Agir pour la généralisation du vélo

Le vélo est un mode de transport et écologique et populaire. Aménagements, santé, mobilité, sécurité, aides financières et emplois : Philippe Poutou répond au questionnaire de la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB).

Le vélo comme mode de déplacement va trouver toute sa place, une place centrale en milieu urbain, dans la perspective dans laquelle nous nous plaçons, celle de l’écosocialisme, qui donnerait la priorité à une société plus juste, égalitaire, écologiste, démocratique.

L’urgence écologique commande des changements radicaux notamment dans les transports : la sortie du « tout-voiture » se fera par la priorité absolue donnée aux transports en commun, au vélo, à la marche. Le « tout-voiture », directement lié à l’histoire du capitalisme, est une impasse totale. C’est pour cela que nous sommes pour la gratuité des transports en commun au niveau local, la collectivité payant d’ores et déjà 80% du prix des titres de transports.

Nous approuvons donc votre action déterminée en faveur de la pratique généralisée et régulière du vélo. En tant que fédération d’usagers explicitement tournée vers le développement du vélo, votre réflexion et vos propositions sur le sujet nous semblent intéressantes et, comme ces évolutions de fond, plus que souhaitables, absolument nécessaires et urgentes ne pourront se faire de manière autoritaire, votre action sera très importante. Nous mettrons aussi l’accent sur l’intervention directe des usagerEs, des salariéEs, des habitantEs, dans la prise des décisions.
Nous répondons aux questions que vous nous avez posées dans l’ordre que vous avez retenu.

Financement des aménagements.

Vous soulignez à juste titre que « les plans vélo successifs adoptés en France par le passé ont un point commun : aucun budget dédié à leur mise en œuvre. » En effet, la centralité du mode de déplacement en voiture a laissé les autres modes de déplacement au second plan. Pour ce qui concerne le vélo, il n’est même pas au second plan, il reste élément de décor, élément folklorisé.

Le vélo doit être pris au sérieux et des moyens conséquents doivent être affectés spécifiquement au développement de sa pratique. Ces investissements seront source d’importantes économies dans un second temps pas si éloigné…

1) Financer des vitrines de la ville durable à la française, avec un appel à projets ambitieux « Territoires cyclables »

De telles réalisations peuvent avoir leur rôle d’entraînement dans la mutation totale qu’il est urgent d’entreprendre dans les modes de transport. Les vitrines peuvent aussi avoir des effets pervers : on les montre, on braque sur elles les projecteurs médiatiques pour mieux masquer l’immobilisme. En général, nous sommes plutôt réfractaires aux termes « ville durable à la française » qui… pédalent à côté du vélo !

2) Lancer une dynamique de résorption des coupures urbaines

Les associations, comme votre fédération, auront un rôle central dans cette évolution indispensable : ces coupures urbaines, ce sont les pratiquantEs d’aujourd’hui qui en subissent les conséquences, ce sont eux et elles qui sont les mieux placéEs pour dire de manière précise comment les résorber. Ces résorptions de coupures urbaines sont aussi un enjeu de sécurité.

3) Achever les véloroutes et voies vertes inscrites au schéma national d’ici 2030, celles du schéma Euro Vélo d’ici 2022

Oui, les objectifs que vous fixez et dont vous souhaitez une réalisation accélérée sont légitimes. Même s’ils sont avant tout touristiques et de loisir…

4) Parler de vélo au grand public grâce à une campagne de sensibilisation à tonalité positive

Oui, il faut développer des campagnes pour favoriser la pratique du vélo et ces campagnes ne doivent pas être axées d’abord sur ses dangers potentiels. Les écoles, les collèges, lycées et à l’université doivent contribuer à redonner à la bicyclette toute ses lettres de noblesse. Sa pratique doit devenir banale, quotidienne, ordinaire … et perçue comme plaisante. Ce qu’elle est quand un minimum de conditions sont réunies.

Santé, mobilité, et sécurité

Le vélo est un puissant moyen de lutter contre la sédentarité.
Dans les sociétés développées comme la nôtre, société du néolibéralisme, la marchandise est centrale. Et donc la consommation de ces marchandises aussi. La sédentarité fait des dégâts très importants. Le vélo aura tout son rôle à jouer sur le terrain de la santé.

5) La « culture vélo », la « génération vélo »

Oui, il faut systématiser un véritable apprentissage de la mobilité à vélo comme vous le préconisez. Le vélo, ça s’apprend ! Savoir « se déplacer seul en milieu urbain » doit être un objectif d’apprentissage dès le plus jeune âge, tant dans les familles qu’à l’école. Former, mettre en confiance, de manière systématique, pour toutes et tous, c’est le point de passage obligé pour donner envie, pour créer cette « génération vélo » qu’on souhaite tous et toutes. Pour la jeune génération, pédaler doit devenir un geste aussi courant que marcher ou courir.

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6) Marquage et stationnement des vélos

Le marquage peut sans aucun doute être généralisé assez facilement. Nous ne le voyons pas comme un point central. Par contre, le stationnement des vélos est un point capital. La pratique du vélo ne se généralisera, ne se banalisera qu’à la condition d’être absolument accessible sur le lieu d’habitation d’abord, qu’à la condition qu’on puisse le déposer dans de bonnes conditions dans les lieux où l’on se rend, écoles et lieux de travail.

Aides ciblées

Nous ne retenons pas la fiscalité comme moyen essentiel pour inciter à la pratique du vélo. Pour une raison fondamentale : il faut rendre le vélo populaire, le vélo doit faire son retour massivement en milieu populaire !

Jusqu’au années soixante, jusqu’à l’absolue généralisation de l’achat de la voiture et du déplacement auto, la pratique du vélo était d’abord une pratique populaire. Aujourd’hui, c’est dans les milieux populaires, ouvriers et employés, qu’on pratique le moins le vélo, aujourd’hui, le vélo est quasiment absent des quartiers populaires.

La pauvreté est très présente dans ces quartiers et les habitantEs seraient les moins concernés par les aides fiscales alors que précisément ils doivent être « le coeur de cible » des incitations à la pratique du vélo !

Nous privilégions quant à nous la hausse massive des salaires (SMIC porté à 1700€), personne sous le SMIC, continuité du salaire toujours, salaire aux étudiants, retraite comme salaire continué.

7) L’Indemnité Kilométrique Vélo généralisée et hausse du plafond, aides aux entreprises favorables au vélo, aide à à l’achat des vélos électriques, chèques réparation…

Tout en se situant sur la ligne indiquée plus haut, on pourrait malgré tout envisager aller dans votre sens. Question qui se pose alors : que fait-on pour tous ceux et celles qui ne paient pas l’impôt sur le revenu ? Si on ne répond pas à cette question, alors la pratique du vélo s’enfermera dans un entre-soi de couches moyennes, très exactement ce que nous ne voulons pas… On instaure un chèque vélo d’un montant équivalent à la réduction d’impôt ?

Parce que la planète chauffe, parce que cette réalité détermine des priorités, des urgences absolues à tout le monde sur la planète entière, la priorité aux transports en communs, la priorité aux transports doux, priorité au vélo donc s’impose.

Le mouvement doit être général. Y compris dans le monde économique, le monde de l’entreprise, le monde du travail… On doit quitter l’option de l’incitation fiscale à laquelle on peut très bien renoncer. Ce qui équivaut, comme le principe du pollueur-payeur, à accepter les « permis de polluer ».

8) VAE et chèque réparation

Oui, le « vélo électrique » peut avoir son rôle à jouer : déplaçant une masse plus de dix fois inférieure à celle déplacée par une voiture, il permet aux personnes rencontrant de petits problèmes de santé de poursuivre leur pratique du vélo. Son achat pourra faire l’objet de subvention.

Oui, un chèque-réparation sera le bienvenu pour tout le monde.

9) L’emploi dans le secteur

Il est certain qu’avec la relance en très grand de la pratique du vélo, l’emploi dans ce secteur va se développer fortement. Mais attention : transports légers légers ne doit pas rimer avec emplois légers, avec emplois précaires. Se développent autour de la pratique du vélo en ville toute une exploitation insupportable chez les livreurs type Uber.

Le vélo c’est sérieux, c’est l’avenir : l’emploi dans le secteur du vélo, livraison, fabrication, réparation, formation doit être exclusivement de l’emploi en CDI ! Et si sous certains aspects c’est la sociabilité, la solidarité, la gratuité et le participatif qui doit régner, dès lors qu’il y a emploi, c’est l’emploi pérenne ordinaire qui doit faire loi !

10) Stationnement bis

Partout où il y a de l’habitat collectif, et tout particulièrement là où il n’y a que de l’habitat collectif, dans les cités, dans les quartiers populaires, il faut développer en grand, de manière volontariste, des garages à vélos. Et les postes de concierge qui vont avec. C’est ainsi que, comme vous le dites justement, nous « créerons de nouveaux cyclistes ».

Et ce n’est pas parce que je suis ouvrier de l’automobile que je me priverai de dire avec vous : « vive la petite reine ! »

6 commentaires sur “Agir pour la généralisation du vélo

  1. jérémy

    Comme il est dit plus haut, pour amorcer une culture/génération vélo, il faut sensibiliser très tôt, faire comprendre que le vélo n’est pas qu’un loisir, qu’il est aussi un très bon moyen de locomotion. Expliquer aussi très tôt qu’un vélo bien attacher est un vélo qui a très peu de chances de ce faire voler.

    Sans parler après des infrastructures adaptées au vélo. J’en parle souvent à mes collègues décourages de venir a vélo justement par manque de pistes cyclables, moyens d’attacher correctement le vélo.

    On y arrive doucement, mais je trouve dommage que des que sa parle vélo, tout prend des lustres à être mis en place.

  2. The Flying Dutchman

    Il y a une chose que je ne comprends pas, c’est pourquoi le candidat Poutou refuserait l’incitation par la fiscalité, sous prétexte que le « vélo » doit redevenir « populaire »… Personne, quelle que soit sa condition sociale, ne serait contre un petit geste fiscal en vue d’une bonne pratique! Plusieurs pays européens le pratiquent, et cela semble très bien fonctionner!

    L’autre problème soulevé par Jérémy concernant les infrastructures absentes, ne doit pas masquer qu’une infrastructure, c’est bien, mais qu’une fois créée, il faut qu’elle soit entretenue… Un grand nombre de pistes cyclables sont dans un état où un automobiliste ne s’aventurerait pas sans un 4×4… Et créer, c’est bien, mais il faut créer intelligemment, pas mettre des lignes blanches sur un trottoir parce que l’on ne sait pas où mettre la piste cyclable; il faut que ce soit des cyclistes qui créent ces infrastructures, en prenant exemple sur ce qui se fait aux Pays-Bas, en Allemagne, ou au Danemark.

  3. just des rigolos

    le courage politique et la crédibilité d’une telle politique serait de mettre un terme à l’industrie automobile mortifère au sens large pour l’environnement et la population….le vélo s’imposerait de lui-même…

  4. moimeme

    Donc si je comprend bien, les transport en communs seront gratuit, mais les vélo toujours payant. C’est comme ca qu’on incite les classe populaire à rouler en vélo?

    Et puis super l’idée des transports en commun gratuit, ça permettra au classe moyenne d’habiter toujours plus loin dans sa banlieue pavillonnaire, et se déplacer quotidiennement sur des dizaine de kilomètres pour rejoindre les transport en commun à l’entrée de la ville qui seront devenue gratuit. Les pauvre eux, de quitter leur banlieue proche, maintenant traversée des migrant quotidiens qui viennent rejoindre en bagnoles les transport gratuit.

  5. Boulaire Catherine

    oui je suis pour le vélo en ville helas à Paris c’est l’anarchie, il va falloir éduquer très tôt les futurs cyclistes car ce que j’en vois c’est du grand n’importe quoi partout jusque dans les jardins sans aucun respect .. quel brouhaha !! vitesse, vitesse .. Danger !!

    Ps vive les transports en communs gratuits .. une mamie .. Paris 13eme

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