Clermont-Ferrand préfère la « solution pognon » à la « solution vélo »

Clermont-Ferrand veut-elle gagner à tout prix le clou rouillé, récompense suprême des municipalités les plus nulles en matière de vélo urbain? L’actualité récente nous apprend en effet que les cyclistes qui circulent sur la voie du tramway seront désormais verbalisés à hauteur de 135 euros.

Circuler à vélo sur les voies du tramway à Clermont-Ferrand vous coûtera 135 euros, nous apprend le journal de la PQR*.

En fait, c’est assez simple. Cette ville qui ne possède pas de réseau cyclable digne de ce nom et un aménagement de la circulation datant des années 1970 est un véritable danger pour les cyclistes urbains. Les rares (et discontinues) bandes cyclables sont squattées par les voitures et quasiment tout le centre de la ville est à sens unique pour les voitures avec deux ou trois voies de circulation…

Résultat: les cyclistes ne se sentent pas en sécurité et roulent sur les trottoirs ou les voies du tramway. Même l’ancien maire de Clermont Serge Godard roulait sur la voie du tram en 2013 lors du lancement du C. Vélo, le vélo en libre service! (Photo). Un bien mauvais exemple… qui lui vaudrait aujourd’hui 135 euros d’amende!

Que faire dans ces conditions? Faut-il développer les aménagements cyclables ou faire baisser la vitesse automobile en ville en mettant les rues du centre à double sens? Faut-il verbaliser les voitures GCUM** qui utilisent les bandes cyclables comme parkings?

Bien sûr que non! Quand on est aussi mauvais en matière de politique cyclable, on va jusqu’au bout dans le pitoyable et on verbalise les cyclistes!

Rouler sur les voies du tramway est interdit aux vélos, voitures ou trottinettes par le code de la route (fait au passage pour les voitures). L’amende est de 135 euros. Sauf que dans la plupart des villes françaises à tramway, il y avait une sorte de tolérance de fait vis-à-vis des vélos.

Cette tolérance était fondée à la fois sur le fait que les aménagements cyclables sont très souvent faméliques dans les villes françaises et en particulier à Clermont-Ferrand et sur le fait que les villes ne respectent pas la loi, en l’occurrence la LAURE (Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie de 1996), qui leur impose de créer des aménagements cyclables à chaque fois que l’on aménage ou refait une rue. Voici l’article 20 de la loi:

À l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. L’aménagement des ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains, lorsqu’il existe. »

Comme la plupart des villes françaises ne respectent pas cette loi, autant faire payer les cyclistes! C’est ce que va faire Clermont-Ferrand, qui ne crée pourtant pas d’aménagements cyclables à chaque « réalisation ou rénovation des voies urbaines« …

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Et pas de bol, on ne pourra pas mettre 135 euros d’amende à Clermont-Ferrand! Par contre, la « tolérance » dont bénéficiaient les cyclistes sur les voies du tramway est désormais finie. Dehors les vélos, allez vous faire massacrer sur les 2 ou 3 voies à sens unique du centre clermontois!

On peut se demander quel est l’objectif d’un tel tour de vis? Apparemment, il est reproché aux cyclistes de « naviguer dangereusement sur les voies, sur le tronçon de l’hyper centre-ville. » Sans doute encore un coup de ces innombrables cyclistes bourrés, les mêmes qui brûlent les feux rouges sans doute!

Le plus triste, c’est que le sujet a déjà été maintes fois étudié. Plusieurs rapports officiels à l’échelle nationale ont montré qu’il n’y avait pas de problème concernant la circulation des vélos sur les voies du tramway. En fait, c’est un non-sujet!

On va donc occuper les forces de l’ordre à faire la chasse aux cyclistes sur les voies du tramway. C’est vrai qu’ils n’ont pas grand chose d’autre à faire. J’imagine l’automobiliste sortant de sa bagnole GCUM sur bande cyclable et prévenant la police: « Monsieur l’agent, intervenez vite, je viens de voir un dangereux cycliste en train de naviguer sur la voie du tramway! »

Tiens saleté de bobo, tu les a bien mérité tes 135 euros!

* Presse Quotidienne Régionale
** Garé Comme Une Merde

8 commentaires sur “Clermont-Ferrand préfère la « solution pognon » à la « solution vélo »

  1. Phanou

    Merci pour l’article.

    Dans la bêtise des aménagements Clermontois, en plus du centre ville, l’accès au campus universitaire des Cezeaux à vélo est rendu quasi-impossible sans passer par la voie de tram, grâce à des plots en plastique posés au milieu de la rue à double-sens qui dessert le campus. Ceux-ci rendent impossible le respect d’un mètre pour doubler, mais les jeunes conducteurs qui vont à l’université ne sont pas prêts à rouler doucement derrière un cycliste… Conclusion : il faut soit se faire frôler sur une rue défoncée, soit risquer une amende de 135€. Qui a dit «sécurité» routière ?

  2. vince

    Clermont-Ferrand une municipalité qui a besoin d’argent ? Et qui imagine les solutions pour faire rentrer des fonds sans fâcher ces chers automobilistes ? Bof bof

    Le Code de route a bon dos : tant qu’on a un texte unique pour réglementer des véhicules faisant 38 tonnes et des personnes de plus de 8 ans à bicyclette on se retrouvera avec de telles absurdités.

     

    Une étude poussée de 2014 qui montre que la cohabitation tram/vélo ne pose aucun souci :

    http://www.territoires-ville.cerema.fr/circulation-des-cyclistes-sur-les-plate-formes-a1422.html

     

  3. Gilles

    Je ne comprends pas le message de Vince.
    Dire qu’il faut un texte pour les cyclistes et un texte pour les automobilistes n’a pas beaucoup de sens, en effet où va être écrit qu’il ne faut pas faire des dépassements dangereux? Dans le texte des cyclistes qui vont être écrasés mais qui concerne spécialement les cyclistes où dans le texte des automobilistes mais qyui ne serait pas concernés par les cyclistes?
    Le code de la route peut tout à fait concerner plusieurs typologies d’utilisateurs de la route, il faut par contre idéalement que les différentes caractéristiques soient mieux prises en compte.
    Dans le cas de Clermont peut être le TA peut il être saisi, notamment pour non respect de la loi Laure si des solutions intelligente semblent ne pas être possible

  4. vince

    Je me suis mal exprimé, dans le Code de la Route le cycliste est rarement identifié comme tel.

    En l’occurrence un article unique indique qu’aucun conducteur ne doit gêner la circulation des « matériels circulant sur voie ferré » (art R422-3).

    Nulle distinction n’est faite entre le poids lourds et la bicyclette. Tant que le vélo est assimilé par le code de la route à un véhicule comme un autre on se prendra les mêmes prunes que les voitures.

  5. Pierre Virlogeux

    Il y a déjà des différences dans le code de a route entre différents types de véhicules : 2 exemples qui concernent le vélo : les double sens cyclables et l’autorisation de tourner à droite ou d’aller tout droit pour les vélos au feu rouge si il y a le petit panneau avec la flèche à condition de laisser la priorité aux piétons qui traversent. Ces aménagements du code de la route pour les vélos ont été obtenus de haute lutte par la FUB.

  6. Gwen

    Pierre : les double-sens cyclables et le « cédez-le-passage cycliste au feu » n’existent pas dans le Code de la route. Ce sont, respectivement, de simples chaussées à double sens de circulation dont une voie est réservée à une catégorie de véhicules et une signalisation destinée à certaines catégories de véhicules (R. 415-15). La signalisation, pour ce qui est concerné ici les panonceaux M9v et M12, est décrite formellement dans l’arrêté de novembre 1967 et en détail dans un autre recueil de textes, l’instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR). Il y a également d’autres textes sur l’éclairage des véhicules et la conformité des cycles.

    Depuis sa création, le Code de la route a subi plusieurs réformes, en 1958 où il a été codifié et en 2001 où il a vu sa nomenclature totalement reprise. Pour autant, si on prend le temps de le lire, on se rend vite compte que ce n’est qu’un empilement informe de textes, avec plein de cas non couverts voire des débuts d’incohérences. Quelle cohésion peut avoir un texte qui traite à un endroit de la largeur maximale des véhicules et à un autre de la couleur des catadioptres de pédales ?

    Je pense que ce que suggère Vince a du sens : comment trouver des formulations concises, claires et accessoirement valables juridiquement pour des véhicules si différents tels qu’un autobus ou un vélo ? Séparer différents recueils ou « codes » par catégorie aurait le mérite de la cohérence. Bien sûr, ça aurait aussi la difficulté de la connaissance des uns des codes des autres, mais ça, ce n’est pas un souci de loi mais de formation. Le problème est bien connu puisqu’on en est toujours, pour certains, à devoir « serrer à droite » voire à « rouler sur le trottoir »…

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