L’immatriculation : un privilège, plus un droit

Pour la deuxième année consécutive, le parc automobile de Bruxelles a augmenté. Il est passé de 630.648 véhicules en 2014 à 635.031 en 2015 et à 638.880 en 2016. En Belgique, en 2015, il y a 7.175.062 véhicules immatriculés. Ce nombre est en augmentation constante depuis 1977 où il était de 3.315.071. Malgré les multiples mesures pour décourager l’usage de la voiture, et encourager les transports en commun ou le vélo, le citoyen belge comme d’autres citoyens européens reste très attaché à sa voiture individuelle. Les grandes villes comme Bruxelles sont envahies de voitures tant des citadins que des navetteurs. En 2015 Bruxelles était la 9e capitale la plus engorgée d’Europe selon le magazine économique Challenges. Il ne faut pas de grandes statistiques pour se rendre compte que dans les embouteillages, l’automobiliste est seul dans sa voiture.

Le secteur des transports est responsable de plus de 20% de la production de gaz à effet de serre. Alors que les autres secteurs ont diminué leur production et ont amélioré leur profil “carbone”, le secteur des transports continue à en produire plus.

Malgré les multiples incitations, les explications, les aménagements, l’évolution du parc automobile est soumise à la bonne volonté de chacun et au lobby des constructeurs automobiles. La publicité continue à encourager l’achat de nouvelles voitures. Toute personne, tout ménage, toute entreprise peut obtenir autant de plaques d’immatriculation qu’il souhaite, en fonction de ses choix, commodités et moyens financiers. Il suffit de faire une demande à DIV (Direction pour l’Immatriculation des Véhicules) et payer la somme requise. Ainsi, nous nous retrouvons avec plus de 7 millions de véhicules pour une population de 11 millions d’individus. Sachant que les enfants en dessous de 18 ans ne peuvent conduire et que la plupart des personnes de plus de 80 ans ne conduisent plus, il nous reste environ 8 millions d’adultes pour 7 millions immatriculations !

Bien sûr de nombreuses personnes ont un besoin réel de voiture. Mais il y a aussi des personnes qui utilisent une voiture uniquement en solo, il y a des ménages qui ont deux, trois, voire quatre voitures, et des entreprises qui proposent à des fins fiscales des voitures de société, qui sont de facto des voitures individuelles, qui saturent le parc automobile.

Et chacun estime que sa voiture est indispensable et que c’est aux autres à changer de moyen de transport. Dans les années 70, le slogan « ma voiture, ma liberté » a propulsé ce moyen de transport au rang d’une liberté fondamentale où chacun estime, désormais, que la voiture est un droit !

Voyons les choses autrement.

Pour toute une série de requêtes dans notre vie qui peuvent soit interférer avec les intérêts des autres citoyens, soit représenter une dépense pour la société, soit pourraient modifier l’espace publique ou privé, ou pour des avantages que l’on souhaite avoir de la part de notre société, nous sommes soumis à l’obligation de le justifier, et de demander logiquement des autorisations.

Par exemple, on ne peut pas construire ou modifier une habitation uniquement selon ses choix même si on possède le terrain ou la maison. Il faut répondre à des règles établies pour préserver le bien commun. Compte tenu des éventuelles répercussions sur autrui, il est bien normal que cela soit soumis à un permis d’urbanisme. Le principe est le même pour des demandes plus simples. Chacun peut avoir un permis de chasse, mais la chasse est réglementée : on ne peut chasser autant que l’on veut suivant son bon vouloir. Il en est de même pour bénéficier d’une allocation d’incapacité ou bénéficier d’une place de parking de handicapé. Il est bien normal que notre société aide, finance ou autorise selon les besoins de chacun.

Lire aussi :  Réflexions d'un bobo à vélo

La voiture est source de multiples nuisances et coûts. Elle est responsable d’une grande partie de la pollution atmosphérique urbaine, avec son lot de décès associés, des accidents routiers entraînant décès et blessés de longue durée, d’une pollution sonore qui a également un coût… Elle entraîne l’engorgement des villes et l’envahissement de l’espace public, avec coût financier pour les embouteillages, et les infrastructures routières. Chaque nouvelle immatriculation empiète sur la liberté de chacun, envahit l’espace publique, nuit à la santé, et au confort de toute la population et fait porter un coût à l’ensemble de la société.

Aujourd’hui, chacun peut avoir une permis de conduire, et peut obtenir une plaque d’immatriculation. Mais, ne peut-on pas imaginer que, compte tenu de ses nuisances et ses coûts, l’immatriculation soit désormais réglementée suivant les besoins réels.  Je propose que l’attribution d’une plaque d’immatriculation ne soit plus un droit, qui nécessite uniquement une demande à la DIV, mais qu’elle soit soumise à une autorisation qui tienne compte des besoins réels du demandeur, par exemple en se basant sur la composition familiale, le lieu de résidence, le lieu de travail, ou même le nombre de personnes pouvant bénéficier de covoiturages. Les plaques d’immatriculation pourraient être fournies pour une période déterminée, à renouveler tous les 5, ou 7 ans. Ces critères pourraient être modifiés en fonction de l’évolution du parc automobile.

Plusieurs problèmes seront à résoudre, notamment les voitures de société, et les voitures étrangères.

Chaque société utilisant des voitures, ou camionnettes, ou autres devra en faire la demande qui sera acceptée en fonction de son activité. On comprend bien qu’une société de transport aura des besoins différents, qu’une société de médecins ou d’architectes.

Concernant les voitures étrangères des résidents en Belgique, soit elles devraient répondre aux mêmes critères, soit elles seront taxées de manière à décourager l’utilisation de plaques étrangères pour les résidents. Pour les voitures des non résidents, une taxation en fonction de la durée du séjour, du type de véhicule pourrait être instaurée.

A l’heure où la ville du tout-à-la-voiture a montré son extrémité, où les incitations à la pratique du vélo et à l’utilisation des transports en commun ont des effets limités, où les mesures contraignantes (cf Paris : interdiction des voitures antérieures à 1997), pour louables qu’elles soient, permettent aux plus fortunés d’acquérir une ou plusieurs puissantes voitures soi-disant non polluantes, il faut innover pour obtenir des résultats en vue de diminuer la pollution, de réduire notre impact carbone et améliorer notre qualité de vie, tout en restant équitable. Je ne souhaite pas discuter des critères d’attribution de l’immatriculation qu’il faudra se donner, mais je voudrais plutôt lancer l’idée que l’accès à l’immatriculation n’est plus un droit, mais un privilège accordé à ceux qui en ont effectivement besoin.

Cette mesure, pour contraignante qu’elle soit, reste équitable, avec les mêmes règles pour tout le monde et avec une efficacité qu’il suffira de déterminer.

Bernard Namias
Cycliste quotidien.

8 commentaires sur “L’immatriculation : un privilège, plus un droit

  1. velo ile de france

    Je suis allée en Belgique récemment, à Bruges exactement. Je pensais rester plus longtemps et finalement j’ai fui la ville dès que possible. Une ville comme Bruges, qui pourrait être complètement piétonne ne l’est pas… Je voyais des (belles) voitures foncer dans les rues pavées aux petits trottoirs, rasant les terrasses des restaurants, et les bruits qui y résonnent sont insupportables. Ca me rappelle une autre ville, Avignon en France… Alors, avant de critiquer le pauvre peuple qui n’arrive pas à se restreindre, il faut se demander pourquoi les élus ouvrent toutes les portes aux voitures ? Sous couvert de paroles bienveillantes avec le message « on veut réduire le trafic automobile, alors on met les parkings payants partout », en fait, ils sont bien contents qu’il y a de l’argent qui tombe… Il y en aura toujours qui pourra payer pour rouler, il n’y a qu’à regarder Londres et ses péages, ou même l’autoroute A14 à Paris…. SI on veut diminuer les voitures, il faut supprimer les places de parking et interdire les rues… C’est la seule façon. Il n’y a pas d’autres miracles.

  2. abil59

    Article très intéressant. Connaissant assez bien la Belgique (habitant à proximité de la frontière) alors que les chiffres de possession de véhicules par province est équivalente entre wallonie et flandres (http://statbel.fgov.be/fr/statistiques/organisation/statbel/diffusion/statbel/a_la_une_archives/A_la_une_2016/Le_plus_de_voitures_en_Brabant_flamand_le_plus_de_motocycles_en_Brabant_wallon.jsp) je trouve que la perception de la voiture n’est absolument pas la même. La Flandre se rapproche beaucoup plus des Pays Bas avec une séparation claire des modes de transports (en ville y a assez peu de places de stationnement en surface, grosses pistes cyclables séparées du flux voiture) alors que la Wallonie est plus comme la France (vous voyez bien ce que je veux dire).

    La Ville de Gand (Flandre) a un projet de revoir son plan de circulation pour effectivement baisser la place de la voiture en ville ce qui est sur le principe très bien et louable mais dans les faits permettra aux riches de mieux circuler en ville avec leurs grosses caisses.

    Il n’y a effectivement aucune autre solution pour moi que d’adapater l’urbanisme et l’aménagement du territoire aux piétons et cyclistes pour bannir l’automobile.

  3. Adrien

    Je trouve cette idée effrayante, car elle va dans le sens de la restriction des libertés individuelles. Chose qui ne me choquerait pas tant que cela si elle ne concernant que les automobilistes, mais en réalité elle concerne un peu tout le monde et tous les domaines de notre société.

    Par ailleurs, rien ne sert de limiter le nombre d’immatriculations. Collectionner les voitures est un droit, et ne fait de tort à personne. Même si on possède 15 véhicules, on ne pourra jamais en conduire plus d’un à la fois.

    Pour ma part je possède trois véhicules anciens. J’en ai trois parce qu’ils répondent à des besoins différents : un camping-car pour vivre dedans une partie du temps, un fourgon pour travailler et transporter beaucoup de vélos, et une voiture pour les longues distances à la campagne, là où les TC n’existent pas.

    J’ai choisi des véhicules anciens, à la fois par goût de préserver le patrimoine, et parce que, d’un point de vue écologique, il vaut mieux conserver et faire rouler (peu) les véhicules anciens que de les détruire pour en produire de nouveaux.

    Posséder ces trois véhicules ne m’empêche pas de faire mes déplacements du quotidien à vélo, de façon systématique en ville, et de façon régulière hors de la ville, sur des distances où le vélo perd les avantages évidents qu’il a sur la voiture en ville.

    La mise en application de cette idée m’aurait pénalisé dans l’acquisition de mes véhicules, sans me conduire à moins utiliser la voiture puisque je l’utilise déjà le moins possible. Pour moi c’est une idée du même niveau que l’interdiction des véhicules anciens dans Paris : un non sens, qui pénalise les mauvaises personnes et ne solutionne pas les vrais problèmes.

    Je rejoins le commentaire de Vélo Île de France ci-dessus. Il faut arrêter de chercher des solutions où il n’y en a pas. Pour résoudre le problème de l’usage intensif de la voiture en ville, il faut massivement supprimer du stationnement, et réglementer la circulation une la majorité des rues. Et développer des aménagements pour les cyclistes (stationnement sécurisé, etc.).

  4. pedibus

    oui vélo idf, la solution pour faire baisser la pression automobile en ville est bien d’agir simultanément sur les deux leviers du stationnement – réglementé avec une hausse progressive des taxes pour financer la requalification de l’espace public, ou supprimé – et de la piétonisation…

  5. Vincent

    Adrien > Je trouve cette idée effrayante, car elle va dans le sens de la restriction des libertés individuelles

    Pourtant, c’est déjà le cas dans des pays comme le Japon (Tokyo, notamment : pas de parking? pas de voiture) ou Singapour (nombre limité de plaques disponibles chaque année + péage pour entrer dans la ville), qui ne sont pourtant pas sous-développés.

    Je rejoins tout à fait l’auteur : il faut dans les villes limiter le transport motorisé au strict nécessaire.

  6. Jean-Marc

    Adrien : Je trouve cette idée effrayante, car elle va dans le sens de la restriction des libertés individuelles.

    Moi : déjà qu’on n a plus le droit de tuer son personnel de maison, et qu’on peut se prendre des réprimandes si on le frappe.. Mais où va-t-on ma bonne dame ????

    La liberté des uns commence là où…

    La liberté de polluer, de participer à détruire le cadre de vie et la santé de 100aines d autres personnes, est une nuisance, pas une liberté tenable par tous, dans une vie en société, en communauté.

    Merci de ne pas confondre.

    Deux choix s’offre à nous :

    – 1 – soit restreindre cette liberté à l usage unique de certains

    (les membres du parti dans l URSS d’avant 1989, les membre de la famille en Corée du nord, les membres de la famille Saoud en arabie, les Qataris face à leurs employés d asie du SE, les riches, les plaques paires ou impaires, les véhicules de plus ou moins de 5 ans, les véhicules ayant telle ou telle motorisation, les X, les Y ou les Z,.., à l exclusion des autres)

    – 2 – soit restreindre POUR TOUS l’usage des produits nocifs à certains endroits, en limitant, en réduisant ainsi leurs zones de nuisances

    (loi Evin et interdiction de fumer dans les bars, cafés et restaurants, ou rue piétonne interdisant l accès à TOUTES les voitures privées, de la dernière lamborghini à la 2CV de 80 ans)

     

    Le 1er choix est le choix du clientélisme et de la domination de certains sur les autres. Ces « autres » ne sont alors plus que des sous-citoyens, des sous-humains, dont on se moque bien (ils n’ont qu’à s’installer à coté de l’échangeur autoroutier de l’autoroute que MOI, J’utilise, et que eux n’utilisent pas..).

    Le 2eme choix, celui de la rue piétonne (et de la zone de rencontre) est le choix de la république, de la citoyenneté, de l égalité de tous devant la loi.

  7. Adrien

    Vincent, si vous aviez lu mon commentaire en entier et pas seulement la première phrase (et l’article en entier aussi), vous auriez remarqué :

    – que je suis tout à fait favorable au fait de limiter l’utilisation des modes motorisés au strict nécessaire dans les villes,

    – que ce n’est pas ce que propose l’article, puisqu’il propose d’agir sur les immatriculations de véhicules et non sur leur usage, qui n’a rien à voir comme je l’expliquais à travers mon exemple personnel (qui n’est certes pas une généralité, mais c’est le propre d’une exemple).

    De même pour Jean-Marc, on dirait que vous répondez à ma première phrase sans lire le reste et sans avoir lu l’article. Je suis tout à fait d’accord sur le fait de limiter au maximum l’usage de l’automobile dans toutes les zones géographiques où il est pertinent de le faire (donc la majorité des zones urbaines, notamment). Ce n’est pas le propos de l’article, qui pense plutôt aboutir au même résultat en agissant sur les immatriculations. Idée selon moi moins efficace et plus liberticide.

    Mais bon, on peut aussi se voiler la face au sujet de la diminution des libertés individuelles, caricaturer le sujet en parlant de battre son personnel domestique. Il sera trop tard pour se plaindre le jour où l’on ne pourra plus rien faire sans payer une taxe à des gouvernements à la solde de telle ou telle multinationale.

  8. Adrien

    Par ailleurs, « merci de » ne pas utiliser cette tournure autoritaire pour me demander de ne pas effectuer une confusion que je n’ai pas faite.

    J’ai assez lutté (et lutte encore) contre l’usage intensif et stupide de la voiture en ville pour qu’on ne vienne pas me donner des leçons à ce sujet sans me connaître.

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