Irréaliste, violente, destructrice. La représentation de la mobilité au cinéma (3/6): Les Minions

En deuxième position au box-office, nous avons un film d’animation tout public: Les Minions (6 588 715 spectateurs). Dieu merci il ne s’agit pas de Cars ou encore de Planes (on attend toujours des films qui s’appelleraient Bikes ou Autocars de la part de Disney).

Les Minions est donc un film d’animation qui se déroule aux États-Unis et en Angleterre en 1968 et met en scène des créatures fantastiques. Le film prend par conséquent quelques libertés avec la réalité comme par exemple le fait que la méchante utilise une robe à réaction pour voler. Les autres libertés sont bien plus classiques : on voit des voitures dans les villes mais elles ne font que passer silencieusement. Comme d’habitude au cinéma, le bruit de la circulation est totalement ignoré. C’est vrai que les dialogues seraient plus durs à suivre s’ils incluaient réellement le vacarme accompagnant les véhicules à moteur dans les rues (Godard s’était essayé au son direct et réaliste dans « A bout de souffle », résultat : il y a tellement de voitures qu’on a parfois du mal à comprendre les acteurs).

Autre habitude de la représentation de la voiture au cinéma: minimiser l’accaparement de l’espace public par les voitures. Tout au long du film, très peu d’entre elles semblent garées sur la chaussée ou prendre de la place, alors qu’il y avait pourtant déjà beaucoup de voitures en ville à cette époque. A la fin du film, c’est magique, les rues sont carrément vides, on se croirait dans un grand centre piéton dans lequel les minions marchent en toute sécurité au milieu de la rue. C’est bien pratique pour les scènes d’action en extérieur mais dans la réalité des villes, il est désormais bien difficile de trouver ne serait-ce que des enfants qui jouent dans la rue. Cette confiscation de l’espace public par la voiture est souvent minimisée à l’écran : alors que les héros garent leurs voitures pour être immédiatement sur les lieux de l’action, certains spectateurs auront tourné 10 minutes pour trouver une place de parking puis marché 300m pour atteindre le cinéma du centre ville.

Hors de la ville, le film comporte une scène de poursuite en voiture qui se termine par un carambolage dont la violence est, comme bien souvent, totalement ignorée: 3 voitures de police se rentrent dedans à une vitesse qui semble suffisante pour tuer ou sévèrement mutiler les passagers. Est-ce que les policiers survivent ? Cela n’intéresse pas le film qui passe à la scène suivante.


Tiens un triple carambolage, ne nous attardons pas sur les conséquences.

Une autre scène nous offre une accumulation de clichés concernant l’auto-stop : on est en 1968 et les minions décident d’essayer le stop en voyant une personne quitter la ville de cette façon. Cette personne est comme par hasard un stéréotype de « baba-cool » avec des vêtements fluos. Il fait un V avec les doigts et est pris par un combi Volkswagen à fleurs. Ce trope nous rappelle que la pratique de l’auto-stop est un mode de transport marginalisé qui n’est quasiment jamais pris au sérieux (Les « babas » sont très souvent caricaturés, voire ridiculisés, à l’écran). Dans la suite de la scène, la voiture qui s’arrête pour prendre les minions a l’air menaçante et ses passagers semblent très louches. Et effectivement, une minute plus tard ceux-ci s’arrêtent et dévalisent une banque tout en demandant aux minions de les attendre sagement dans la voiture !

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On veut aller à Orlando gratuitement mais pas avec des gens louches svp.

On retrouve ici une représentation traditionnelle du stop au cinéma qui dépeint cette pratique comme dangereuse car on peut être pris par des violeurs/tueurs en série (ou alors ce sont les conducteurs qui sont en danger car ils s’arrêtent pour prendre des tueurs/violeurs en série). Ce cliché est tellement courant qu’il a sa définition sur un site qui répertorie les lieux communs du cinéma. Dans la réalité, la pratique du stop est effectivement dangereuse et des auto-stoppeurs perdent régulièrement la vie : la différence c’est qu’ils ne sont pas assassinés par un psychopathe mais dans l’immense majorité des cas victimes d’un accident ordinaire de voiture impliquant le véhicule où ils se trouvent. Ce cliché exagère donc la dangerosité des personnes tout en diminuant celle de la voiture. Avec ces 2 tropes, Les Minions méprise et dénigre un mode de transport qui devrait être fortement encouragé pour son impact en terme de pollution, de coût (pour l’utilisateur et pour la société) et de lien social, dommage.


Un autre accident où le chariot de la reine d’Angleterre finit sa course folle dans un arbre: « Nous allons nous prendre un arbre à pleine vitesse! »


« Ah ben on a rien en fait! C’est chouette les fictions, pas besoin de sensibiliser les enfants aux accidents qui tuent des milliers de personnes chaque jour. Effrayons-les plutôt avec de l’auto-stop! »

En parallèle à l’histoire qui se focalise sur les personnages principaux, on suit aussi une partie des créatures jaunes qui font un très long voyage pour rejoindre leurs amis. A pied dans la toundra, en radeau sur la banquise, sur des bouées accrochées derrière un paquebot ou dans des ventres de kangourous les minions traversent les continents. Mais.. c’est seulement dans le but de faire quelques effets comiques, un moyen de transport alternatif un tant soit peu vraisemblable n’est hélas pas envisagé.

En résumé, Les Minions minimise tous les aspects négatifs liés à la voiture, se moque de l’auto-stop et ne donne aucune crédibilité à d’autres formes de transport. Il s’agit simplement d’un film ordinaire comme il en existe des milliers d’autres en terme de représentation du transport. Les 3 films restants de notre série sont en revanche bien pire que la moyenne. Rendez vous au prochain épisode avec un film qui a servi de spot de pub à Mercedes.

Un commentaire sur “Irréaliste, violente, destructrice. La représentation de la mobilité au cinéma (3/6): Les Minions

  1. jacme

    Une analyse inintéressante , c’est vrai qu’on ne fait pas toujours l’effort d’analyser les films sous cet angle.

    « Il s’agit simplement d’un film ordinaire comme il en existe des milliers d’autres en terme de représentation du transport. »

    Le constat est noir mais j’ai quand même souvenir de quelques films qui donnent une autre image de la voiture. Je pense en particulier à « Les nouveaux sauvages » ( Damián Szifrón,  2014). Le titre en lui même est significatif. C’est un film a sketchs et au moins deux sketchs font une large place à la voiture et, à contrario,  maximisent les effets négatifs … Pas forcément un film militant mais à découvrir pour ceux qui ne connaissent pas .

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