Les meilleures villes européennes en matière de mobilité

Quelles sont les meilleures villes européennes en matière de mobilité? Question difficile selon le ou les critères retenus. Un bon critère pourrait être une part modale de l’automobile la plus faible possible.

Nous avons vu se dessiner lors des articles précédents une sorte de géographie européenne de la mobilité. Les villes du Sud de l’Europe apparaissent comme les villes où l’on marche le plus, les villes du Nord de l’Europe comme celles où l’on fait le plus de vélo et les villes de l’Est de l’Europe celles qui pratiquent le plus le transport public.

Or, certaines villes peuvent apparaître très bonnes sur un mode de déplacement en particulier (la marche, le vélo ou le transport public), mais très mauvaises sur les autres, ce qui de fait permet à l’automobile d’être le mode de déplacement dominant dans de nombreux cas.

Dans ce contexte, la part modale de l’automobile la plus faible possible peut être un indicateur composite intéressant pour décrire la performance de l’ensemble des modes alternatifs à l’automobile.

Une base de données accessible en ligne recense un grand nombres de villes européennes et les parts modales des différents modes de déplacement. Par « parts modales, » on entend la part prise par les différents modes de déplacement dans la mobilité des villes (voiture, transports publics, vélo, marche).

Cette base de données, c’est TEMS « The EPOMM Modal Split Tool ». Nous en avions parlé en 2011, mais à l’époque, beaucoup de villes européennes n’étaient pas encore référencées. Désormais, la base de données intègre plus de 430 villes dont 318 villes de plus de 100.000 habitants, soit deux fois plus qu’il y a 5 ans.

Comme on considère généralement qu’il y a 486 villes européennes de plus de 100.000 habitants, la base de données intègre donc environ 65% de ces villes, soit un bon échantillon.

En outre, la base est renseignée par les villes elles-mêmes ou par des organismes publics, voire des particuliers, mais toujours avec des données sourcées et validées. On peut donc considérer que les « meilleures » villes du point de vue de la mobilité sont déjà dans la base, les villes ayant en effet tout intérêt à faire la promotion de leurs données quand elles sont bonnes.

Par contre, vu le faible nombre de l’échantillon, nous n’avons pas retenu les villes inférieures à 100.000 habitants, qui ne sont que 136 dans la base de données. On parlera donc dans cette série d’articles que des villes européennes de plus de 100.000 habitants.

Dans cet article, nous allons comparer l’ensemble de ces villes du point de vue de la mobilité automobile. Afin de comparer ce qui est comparable, nous avons réalisé trois classements, les villes de 100.000 à 500.000 habitants, les villes de 500.000 à un million d’habitants et les villes de plus de un million d’habitants.

Légende des tableaux: Walk = marche, Bike = vélo, PT = Transports Publics et Car = Voiture.

Villes de plus de un million d’habitants

meilleures-villes-mobilite-1-million

Commençons par les plus grandes villes européennes, celles dont la population est supérieure à un million d’habitants, soit 10 villes en Europe qui présentent une part modale de la voiture inférieure ou égale à 40%.

Surprise, la meilleure ville européenne dans cette catégorie est… Paris, avec une part modale automobile de seulement 17%. Pour une fois, on est en tête de classement! Dans le détail, cette très faible part modale de l’automobile à Paris est obtenue par un très bon niveau du transport public (part modale de 33%), une part modale du vélo certes faible mais pas ridicule (3%) et surtout par une part modale de la marche record en Europe (47%). On parle toutefois ici de la ville de Paris intra-muros, et non pas de l’ensemble de l’agglomération parisienne.

Viennent ensuite plusieurs capitales des pays de l’Est, Budapest (20%), Bucarest (24%) et Varsovie (24%) qui se placent en bonne position du fait d’une pratique très élevée du transport public.

On trouve ensuite Vienne en Autriche (part modale de l’automobile de 27%), Madrid en Espagne (29%), Berlin en Allemagne (31%), puis Barcelone (35%), Munich (37%) et Londres (40%).

Villes de 500.000 à un million d’habitants

meilleures-villes-mobilite-500000

Dans cette catégorie, on rencontre 10 villes avec une part modale de la voiture inférieure ou égale à 38%. La première ville est Helsinki, la capitale de la Finlande avec une part modale de la voiture de 23%. On trouve ensuite Lviv en Ukraine et Cracovie en Pologne (avec une part modale automobile de respectivement 26 et 28%).

Lire aussi :  Piétonniser contre le changement climatique

Copenhague au Danemark se classe en quatrième position et Séville en Espagne en cinquième position. Ensuite, on trouve exæquo avec une part modale automobile de 37% Zagreb en Croatie et Oslo en Norvège. Les trois dernières places du classement sont occupées par Amsterdam aux Pays-Bas, Francfort en Allemagne et Vilnius en Lituanie (part modale automobile de 38%).

Villes de 100.000 à 500.000 habitants

meilleures-villes-mobilite-100000

Pour finir, on trouve 10 villes de 100.000 à 500.000 habitants possédant une part modale de la voiture inférieure à 25%. La plupart de ces villes sont dans les pays de l’Est avec en règle générale une très importante part modale des transports publics qui explique la faible part modale de la voiture.

La première place de cette catégorie revient cependant à deux villes exæquo, Bilbao en Espagne et Ostrava en République Tchèque, avec une part modale de la voiture de seulement 11%! Dans le premier cas, c’est l’importance considérable de la marche qui explique ce résultat et dans le second cas, c’est l’importance des transports publics. Notons au passage que ces deux villes sont également, avec une part modale de la voiture de seulement 11%, premières toutes catégories confondues!

On retrouve ensuite dans cette catégorie plusieurs villes des pays de l’Est qui apparaissaient dans l’article précédent concernant les « champions du transport public« : Ostrava et Olomouc en République Tchèque, Peja en Serbie, Pleven en Bulgarie, Ploiesti en Roumanie, Szeged en Hongrie, Kaunas en Lituanie et Shkoder en Albanie.

La seule véritable exception dans cette catégorie, avec Bilbao, est Bâle en Suisse, qui apparaît comme une ville particulièrement équilibrée en termes de modes de déplacement (29% de marche, 20% de vélo, 28% de transport public et 23% d’automobile).

En conclusion, on peut voir que la situation est beaucoup plus contrastée à l’échelle européenne quand on s’intéresse à la seule part modale automobile.

Ce qui peut paraître étonnant, c’est qu’on trouve très peu de villes danoises ou hollandaises dans ces classements, alors que ces villes sont pourtant réputées pour leur pratique du vélo. A vrai dire, si on regarde dans le détail les villes « nordiques » au sens large, elles alignent en général des parts modales du vélo très fortes, mais comparativement, des parts modales de la marche et des transports publics assez faible. Le résultat, c’est qu’en moyenne leur part modale de la voiture est plutôt faible, de l’ordre de 30 à 40%, ce qui est toutefois plus élevé que les villes présentées ici et ce qui explique qu’elles n’apparaissent pas dans le classement final, mis à part les deux cas emblématiques que sont Copenhague et Amsterdam.

On trouve par contre trois villes allemandes (Berlin, Munich et Francfort) qui se classent bien du fait d’un bon équilibre des alternatives à l’automobile. Les villes espagnoles en général se classent aussi plutôt bien, quatre villes en tout (Bilbao, Madrid, Barcelone et Séville), du fait d’une part modale de la marche très élevée.

Mais, ce sont les villes des pays de l’Est qui apparaissent globalement les meilleures en matière d’alternatives à l’automobile. Avec une part modale du transport public en général très forte, elles occupent la moitié des places du classement (15 villes des pays de l’Est classées parmi les 10 premiers de chaque catégorie pour un total de 30 places).

Enfin, il faut rappeler quelques brillantes exceptions, comme Helsinki, Paris bien sûr, Vienne en Autriche qui s’en sort plutôt bien ou même Oslo en Norvège.

Pour la France, rien de bien nouveau, en matière de mobilité comme en géographie, il y a Paris et le désert français…

Photo: Bilbao en Espagne (Mikemod)

4 commentaires sur “Les meilleures villes européennes en matière de mobilité

  1. Bernard GIRARD

    J’ai du mal avec cette base Epomm qui compare des villes de façon si peu homogène : Paris (commune)  comptée pour 2,2 millions habitants en oubliant les 8 ou 9 millions vivant autour. Mais Londres (Administration du Gd Londres) est compté pour plus de la moitié de son aire urbaine totale. A Lyon, ce sont les parts modales de la communauté urbaine, soit 90 % de l’aire urbaine. Ailleurs je me rend moins compte.

    Une comparaison serait peut être significative si par exemple on observait comment se déplacent, dans chaque agglomération les  75%  de population vivant autour du point central (en assimilant les autres à des « quasi ruraux »). Et encore me trompe-je sans doute.

    Seule une analyse beaucoup plus poussée permettrait de compter réellement comment les gens se déplacent, et à partir de là de dégager les remèdes qui fonctionnent pour d’abord limiter les modes polluants, ensuite les déplacements excessifs.

    Une piste : L’accelération des vitesses de déplacement génère leur excès. Ne faut-il pas imposer la lenteur ?

  2. naturenville

    Oui mon vieux Bernard, t’as raison… inutile d’accabler davantage notre ambianceur : on ne peut pas faire une comparaison entre une commune, une unité urbaine et une aire urbaine, et encore ces définitions varient-elles d’un pays à l’autre…

    C’est sûr qu’à cette aune la part bagnole sera plus forte dans le 93, le 92 ou le 94 qu’à Paris, et plus forte encore dans le 77, le 78… que dans les départements de la petite couronne. Rien qu’à cause de ça la réalité est bien moins flatteuse à Paris dans le club des villes millionnaires en habitant…

    Il faudrait que les têtes d’œufs – et n’allez pas me faire dire autre chose – d’Eurostat s’entendent sur des périmètres pertinents pour fabriquer des enquêtes ménages déplacements sur des territoires homogènes,  mais surtout que le législateur – européen? – rendent la chose obligatoire et à intervalle rapproché par une directive ou un règlement…

    Parce que précisément là où pèche un max « eh! popomme! » c’est bien l’absence de données pour évaluer l’évolution des parts modales mesurées… quant elles existent.

    Et en matière de statistiques même le vénérable INSEE se plante régulièrement : voyez l’histoire du concept d’aire urbaine venu au secours des abracadabrantesques ZPIU qui devaient distinguer territoires ruraux et urbains et qui finissaient par couvrir la totalité du territoire métropolitain au recensement de 1999… Même pour le zonage en aires urbaines – AU – il y a un arbitraire incompréhensible à prendre 40% des actifs des communes qui travaillent dans les pôles urbains bassins d’emploi d’une certaine taille pour les y inclure dedans ; un autre biais de la méthodologie est de s’occuper exclusivement des actifs pendulaires et de jeter à la trappe les pendulaires consommateurs et de pérégrination, tout aussi importants dans l’économie urbaine : scolaires, clients qui font leurs courses, seniors qui viennent donner de leur temps aux descendants, promeneurs venant consommer au troquet un réconfort après la ballade… dans un ordre décroissant pifométrique seugueudeugueu pas dégueu…

  3. naturenville

    Ah…  j’oubliais la fin intéressante du commentaire de Bernard Girard : oui, bien sûr, il faut organiser un différentiel de vitesse de déplacement qui soit défavorable aux motorisés individuels. C’était la proposition du très regretté Marc Wiel, urbaniste :

    http://participation.bordeaux-metropole.fr/IMG/pdf/Innovation_operationnelle_de_rupture_strategique_m_wiel.pdf

     

    http://encyclopedie-dd.org/IMG/pdf_No_71_Wiel.pdf

    fin p. 4 :

    « L’enjeu de conditions suffisantes mais non excessives de la mobilité de proximité sera la possibilité de construire des “espaces communs” […] les moyens utilisés pour cela dans le domaine de la mobilité seront la lenteur des flux automobiles, et la facilité des recours aux modes doux. »

    « La ville économe en ressources énergétiques n’est pas la ville dense mais la ville suffisamment lente, et c’est ce qui la rend un peu plus dense. »

  4. Ledian

    Il faudrait aussi intégrer la dimension 2 roues motorisées… Paris est peut-être la ville la mieux lotie dans ce classement mais ce n’est pourtant pas une ville où il est agréable de se déplacer en mode doux : à pieds ou à vélo on est très limité. Peu de pistes cyclables, trottoirs étroits ; des voitures garées partout qui écrasent. On tombe très vite sur un boulevard bondé de véhicule avec le bruit, la pollution… Comment respirer en toute confiance ?

    Tout reste à faire pour rendre la ville aux êtres vivants… Les moteurs thermiques et puissants doivent dégager les espaces de vie… à 100%.

Les commentaires sont clos.