L’animal rend l’âme

L’âme* de l’animal anime campagnes, forêts et montagnes. Dès le crépuscule, ils sortent, d’abord la tête, un regard à droite, à gauche, le soleil se couche, les mammifères s’éveillent. C’est l’heure d’aller boire, d’aller brouter, de se rassasier.

Le ciel est couvert d’étoiles, la lune apporte sa lueur à cette sombre forêt. Chevreuils et daims rejoignent les clairières pour y tondre l’herbe. Les sangliers remuent la terre de leur groin pour en sortir châtaignes et gros vers. Lièvres et lapins, plus discrets, l’œil aux aguets vont grignoter l’herbe fraîche, surveillés par le renard sorti chasser, pour nourrir ses renardeaux.

Les reptiles se sont engourdis dans la fraîcheur de la nuit. Le chant mélodieux des oiseaux diurnes a laissé place aux cris des rapaces nocturnes. Les insectes se font gober par les chauves-souris.

Le ballet de la vie se reproduit inlassablement, jour après jour, nuit après nuit.

 

Mais de bon matin, le balai humain ruine la beauté de la vie, écrase les fouines avec sa grosse machine. Les animaux s’enfuient à l’approche du bruit. Pas toujours assez vite.

Sortant de la forêt pour traverser une rivière de bitume, les limaces en bavent pour traverser la place, les hérissons n’ont pas eu le temps d’adapter leurs piques au poids mécanique, le sanglier n’avait pas le cuir aussi épais qu’on le croyait, il ne reste plus qu’un chevreuil en deuil.

Vous souvenez-vous, quand vous étiez petits, avoir entendu les grands qui râlaient, car leur pare-brise étaient couverts d’insectes écrasés ? Maintenant, on ne les entend plus… et les insectes non plus.

 

Heureusement, il y a des parcs naturels, surtout pas de camping, c’est protégé. Venez nombreux visiter la nature, il y a bien sûr des parkings pour garer vos voitures. Et là-bas, dans le coin une poubelle pour vos ordures. De jeunes précaires en uniformes verts sont là pour vous le rappeler, faut pas fumer, sauf avec vos pots d’échappement, faut pas monter le campement, un hôtel, avec parking évidemment, vous attend. La cueillette est réglementée, et les produits du terroir se retrouvent sur le marché. Faut pas sortir du chemin, c’est pas bien d’écraser plantes et fleurs, mais faut pas qu’on se mente, cette nature n’est qu’un leurre. On l’a créé seulement parce qu’on a peur de tout ce qui se meurt, alors comme les vieux métiers, on la met dans un musée, pour ne pas oublier, qu’un jour elle a existé.

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Venus de toutes les villes de France, dans la campagne pour s’éveiller les sens, les automobilistes brûlent de l’essence, mais c’est sans importance tant que c’est bon pour la croissance.

 

Et si on y allait à vélo, dans la nature, ce serait peut-être plus beau. On pourrait approcher les  animaux, projetés  par un  blaireau  dans  un fossé, entre  une  bouteille d’eau et un sac MacDo. Et regarde cette belle liane de 12m de long, mais non ! C’est un serpent écrasé par un camion ! Continuons, regardons sur les bas-côtés, la biodiversité étalée. Quel magnifique lièvre aussitôt suivi d’un marcassin, d’un lapin et d’un bambin, et ce hérisson qui tombe à pic, pic-vert, pic-noir ou pic-épeiche. Dépêche, viens voir ce joli faon dans sa belle robe d’enfant, rougie par le sang, c’est pas charmant ? Et on finit par le meilleur, des cerfs !

On arrive près de la ville, on la reconnaît à ses chaplaplas. « Splurf, félin. – Merde, fait l’autre, encore une rayure, fait chier cette nature.»

 

Attention à cette bagnole qui nous serre ! Avec son autocollant « j’aime la nature », elle t’enverrait rejoindre les corps durs de ces animaux qu’ont croisé une voiture. Le conducteur est un mufle qui n’a pas peur à son radiateur, car il est équipé d’un pare-buffle.

Ce soir, après avoir garé l’auto, ils regarderont les photos, en se disant «  la nature, c’est beau quand est au chaud ».

Fini les steaks tartares, ce soir c’est steak au soja accompagné d’un écrasé de pomme de terre. C’est bien trop cruel de tuer des animaux pour eux qui trouvent la nature si belle, qu’ils n’hésitent pas, chaque week-end, à parcourir des kilomètres pour rejoindre un parc naturel. S’ils daignaient sortir de leur poubelle, ils verraient tout ce qu’elle laisse derrière elle, sans état d’âme.

Pas besoin de devenir vegan, brule ta caisse et prends une canne.

 

 

 

*Ame : du latin anima, -ae

Image: La Boite verte

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