets ferroviaires. Or ces projets pourraient être aisément financés par l’Etat, sans aggravation de la dette ferroviaire, si le gouvernement mettait en place une fiscalité écologique digne de ce nom : augmenter la TICPE d’un centime rapporterait près d’un milliard d’euros par an… Un renoncement à ces grands projets ne favoriserait pas les investissements sur les infrastructures ferroviaires existantes, mais les projets autoroutiers et aéroportuaires.

    Vous êtes opposé à l’introduction de la concurrence dans le secteur ferroviaire, même régulée dans le cadre de délégations de service public. Mais pourquoi ? D’une part ce type de gestion est prédominant dans le transport urbain et départemental, et donne satisfaction aux collectivités de droite comme de gauche car elle pousse les entreprises à effectuer un service de qualité et évite une dérive des coûts d’exploitation préjudiciable aux usagers et aux contribuables. D’autre part la mise en concurrence de la SNCF avec d’autres exploitants ferroviaires est aujourd’hui la seule manière d’améliorer la qualité de service et de faire diminuer les coûts d’exploitation du TER. En Allemagne, où la mise en concurrence des opérateurs se pratique depuis plus de 15 ans, les résultats sont spectaculaires : coûts inférieurs d’au moins 30 % à ceux de la SNCF, baisse de la participation du contribuable, offre renforcée, hausse de la fréquentation, réouvertures de lignes périurbaines.

    Vous vous étonnez que la FNAUT s’intéresse à l’autocar. Mais elle n’est pas sectaire et s’intéresse plus au service rendu qu’au mode de transport. Elle réclame un moratoire sur les transferts sur route de services Intercités recommandés par le rapport Duron. Elle critique la libéralisation sauvage du transport par car introduite par la loi Macron. Mais elle constate aussi que de nombreuses relations interurbaines ne sont aujourd’hui assurées par aucun transport public, et donc que le car a un rôle important à jouer, en complément du train, pour assurer le droit à la mobilité. Si elle est favorable à la concurrence entre opérateurs, elle est hostile à la concurrence entre les modes de transport, rail et route en l’occurrence.

    Vous déplorez que la FNAUT critique le recours à la grève. La FNAUT n’a jamais remis en cause le droit de grève des traminots et cheminots et réclamé l’instauration d’un service minimum imposé par la loi, comme c’est le cas en Espagne et en Italie. Mais elle constate que l’usage qui est fait du droit de grève (comme celui du droit de retrait) est souvent abusif, et que les grèves trop fréquentes découragent les voyageurs et plus encore les chargeurs clients du rail, ce qui a de lourdes conséquences pour le système ferroviaire comme pour l’environnement. C’est la raison pour laquelle elle a soutenu le projet de loi Bertrand sur le service prévisible lors de son élaboration.

    Enfin vous êtes opposé à la mise en place d’une vraie fiscalité écologique qui est pourtant la seule source de financement des transports publics disponible aujourd’hui et à la hauteur des enjeux. La refuser dans le contexte actuel, c’est accepter la stagnation puis un déclin déjà observable des transports publics, ferroviaires et urbains. Et cette fiscalité (hausse des carburants routiers, péage urbain), bien loin d’être punitive pour les « couches modestes » comme vous le craignez, ne peut qu’être bénéfique aux ménages les moins fortunés, ceux qui ne sont pas motorisés, mais aussi aux ménages motorisés piégés par la dépendance automobile.

    Toutes ces positions de la FNAUT ont été longuement discutées, de manière très démocratique, au sein de nos instances. Vous avez le droit, bien entendu, de les contester, mais avancez des arguments crédibles et ne vous contentez pas d’affirmer que la FNAUT est infiltrée par le grand patronat, ce qui fait sourire ceux qui la connaissent.

  9. Avatar photoMarcel Robert

    @Jean Sivardière,

    Vous nous expliquez que »le fonctionnement collégial des instances de la FNAUT garantit sa stricte indépendance » et même que la FNAUT « se heurte à l’hostilité du gouvernement« . A vous lire, la FNAUT est presque une dangereuse organisation opposée à l’Etat et au patronat!

    Sauf que les faits semblent montrer autre chose: sur tous les sujets que vous prenez en exemple, il est bien difficile de discerner la différence de point de vue entre la FNAUT et l’Etat. Ainsi, sur les grands projets ferroviaires que vous défendez et auxquels de nombreux écologistes sont opposés, je n’ai pas perçu de franche opposition de la part de l’état; que je sache il y a toujours des projets de TGV en cours et pour les autres, c’est bien plutôt le coût faramineux des projets qui pose problème à l’état qu’une quelconque opposition de principe à de tels projets.

    La concurrence dans le secteur ferroviaire, un des grands sujets portés par la FNAUT, n’est pas non plus vraiment à l’opposé de la doctrine portée par les différents gouvernements qui se succèdent en France depuis plusieurs décennies… De toute manière, l’Europe est passée par là et c’est la direction vers laquelle on se dirige, qu’on le veuille ou non. En tout état de cause, il est quand même difficile de faire passer votre « lutte » pour la concurrence et la privatisation pour un programme réellement contestataire de l’ordre établi!

    Quant à votre « intérêt pour l’autocar », là aussi c’est difficile de voir cela comme quelque chose de réellement contestataire de quoi que ce soit, à partir du moment où c’est clairement porté par le gouvernement en place au travers de la loi Macron…

    En conclusion, cela sonne quand même un peu « faux » de vous entendre présenter la FNAUT comme « opposée au gouvernement ». Sur les principaux sujets portés par la FNAUT depuis plusieurs années, tout le monde peut constater une forte convergence de point de vue avec les sujets portés par le patronat, les entreprises de transport et l’Etat. Sans doute un hasard…

    Pour finir, juste une petite note d’exaspération. C’est devenu un lieu commun, surtout dans la bouche des « décideurs », de présenter l’Allemagne comme le modèle absolu. En particulier la FNAUT « vend » régulièrement l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire en prenant exemple sur l’Allemagne. Dans le même temps (deux paragraphes plus loin), on constate un autre lieu commun qui consiste à dénoncer plus ou moins clairement les grèves à répétition du système ferroviaire français. Le message à décoder est limpide pour tout le monde…

    Sauf que, si on regarde la situation en Allemagne, elle est peut-être moins rose que ce que la FNAUT cherche à vendre depuis plusieurs années. A l’automne 2014, les trains allemands entamaient leur plus grosse grève depuis 2008:

    http://www.liberation.fr/economie/2014/10/18/les-trains-allemands-entament-leur-plus-grosse-greve-depuis-2008_1124570

    La semaine dernière, on apprenait que les conducteurs de trains allemands entamaient leur 9ème grève en 10 mois…

    http://www.liberation.fr/monde/2015/05/19/allemagne-les-conducteurs-de-train-demarrent-leur-9e-greve-en-10-mois_1312386

    A part ça, le « modèle social » allemand est un exemple et l’ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire allemand se passe très bien… Quand on voit cela, on se dit: mais que fait la CGT? On va finir par passer pour des rigolos si même les Allemands font plus la grève que nous!

  10. Jean Sivardière

    Réponse à Marcel Robert

    A vous lire, la FNAUT est dans le camp du gouvernement. Voyons les choses de manière précise, point par point.

    Grandes infrastructures de transport – La FNAUT est, comme le gouvernement, favorable à la LGV Bordeaux-Toulouse et au projet Lyon-Turin. Elle s’est par contre opposée publiquement à tous les autres grands projets qu’il soutient aveuglément : aéroport de Notre Dame des Landes, projets autoroutiers (Nouvelle Route du Littoral combattue sur le terrain par notre association ATR-FNAUT, A45 Lyon-Saint Etienne, A31 bis Nancy-Metz-Luxembourg, Grand Contournement Ouest de Strasbourg,…), sans oublier la LGV Poitiers-Limoges (la FNAUT a déposé un recours contre la DUP auprès du Conseil d’Etat) et le canal Seine-Nord, un projet stupide que la FNAUT dénonce depuis 20 ans et que, curieusement, les opposants aux grands projets inutiles imposés ont oublié d’inscrire sur leur liste noire.

    Venons-en à la concurrence régulée dans le secteur ferroviaire, que la FNAUT défend depuis 1992, date à laquelle elle a organisé à Tours un grand colloque sur l’avenir des lignes ferroviaires régionales. Le gouvernement actuel, comme ses prédécesseurs, y est farouchement opposé par crainte des réactions des syndicats cheminots conservateurs (CGT et Sud Rail), et l’a écarté de sa loi de réforme ferroviaire du 4 août 2014. Plus globalement, la FNAUT a apprécié certains aspects de cette loi, mais en a critiqué beaucoup d’autres, en particulier le manque d’autonomie de SNCF Réseau-ex RFF par rapport à SNCF Mobilité.

    Quant au transport interrégional par autocar, la FNAUT le défend en complémentarité du train car il répond alors aux besoins des voyageurs. Mais elle combat sa libéralisation sauvage imposée par le ministre Emmanuel Macron avec la complicité des députés socialistes qui n’en ont pas perçu les dangers pour le système ferroviaire (voyez ma tribune publiée dans Le Monde du 28 janvier 2015).

    Sur bien d’autres sujets, la FNAUT s’oppose aux orientations du gouvernement : gouvernance défaillante des trains Intercités, fermetures de lignes ferroviaires, abandon de l’autoroute ferroviaire atlantique, report du 4ème appel à projets de transports urbains en site propre, hausse de la TVA sur les transports publics, réduction de l’assiette du versement transport des entreprises, baisse des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales, avantages concédés à la voiture électrique, absence du transport public dans la loi sur la transition énergétique, abandon de l’écotaxe, absence de lutte contre la fraude dans le transport routier de fret, absence de fiscalité écologique, … Comment peut-on affirmer sérieusement que la FNAUT est dans le camp du gouvernement et du patronat ?

    (Le phénomène des grèves dans le secteur ferroviaire allemand, que vous évoquez, a affecté essentiellement la Deutsche Bahn, et il n’a aucun lien avec la libéralisation du transport régional, intervenue en 1994 et qui satisfait aujourd’hui les usagers, les contribuables et même les cheminots puisque la réduction des coûts d’exploitation a permis la réouverture de 500 km de lignes régionales)

     

  11. Avatar photoMarcel Robert

    Merci pour cet éclaircissement concernant la position de la FNAUT sur plusieurs sujets. Certes, et heureusement, la position de la FNAUT n’est pas strictement identique à celle du gouvernement et du patronat. Il n’en demeure pas moins que sur l’essentiel, on ne constate pas vraiment de grande différence.

    Sur les LGV, je pense que la position de la FNAUT est assez inaudible: oui à certaines lignes, non à d’autres… On comprend bien que dans votre esprit certaines lignes se justifient plus que d’autres, mais cela ne répond pas aux opposants qui critiquent le modèle même du ferroviaire à grande vitesse, car très coûteux, adapté essentiellement à une clientèle de turbo-cadres et en concurrence avec l’avion. Alors que dans le même temps, l’histoire ferroviaire française est l’histoire d’un abandon progressif d’une multitude de lignes normales. Avec cette ligne, on défend moins les citoyens en général (que vous appelez « usagers ») qu’une certaine élite hypermobile.

    Idem sur l’ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire. Je pense que vous vivez sur une autre planète que celle des citoyens. Et cette planète porte un nom: l’élite technocratique. En fait, c’est assez amusant car tout votre argumentaire vous amène à confirmer indirectement ce qui est dit dans l’article au sujet des présidents de la FNAUT…

    En particulier, il est assez piquant de vous voir employer le terme de « conservateurs » pour désigner la CGT et Sud-Rail. Je comprends tout à fait votre logique: dans votre esprit, ce sont des partisans du status-quo, voire même des « réactionnaires » alors que vous, vous êtes dans le camp des « progressistes », i.e pour le progrès, le changement, l’évolution vers quelque chose de « nouveau » qui s’appelle la dérégulation, la privatisation et la concurrence dans le secteur ferroviaire.

    Déjà, c’est faire peu de cas de l’histoire ferroviaire: bien avant que le secteur ferroviaire soit un monopole public, c’étaient justement la dérégulation et les compagnies privées qui dominaient. Alors, vieilles idées pour vieilles idées, les « réactionnaires » (au sens du retour à un passé fantasmé) sont plutôt de mon point de vue les partisans de l’ouverture à la concurrence…

    Ensuite, là encore cela montre de quel point de vue vous analysez les choses, à savoir du point de vue de l’élite technocratique, pour laquelle les cheminots CGT et Sud-Rail qui défendent des acquis sociaux et une conception publique du transport sont des empêcheurs de déréguler en rond…

    Au passage, votre argumentaire tombe par la même occasion: vous voulez apparaître comme « opposé aux gouvernement » sur la question de l’ouverture à la concurrence, mais vous avouez en fait que si les gouvernements successifs ne l’ont pas mise en place, ce n’est pas par opposition idéologique, mais tout simplement par peur de la réaction des syndicats…

    Donc, arrêtez de dire que vous êtes opposé au gouvernement sur l’ouverture à la concurrence! Sur le fond de la question, vous êtes en fait tout à fait en phase. La seule différence, c’est que le gouvernement doit composer pour l’instant avec un principe de réalité assez simple: l’opposition potentielle des syndicats et des cheminots…

    Pour le reste, vous citez de nombreux sujets, vous auriez aussi pu parler de la gratuité des transports publics urbains où, comme par hasard sans doute aussi, vous êtes totalement en phase avec le gouvernement, le patronat et les entreprises de transport…

    Enfin, sur le « modèle allemand » présenté comme la solution à tous nos maux, vous oubliez de dire que malgré une libéralisation qui a plus de 20 ans, plus de 90% du trafic fret et voyageurs est aujourd’hui réalisé par la DB, entreprise publique…

     

  12. Jean Sivardière

    réponse à Marcel Robert

    Contrairement à ce que vous affirmez, la clientèle d’affaires ne représente que le tiers de la clientèle du TGV, qui est en fait essentiellement familiale et très diversifiée (les petits prix de la SNCF sont concurrentiels de ceux du car et du covoiturage, nous avons fait une étude précise sur Paris-Lyon).

    La concurrence que nous préconisons dans le secteur ferroviaire n’a rien à voir avec une dérégulation ou une privatisation : les nouveaux opérateurs seraient certes privés mais, dans le cadre de délégations de service public (comme en transport urbain), l’offre et la tarification seraient imposées par l’autorité organisatrice (régions pour les TER, Etat pour les Intercités).

    Dernière remarque : le gouvernement n’a rien à dire sur le thème de la gratuité, qui ne concerne que les autorités organisatrices de transports locales.

    Quelles que soient nos divergences, je pense que vous approuverez le contenu de notre pétition lancée hier.
    Nos trains sont aujourd’hui en danger
    Le réseau ferré français a été l’un des plus performants du monde, mais il est aujourd’hui en danger car les infrastructures se sont dégradées, des lignes ferment et la qualité des dessertes n’est plus acceptable.
    Des voyageurs, en particulier des habitants des villes moyennes, sont découragés par cette évolution et par une hausse régulière des tarifs ; ils se tournent vers d’autres moyens de déplacement, plus contraignants et moins écologiques : voiture personnelle, covoiturage, autocar ou avion à bas coût.
    Mobilisons-nous pour sauver nos trains !
    L’Etat doit garantir le droit à la mobilité et assurer son rôle de pilote du transport public ferroviaire, donc mettre rapidement en œuvre une politique volontariste permettant d’enrayer le déclin du rail.
     

  13. Avatar photoMarcel Robert

    Effectivement, je pense que nos divergences sont nombreuses et surtout, portent sur le fond du sujet. Ceci dit, j’ai lu votre pétition, je ne partage pas vraiment le catastrophisme affiché, mais on la publiera la semaine prochaine quand même.

  14. Jean Sivardière

    Il est normal que nos divergences soient nombreuses et portent sur le fond. Comme toute association, la FNAUT, compte tenu de la diversité des sensibilités politiques de ses membres et de ses moyens d’action limités, ne peut mener que des actions réformistes : les propositions visant à changer la société relèvent des partis ou mouvements politiques. Le débat sur la gratuité des transports urbains l’illustre très bien.

    Ceci étant, réformisme ne signifie pas complaisance, et je pense que la FNAUT a largement démontré qu’elle n’était jamais complaisante avec le gouvernement et les élus, qu’il soient de droite ou de gauche, ou avec les entreprises de transport, en particulier la SNCF.

    Concernant l’état du système ferroviaire français, vous avez raison de dire que tout n’est pas noir. Dans certaines régions, Bretagne et Alsace en particulier, les TER sont ponctuels. SNCF Réseau (ex-RFF) réalise actuellement des travaux considérables sur le réseau classique pour le régénérer, et 4 LGV vont prochainement être mises en service et attirer au rail des trafics aériens et routiers importants. Mais, parallèlement, les nuages s’accumulent comme nous l’indiquent nos contacts avec nos associations et les décideurs politiques. Si la politique de l’Etat ne s’infléchit pas, on va en particulier assister à une explosion du transport par autocar, avion à bas coût et covoiturage et à une régression dramatique du rôle du train en trafic voyageurs, comparable à celle qui a été observée depuis dix ans dans le secteur du fret.

  15. Vincent, auteur de ce billet

    Monsieur Sivardière

    merci pour vos remarques, mais n’ayant pas le temps de répondre à tout, je ne répondrait qu’à trois points. Je me permets de dire que j’ai signé votre pétition, et qu’évidemment je me retrouve dans vos positions de défense de principe des transports publics (je ne dis pas autre chose dans mon papier).

    Vous citez l’Allemagne en exemple de libéralisation en partant du principe qu’en France la libéralisation aurait les mêmes résultats, une position dont au passage l’anticonformisme ne saute pas aux yeux, mais il faudrait répondre à une question : comment expliquez-vous que la libéralisation du fret ait « marché » en Allemagne, alors qu’elle s’est traduite en France par un effondrement sans précédent du trafic, sans précédent depuis la Guerre ?

    L’explication que je donne est simple : en Allemagne, il y a la tradition du Mittelstand, un réseau de petites et moyennes entreprises qui font vivre les tissus industriels au niveau local. Ce qui est vrai au niveau industriel l’a été au niveau ferroviaire, mais ne l’est naturellement (et prévisiblement) pas en France. Bref, parce que les mêmes recettes ne sont pas transposables d’un pays à l’autre.

    Pour ce qui est du transport régional, le problème est finalement assez similaire, « toutes choses égales par ailleurs ». Les Länder sont un corps intermédiaire à part entière, sont représentés en tant que tels au Bundesrat et ils ont une compétence de principe pour de nombreuses questions. Ainsi, ce que vient de faire Valls, annoncer une baisse du VT de 10 % d’un coup de menton, ne serait pas faisable, ou beaucoup plus difficilement, en Allemagne, car les Länder veillent à leurs intérêts, le Bund n’étant au fond qu’un primus inter pares. Le budget cumulé des Länder correspond à 16 % du PIB, dix fois plus qu’en France. Enfin, au moment de la libéralisation, la plupart des grandes villes étaient déjà équipés de RER, alors que ce type d’infrastructures est balbutiant en France en dehors de Paris.

    Vous parlez à un germaniste, qui est le premier à penser qu’il faudrait, sur certains points, nous inspirer du modèle ferroviaire de l’Allemagne. Mais votre comparaison est une comparaison hors-sol, vous raisonnez en brandissant des chiffres comme si le modèle pouvait être décalqué, en niant de facto les différences dans l’organisation politique des deux pays.

    Concernant la fréquentation sociale du TGV, des chiffres ont déjà été donnés, notamment sur le site de la Cour des Comptes. Ainsi, la surreprésentation du décile le plus riche est de 9 pour la TGV, d’à peine 6 pour la voiture sur la longue distance, c’est dans le rapport de la Cour des Comptes de l’automne dernier en page 140.

    Pourquoi vous échiniez-vous à nier ce que les chiffres établissent de manière formelle et indiscutable ?

    Votre remarque sur « la clientèle d’affaires qui représente le tiers de la clientèle » est vraie, mais elle trompe son monde, car la notion de client d’affaire et de client de loisirs concerne le motif du voyage et non la catégorie sociale du voyageur : quelqu’un peut être cadre, gagner 5 000 € par mois… et être client de loisirs.

    Votre remarque sur les tarifs barrés pratiqués par la SNCF a une force probante limité elle aussi, car, et vous le savez très bien, le modèle d’affaires choisi par la SNCF repose sur la variabilité extrême des prix et le prix très bas à un bout de la chaîne a pour contrepartie, à l’autre bout de la chaîne, le prix très élevé.

    Enfin et surtout, votre remarque sur ces prix bas concerne l’offre, alors que la composition sociale de la clientèle concerne la demande. Et ce n’est pas parce qu’un prix est peu élevé qu’il bénéficie aux ménages modestes. Certains services de mobilité, comme le vélo en libre service, sont utilisés avant tout par des cadres même s’ils sont bon marché. Le problème de fond est que les cadres et professions intellectuelles supérieures (et les professions intermédiaires dans une moindre mesure), et de manière générale les catégories les plus diplômées, sont beaucoup plus mobiles que la moyenne sur de longues distances, et donc le TGV répond à leur besoin. Ne pas percevoir cette sociologie, c’est là encore un indice de grand ethnocentrisme social.

    J’ajoute que, pour la raison qui précède, la surreprésentation des Cadres et également vraisemblable dans le covoiturage de longue distance : sur Paris – Nancy, en voyageant avec Blablacar, on tombe assez peu souvent sur des catégories populaires, bien plus souvent sur des cadres ou des étudiants, catégories sociales diplômées et vouées à devenir cadre si tout se passe bien pour eux.

    Concernant la hausse de la fiscalité sur les carburants, il faut regarder la réalité observable, or des études montrent que les ménages qui dépensent le plus en carburant sont d’abord le quintile du milieu (4,2 % de leur budget), puis les deux quintiles les plus pauvres (3,5 %), puis les deux quintiles les plus aisés (3,2 %).

    http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/lettres/328.pdf
    (voir notamment la page 3, le haut de la 3ème colonne)

    S’il est exact de dire que les plus pauvres sont moins motorisés, il n’est pas exact de dire que cette hausse leur bénéficierait, puisque, globalement, ils dépensent davantage en carburant que les 40 % les plus aisés. Là encore, votre raisonnement est dolosif : en fait, la « fiscalité écologique » toucherait beaucoup moins les ménages aisés.

    D’autant plus que nombreux sont les cadres qui disposent d’un véhicule de fonction, où l’entreprise prend en charge le carburant, en déduisant la TVA bien sûr…

    Bref, j’estime que les cas d’étude soulevés dans ce message ne font que confirmer l’impression dont mon billet est le reflet, celle d’un conformisme social très ancré chez vous.

    Bien cordialement,

    Vincent

  16. Jean Sivardière

    Bonjour M. Doumayrou,

    Je vous réponds point par point.

    Défendre l’exploitation du TER ou des Intercités en délégation de service public n’est certes plus très original aujourd’hui, mais il y a un an, l’Association des Régions de France (qui regroupe les présidents de conseils régionaux) y était encore opposée… La FNAUT défend cette idée depuis 1992, date à laquelle elle a organisé à Tours un grand colloque sur l’avenir de lignes ferroviaires régionales.

    Selon vous, la libéralisation du fret s’est traduite en France par un effondrement sans précédent du trafic : je crois que vous confondez trafic ferroviaire et trafic SNCF. De fait, la chute spectaculaire du trafic de fret en France est un phénomène très antérieur à la libéralisation, intervenue seulement en 2007. Cette chute a impliqué un énorme déficit de la branche fret de la SNCF, qui a largement contribué à la dette ferroviaire, contrairement à la construction des LGV (voyez l’article remarquable de Denis Huneau dans les Echos du 29 juin 2014). Depuis 2007, la SNCF a continué à se débarrasser du trafic de wagon isolé, sans se préoccuper des difficultés rencontrées par les industriels. Quant aux opérateurs privés, ils ont dans un premier temps récupéré du trafic SNCF, mais ils commencent à concurrencer la route, si bien que la part de marché du rail cesse de diminuer. Le développement des opérateurs ferroviaires de proximité est prometteur.

    Concernant la libéralisation du TER, je ne vois pas pourquoi elle n’aurait pas d’effet positif en France comme elle en a eu en Allemagne : dans les deux cas, on a une autorité régionale, Land ou Région, qui délègue ou pourrait déléguer l’exploitation du service public après mise en concurrence des opérateurs, l’objectif étant de faire diminuer les coûts d’exploitation par rapport à ceux de l’opérateur historique, Deutsche Bahn ou SNCF, d’améliorer la qualité de service et d’élargir la clientèle, donc les recettes. La démarche a permis, en Allemagne, d’enclencher un cercle vertueux apprécié des usagers et des contribuables, et l’emploi cheminot s’est développé. Ces résultats sont parfaitement transposables en France : voyez l’étude de Beauvais Consultants, KCW et Rail Concept publiée en mai 2012.

    Concernant enfin le profil social des utilisateurs du TGV, les chiffres que vous citez ne sont pas contestables. Ce qui est contestable, c’est l’interprétation que vous en donnez. Dans tous les pays du monde et quel que soit le mode de transport qu’ils utilisent, les hommes d’affaires font partie de la classe aisée. De même, dans tous les pays du monde, les ménages aisés sont plus mobiles que les ménages pauvres. Sans le TGV, les hommes d’affaires et les ménages aisés utiliseraient l’avion.

    Ce qui est intéressant, c’est que la SNCF arrive, en proposant des petits prix sur le TGV, à attirer des voyageurs modestes et à concurrencer ainsi l’avion low cost et le covoiturage. L’étude que nous avons fait réaliser fin 2013 par le très sérieux cabinet ADETEC a montré qu’entre Paris et Lyon, le prix du covoiturage (pour le passager) variait de 20 à 39 euros, celui de l’autocar de 19 à 42 euros (chez Eurolines) ou de 29 à 39 euros (chez IDBus) ; le tarif minimum de certains TGV avec une carte Jeune était de 36 euros et celui du TER de 31 euros.

    Une dernière remarque sur la fiscalité des carburants automobiles. Si cette fiscalité augmentait, les automobilistes aux revenus modestes seraient évidement pénalisés mais ils seraient aussi incités à utiliser les transports collectifs beaucoup moins coûteux que la voiture si on considère le coût complet d’usage de cette dernière et pas seulement son coût marginal (carburant + stationnement + péages) ou, s’ils ne disposent pas de transport collectif à proximité de leur domicile, à se rabattre en voiture ou à vélo sur des gares périurbaines ou des stations terminales de tramway. Et tous les ménages, motorisés ou non, pourraient bénéficier de meilleurs transports collectifs si on attribuait à ces derniers le produit de cette fiscalité. Les ménages non motorisés (20 % du total) sont les plus pauvres, sauf à Paris, la FNAUT s’en préoccupe et elle est bien la seule quand on parle de fiscalité écologique ou de péage urbain.

    Cordialement

    Jean Sivardière

     

  17. Vincent

    Bonjour,

    les parts modales du fret ferroviaire en France se sont il est vrai effondrées avant 2007, mais elles ont continué de se dégrader depuis cette date, quoique moins rapidement, malgré une reprise essentiellement technique au début des années 2010… elles passent de 10,9 % en 2007 à 9,7 % en 2013. Si ce n’est pas une baisse, alors soit on réécrit l’histoire soit on est de mauvaise foi.

    http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/references/comptes-transports-2013.html aller ensuite sur séries longues – le transport de marchandises.

    Vous dites « ne pas voir pourquoi l’exemple allemand ne serait pas transposable en France »… eh bien, pour les raisons que je vous ai données, et sur lesquelles vous ne faites aucun commentaire. En réalité, on peut évidemment comparer des chiffres sur différents pays, mais le faire sans tenir compte du contexte culturel, politique, institutionnel, ça a ses limites… or vous semblez avoir une connaissance très rudimentaire de l’Allemagne.

    Au passage, j’aimerais avoir vos sources pour affirmer que l’emploi cheminot s’est développé… car vu les emplois perdus par la DB au titre de la suppression des emplois de l’ex-DR (chemins de fer de l’ex-DDR), il m’étonnerait que la hausse de l’emploi chez les concurrents aient compensé les emplois perdus à la DB… mais je suis preneur de la source.

    Je ferai prochainement un billet à partir des documents évoqués par le rapport :
    http://www.mofair.de/content/2013-2014_wettbewerber-report.pdf

    Le site institutionnel de la Deutsche Bahn contient également des infos intéressantes sur le sujet.

    Je n’ai pas de commentaires à faire sur les autres points abordés, sauf à répéter ce que j’ai dit plus haut.

    Bien cordialement,

    Vincent

     

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