Jumbo Vélo

Bon, on va parler du sujet qui fâche, à savoir la place laissée aux vélos dans les trains TER de la SNCF. Avec le succès conjoint du TER et du vélo pour les déplacements dits du quotidien, en l’occurrence très souvent les déplacements domicile-travail, il est parfois difficile de faire cohabiter vélos et voyageurs dans des trains TER souvent remplis, pour ne pas dire bondés.

On ne pourra pas traiter ici tous les cas de figure, beaucoup trop nombreux, en fonction du type de matériel utilisé ou des liaisons ferroviaires concernées. Car, selon les rames, l’organisation et la place laissée aux vélos sont variables et selon les liaisons ferroviaires, la situation est plus ou moins tendue.

Ce qu’il faut rappeler, c’est que la conjonction TER + vélo est réellement magique. Vous rejoignez la gare depuis chez vous à vélo, vous mettez votre vélo dans le TER, puis vous terminez votre déplacement à vélo jusqu’à votre destination finale. Ce système combine les bienfaits de la pratique du vélo (faible coût, activité physique, pas de pollution, etc.) et les avantages du train (coût modeste pris en charge à 50% par l’employeur, ponctualité malgré les discours des éternels mécontents, sérénité avec la possibilité de lire dans le train par exemple, etc.).

L’autre avantage d’un tel système de transport tient dans le fait qu’il s’agit d’un véritable porte-à-porte de chez soi à son travail. Sans avoir à stresser dans les embouteillages, pas de difficulté non plus pour se garer une fois arrivé à destination).

Pour les plus chanceux, il est même possible de cumuler remboursement de 50% de l’abonnement TER par l’employeur et Indemnité Kilométrique Vélo (pour la partie du trajet faite à vélo). Nous avions déjà pu voir que dans certains cas cela permet d’obtenir un coût global du déplacement domicile-travail proche de… 0 euro!

Tout ceci explique sans doute pourquoi beaucoup de TER sont aujourd’hui de plus en plus pleins, malgré certains discours gouvernementaux sur le fait que les gens seraient excédés et ne prendraient plus le train.

Et quand il y a du monde dans le TER, il devient parfois difficile d’y mettre son vélo. En général, la plupart des TER ont en France un wagon à l’avant ou à l’arrière, voire les deux, permettant d’accueillir 5 ou 6 vélos, comme sur la photo ci-dessous.

Comme on peut le voir, ce système est adapté quand il n’y a pas trop de monde dans le train. Car, dans le cas contraire, les voyageurs utilisent les sièges rabattables et les places pour vélos disparaissent. Et, rapidement, des conflits d’usage peuvent voir le jour, entre voyageurs qui veulent logiquement s’asseoir et cyclistes qui veulent logiquement trouver une place pour leur vélo.

Emplacement vélo dans une rame TER Picardie (photo Wikipédia)

Plus grave, une nouvelle génération de rames TER tend à se généraliser en France depuis quelques années, le Régiolis (photo ci-dessous). Ces nouveaux TER possèdent moins de places pour les vélos, ce qui suscite la colère de nombreux cyclistes.

Emplacement vélo dans une rame Régiolis (photo Rue89)

Ce nouveau système ne permet de prendre que trois vélos au maximum, empilés les uns sur les autres, ce qui suscite des problèmes quand on veut sortir son vélo et qu’il est situé tout au fond. Par ailleurs, à l’heure de pointe, les vélos débordent sur les parties communes et les espaces de circulation, provoquant la gêne des usagers et des cyclistes.

On peut quand même s’interroger sur les choix de la SNCF et des régions qui mettent en place de telles rames alors que la pratique du TER + vélo est clairement en hausse depuis quelques années.

Apparemment, il s’agit d’un choix assumé et délibéré consistant à décourager le transport des vélos dans les TER. L’idée serait d’inciter les cyclistes à posséder deux vélos : un à la gare de départ, et l’autre, à la gare d’arrivée. Cette pratique est courante en Suisse ou en Allemagne. Elles sont gentilles les régions et la SNCF, mais dans ces pays, à la différence de la France, il y a de très vastes et sécurisés parkings vélo dans les gares! Donc, avant de pousser les gens à avoir deux vélos pour ne pas avoir à le mettre dans le TER, il serait peut-être nécessaire de construire des parkings vélo de qualité!

Personnellement, j’ai résolu la question en utilisant un vélo pliant. Quand il y a peu de monde, je l’attache ou je le pose là où il y a de la place et dès que cela se remplit, je le plie et le transporte comme un bagage à main. L’intérêt d’un vélo pliant tient aussi dans le fait qu’il est en général moins lourd et moins encombrant qu’un vélo normal.

Ceci dit, les vélos pliants étant quand même plus chers que la moyenne et tout le monde ne voulant pas forcément un vélo pliant, il y a désormais de plus en plus souvent un problème de place pour les vélos dans les TER.

Sur certaines lignes, durant la saison estivale propice au cyclo-tourisme, le problème devient parfois tellement aigu que les contrôleurs refusent les vélos, provoquant parfois des débuts d’émeute sur les quais.

Dans certaines régions, le problème semble avoir été pris en compte avec la mise en circulation durant l’été d’un matériel ferroviaire adapté permettant de faire circuler de nombreux vélos. C’est ainsi le cas dans les Pays-de-la-Loire, où un ancien fourgon postal des anciens trains Corail avait été acheté en 2011 puis rénové par les deux régions Centre et Pays de La Loire afin d’assurer la circulation des vélos durant l’été.

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Selon le site de l’AF3V Centre-Val de Loire, ce Train Vélo Loire connaît un grand succès depuis 2011. En 2014, ce sont 8636 vélos qui ont été chargés. Deux agents SNCF réceptionnent les vélos par des goulottes puis assurent leur rangement (photo ci-dessus). Le cycliste peut alors entrer dans la voiture voyageurs attenante sans se soucier de son matériel. Tous les types de vélos sont acceptés mais ne doivent pas dépasser la taille du tandem. La capacité maximale est de 37 vélos pour ce fourgon vélo, mais il y a d’autres places gratuites tout au long de la rame habituelle Interloire (six places au total). Ce qui encourage les responsables régionaux, c’est la grande satisfaction des usagers: elle se situe aux alentours de 99% des personnes sondées.

Fourgon vélo du Train Vélo Loire (photo AF3V Centre-Val de Loire)

Comme on peut le voir, on est un peu dans le bricolage, avec la récupération d’un ancien wagon Corail destiné à l’origine au trafic postal! Ceci dit, cela semble fonctionner et si les usagers sont contents… Par contre, si un tel système peut être adapté au transport des vélos en mode loisir-tourisme, cela semble peu crédible dans une optique déplacements domicile-travail.

La mauvaise nouvelle, c’est que ce système a pris fin en 2017. La bonne nouvelle, c’est qu’on va désormais changer d’échelle avec la mise en place d’un tout nouveau matériel pensé dès l’origine pour le vélo ou presque.

TER « Jumbo Vélo »

La Région des Pays de la Loire a en effet fait l’acquisition de 13 Régio2N V200 (photo ci-dessus). Premier matériel régional automoteur électrique à deux niveaux apte à rouler à la vitesse de 200 km/h en France, il sera en plus doté de l’option « Jumbo Vélo » qui lui permettra d’embarquer 50 vélos ! Il fera ses premiers tours de roue sur la desserte Interloire au second trimestre 2018.

Ce matériel de nouvelle génération comporte 501 places assises, soit près de 50 % de plus que la plus capacitaire des rames actuellement en circulation en Pays de la Loire. Ses caractéristiques uniques en font un véritable matériel « couteau suisse », lui permettant d’assurer des liaisons intervilles rapides comme des dessertes périurbaines.

La Région des Pays de la Loire finance l’acquisition de 13 rames de ce type pour un montant de 159 millions d’euros. En configuration standard, chaque rame proposera 9 accroches vélo permanentes.  Mais pour assurer le service Train Vélo Loire et proposer une capacité d’emport très supérieure, il a été demandé au constructeur Bombardier de développer une option très innovante, permettant d’augmenter significativement le nombre d’emplacements vélos en retirant des sièges durant l’été. Un choix technique totalement inédit.

La configuration « Jumbo Vélo », pour laquelle la Région a investi 3 millions d’euros, consiste à déposer un total de 84 sièges dans la rame, pour les remplacer par 41 emplacements vélos supplémentaires. Dans cette configuration, chaque rame Régio2N V200 pourra transporter 50 vélos ! Les cinq rames concernées seront transformées en début et en fin de saison, en centre de maintenance.

Et pour accompagner les importants flux de voyageurs et de cyclotouristes rencontrés lors des grands week-ends estivaux, les Régio2N V200 en configuration Jumbo Vélo pourraient également circuler en unité double.

Comme on peut le voir, il s’agit d’une solution adaptée par rapport aux possibilités modulables offertes par ce matériel ferroviaire. Elle répond essentiellement à un besoin saisonnier lié au trafic vélo durant l’été dans les Pays-de-la-Loire.

Ceci dit, une telle solution a de quoi faire rêver beaucoup de cyclistes pendulaires qui utilisent le TER tous les jours. Imaginez un seul instant que le TER qui vous prend tous les matins possède 50 places de vélos! Comparez avec votre TER habituel et… pleurez!

Certains diront peut-être que 50 places de vélos, c’est trop pour un TER « normal » dans le cadre des déplacements intervilles ou de dessertes périurbaines, avec le risque qu’une bonne partie de ces places restent vides.

Mais, il faut à un moment donné savoir ce que l’on veut. Si on souhaite développer réellement la pratique du vélo urbain, en particulier pour les déplacements domicile-travail, il faut créer une offre attractive qui passe par la garantie donnée aux usagers qu’ils pourront chaque matin mettre sans problème leur vélo dans le TER.

En matière de transport, une réelle politique de l’offre peut faire la différence. Construisez des autoroutes et les gens… prendront leur voiture! Faites circuler des TER « Jumbo vélo » et les gens… prendront leur vélo!

3 commentaires sur “Jumbo Vélo

  1. emmp

    Et transporter un vélo n’est pas difficile qu’en train… Dans mon coin, aucun car n’est équipé pour en transporter, alors que ce serait là aussi un bon moyen de combiner les transports et de réduire l’utilisation des ouatures. Il suffirait par exemple de placer une plaque porte-vélo derrière chaque car (pas besoin d’acheter des cars spéciaux). Mais peut-être devrais-je dire qu’il suffirait de vouloir, et je ne sens pas cette volonté du côté des décideurs. Là aussi, le vélo pliant est une solution.

  2. Axelos

    Coucou,

    C’est un sujet intéressant, mais y a-t-il des plans ou de la documentation un peu technique qui décrit ces rames  « Jumbo Vélo »?

    Cela pour but de voir si je peux promouvoir au niveau régionale (Grand Est)  l’usage de ce type de rame. Suite à une rencontre publique l’année dernière, la région nous a bien fait comprendre qu’il n’y a aucune volonté de développer le transport des vélos dans les rames; ils veulent plutôt que les usagers aient deux vélos … sauf que comme évoqué dans l’article la majorité des gares ne sont pas équipés de parking sécurisé.

    Concernant toujours la région Grand Est, il y a tout de même cette approche de vélos dans les rames pour un usage touriste (donc les fins de semaines), mais reste aussi l’accessibilité aux quais, or quelques rares gares, généralement seul l’accès des piétons (avec généralement les PMR mais pas toujours) ont été pensés, donc assez difficile en vélos, surtout de voyage. Là aussi il n’est pas prévu d’amélioration.

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