Exploration du territoire automobiliste: ballade en marge de Bordeaux et Talence

Ce dimanche de mi septembre un ami géographe m’a invité à parcourir les rues de Bordeaux, et sa banlieue proche, pour découvrir le patrimoine architectural et observer la transition centre périphérie, afin d’y appréhender l’urbanisme à la française. Le week-end s’y prêtait avec le beau temps : plutôt que se claquemurer dans un musée gratuit il était préférable de se chauffer la carcasse.

simiot
Bordeaux, place Simiot, parking en pourtour, circulation rapide et bruyante

En même temps il s’agissait de faire un repérage pour un itinéraire de randonnée urbaine, prévue pour le mois suivant. Le tracé avait été déterminé suivant des ballades anciennes et, moins « sportivement », en tenant compte des captures d’images sur Google Street View, la méduse à roulettes qui, faute de pétrifier le passant, le floute à son passage…

Et bien sûr en bon carfriste votre serviteur n’a pas cessé de se polariser sur tout ce qui comporte quatre roues, circule et stationne… Un œil inquisiteur ne pouvait s’empêcher de comptabiliser les véhicules en stationnement illicite sur le trottoir, de constater la vitesse folle de beaucoup trop d’automobilistes, ou encore de déplorer l’enlaidissement qu’entraîne l’usage de ce mode de déplacement dans la ville… La routine quoi. L’idée fixe. La polarisation habituelle. À en devenir lassant. Chiant même pour mon compère, comme j’ai pu m’en rendre compte, rapidement…

dubourdieu
Bordeaux, rue Dubourdieu, jardin avec frondaison de pin en débord sur la rue

Alors il a bien fallu concentrer son attention sur autre chose. Les petites maisons de pierre, souvent sans étage, construites en lotissement au début du XXe siècle, appelées ici « échoppes », laissent voir une grande diversité morphologique, malgré la standardisation du procédé de construction et du concept architectural. Ici une treille récente venait faire oublier un quartier bien minéral, en lançant des lianes jusque dans la fenêtre. Il est vrai que le dimensionnement de la rue et du parcellaire permettaient aux promoteurs de l’époque d’optimiser au maximum le foncier revendu en « prêt-à-habiter ». Lequel parcellaire, quand l’heureux riverain dispose d’une lanière et non d’un timbre poste, permet d’avoir un petit jardin ou une arrière cour avec quelques arbres.

treille
Bordeaux, rue Sainte-Geneviève, jeune treille

Et l’absence d’étage laisse voir derrière, pardessus les toits, des frondaisons ; parfois même l’échoppe est en retrait et un arbre sur le devant déborde dans la rue pour le bonheur de tout le monde, bestioles comprises. Aujourd’hui il semble bon y vivre, comme il est agréable également d’y randonner. Mais l’automobile reste un sérieux obstacle, comme les gravillons qui empêchent d’apprécier un bon plat de lentilles…

Mais venons-en à quelques cerises sur le gâteau… Nous n’avons pas digéré certaines incongruités et, finalement, celui qui jouait des pattes avec moi m’a rejoint dans ma lamentation périodique. Ou plutôt on a fini par rire ensemble de notre inconfort, là où on posait les pieds.

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handicap
D’abord un véhicule quatre roues motrices se déhanchait sur le trottoir d’une rue, pas loin des boulevards de ceinture. Vraiment banal. Sauf qu’une zébrure jaune sur la chaussée, accompagnée du pictogramme signalant l’emplacement d’un stationnement pour véhicule d’handicapé, commençait sérieusement à échauffer les esprits… Mais le comble fut quand la marche amena à dépasser le véhicule stationné illicitement. Là une carte signalant le statut d’handicapé de l’automobiliste propriétaire riverain trônait derrière le pare-brise… Bref on trouvait là le spécimen du handicapé handicapant et incapable d’empathie pour son prochain encore parfaitement ingambe, sauf à se faire ramasser à l’endroit où l’on ne peut se réfugier si une bagnole surgit à toute berzingue, comme il est courant d’en rencontrer dans les rues sous latitude bordelaise…

Un comportement mortifère local de plus aurait-on pu dire… Mais précisément il était question d’enchaîner avec la traversée d’un cimetière, histoire de ne pas suivre une avenue polluée, encombrée et bruyante. Et la rue à emprunter, sur la commune de Talence, une fois enjambée la passerelle sur la voie ferrée qui mène vers Arcachon et les Pyrénées, porte le nom de… rue de la paix. Elle permet l’accès à l’un des deux cimetières de Suzon, ici celui du nord. Et là encore il a fallu sérieusement écarquiller les mirettes: non seulement tout un côté de la rue offrait son trottoir pour y garer bagnoles et camionnettes, mais les panneaux, ceux qu’on potasse dur pour passer le permis de conduire, ceux du code la route donc, bien bleus, juste un peu plus clairs que la couleur de ceux qui devraient foutre des prunes, et carrés en plus, invitaient voire enjoignaient à commettre le délit!

Non mais regardez un peu mon clicheton! Allez vérifier avec la méduse! Zi sont aussi!
Lisez moi ça ! A en tomber sur le cul!

Et avé la fote d’ortografe en plus:

STATIONNEMENT
SUR
TROTOIR

Sûrement un mauvais pastiche des calligrammes de Guillaume Apollinaire…

Ou alors une potence pour les mobilités actives…

En accord avec le marbrier du coin, ça c’est sûr…

stationnement
La – men – table…
Vraiment le niveau baisse chez nos édiles…

panneau
Et depuis 2008 que ça dure la mauvaise farce, au vu de l’inscription au dos du panneau…

Mais sans doute pas sept années de vache maigre, pour le piéton de l’agglomération bordelaise, qui n’a jamais eu le haut du pavé…

8 commentaires sur “Exploration du territoire automobiliste: ballade en marge de Bordeaux et Talence

  1. Zaph

    Scandaleuses ces autorisations de stationner sur les trottoirs.

    Comment après cela faire comprendre à des automobilistes que le trottoir est exclusivement réservé aux piétons?

    Ce partage de l’espace public à l’usage exclusif de l’automobile ( circuler ou stationner ) montre le mépris de ces élus aux déplacements non motorisés. Il est révélateur de leur ringardise et de leur clientélisme.

    Ces arrêtés municipaux autorisant de tels stationnement doivent systématiquement être attaqués en justice au nom de la liberté de déplacement inscrite dans la constitution.

     

  2. benoitd

    Pour la place handicapé, n’est-ce pas plutôt le moyen d’avoir la place de sortir du véhicule côté conducteur sereinement, en limitant le risque de se faire emporter par un automobiliste passant à grande vitesse sur la voie d’à côté?

    Je crois qui si je devais utiliser des béquilles en sortant d’une voiture, ou aider quelqu’un à s’installer dans un fauteuil roulant, je viserai ma/sa sécurité d’abord. D’autant que la rampe installée juste après impose de toute façon de descendre du trottoir.

  3. Patrick F

    Entièrement d’accord avec le commentaire de benoitd ; en plus, vu la largeur du trottoir, il me parait tout simplement impossible de s’y déplacer en fauteuil roulant, il est bien trop étroit ! (à moins d’un fauteuil pour enfant… mais un enfant qui conduirait un 4X4, ça parait peu plausible…). Il est utile de temps de temps de se mettre à la place de personnes handicapées pour comprendre les difficultés auxquelles ils sont confrontés quotidiennement…

  4. Vincent

    Il suffirait de laisser un mot avec un numéro de téléphone pour poser la question, et avoir peut-être une réponse.

  5. pedibus

    https://www.google.fr/maps/@44.819601,-0.5782453,3a,75y,317.51h,88.09t/data=!3m6!1e1!3m4!1s-et9Xqsh10mKKa3J6A53Qg!2e0!7i13312!8i6656

    Mon cher Patrick F. faut-il que les techniciens de la ville  – responsables du développement durable au premier chef… – soient autocentrés (!) voire bornés (!)  pour s’empêcher d’imaginer mettre une borne escamotable aux extrémités d’une petite rue, comme le « passage des vignerons », afin de pacifier l’endroit tant pour les riverains que pour les flâneurs et les touristes…?

    Quant à l’empathie citée quel est le fondement juridique et réglementaire ici?

    Zéro pointé cher professeur de vertu!…

     

     

     

     

  6. Patrick F

    Mon cher Pedibus (excusez-moi cette familiarité…)

    Je ne pensais pas, en essayant de trouver une explication à la situation montrée sur cette photo, déclencher un tel courroux de votre part.  Nous ne nous connaissons pas, mais votre réponse ne me donne pas envie de vous connaitre davantage…

    Si je me suis permis (mon Dieu, qu’est qui m’a pris…) de faire un commentaire, c’est juste parce que je travaille depuis 25 ans avec des personnes handicapées et polyhandicapées, et que je me suis permis (mais je me repends déjà) de mettre mon point de vue sur la raison pour laquelle cette voiture était garée comme ça,  sans essayer de faire la morale. Ceux qui me connaissent vraiment (cela ne sera jamais votre cas, c’est sûr…) savent que je n’ai rien d’un professeur de vertu.

    Quand à chercher un « fondement juridique et réglementaire » à mon empathie, j’avoue que cette réflexion me dépasse complètement… mais puisque vous me semblez assez prompt à distribuer des « zéro pointés », vous allez vous faire un honneur de m’éclairer, n’est-ce pas ?

    Cordialement

     

  7. AS

    Bonjour,

    pour éclairer un peu votre journée, hier dans ma ville, limitrophe de Nantes, nous avons vu un petit papier jaune sur une voiture garée à cheval sur le trottoir.

    Le message était très clair et signé du maire lui-même : votre voiture est en stationnement gênant (bon normalement c’est très gênant mais bon, on va pas faire les fines bouches) et était ajouté à la main « amande encourue pour stationnement sur trottoir : 135 € ».

    En espérant que ce petit mot soit suivi de la véritable action de mettre le papillon bleu et blanc et non le jaune.

    Mais bon, ça fait déjà plaisir de voir que des gens des services de la ville prennent le temps de dissuader les encombrements des trottoirs, c’est un bon début je trouve…

  8. Helene

    Très intéressant , les riverains ont du mal à se garer, or il me semble naturel qu’ils y aient accès . au débat : que faire des non riverains? Qui aussi font leurs courses et travaillent. Le serpent se mord la queue. Portons l’effort sur les transports en commun et des parkings publics surtout moins chers. Et multiplions les places handicapés.

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