Comment les Pays-Pas ont développé le vélo

Je souhaiterais vous faire partager un évènement auquel je me suis intéressé récemment et qui raconte comment les Pays-Bas ont commencé progressivement à réaliser des aménagements cyclables. Cette histoire, je l’ai lue dans le livre de Peter Walker intitulé « Bike Nation » (sous-titré « how cycling can save the world »).

Le 14 octobre 1971, le journaliste Vic Langenhoff perd Simone, sa fille de 6 ans et demi, percutée par une automobiliste alors qu’elle se rendait à vélo à son école du village de Helvoirt.

Dévasté par ce décès et enragé de voir la personne responsable sanctionnée uniquement d’une amende de 150 guilders (qui correspondraient à 25€ aujourd’hui), il décide de mettre en avant les conséquences de la culture d’après-guerre par le biais de son journal local De Tijd.

Les 20 années précédentes (1950-1970) ont vu quintuplée la part de l’automobile et explosé le nombre de tués sur les routes, notamment pour ceux qui se déplacent à vélo. On en comptait 1 000 en 1950 contre 3 300 en 1971 dont 450 enfants, et parmi lesquels, Simone.

Le 20 sept. 1972 Vic annonce dans De Tijd la création d’un groupe de pression citoyenne nommé «Stop de Kindermoord» (traduit par «Stop au massacre d’enfants») . Son but: casser l’indifférence avec laquelle la société accepte la mort de 450 enfants tous les ans sur la route.

Vic s’adresse directement aux gouvernements régionaux « qui choisissent de faire 1km d’autoroute plutôt que 100km de pistes cyclables sécurisées » à destination de ceux qui, comme Simone, n’ont pas d’autre choix que de pédaler ou de marcher.

Stop de Kindermoord est rapidement devenu un mouvement de protestation massif dans tout le pays. Des actions-choc ont été organisées.

L’écoute progressive des autorités a été accélérée subitement au moment du choc pétrolier de 1973 qui a remis en cause le modèle de développement centré autour de la voiture jusqu’ici.

C’est ainsi que des pistes cyclables ont été aménagées petit à petit à partir du milieu des années 1970 et que, graduellement, les habitants ont ré-enfourché leur vélo pour les utiliser.

Cette crise pétrolière mondiale a eu un écho retentissant aux Pays-Bas puisque les décideurs ne se sont pas contentés d’aménager des infrastructures cyclable. Dès 1973, le gouvernement déclare le dimanche journée sans voiture afin de préserver les réserves de pétrole.

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Les 3 millions de voitures individuelles du pays n’avaient tout simplement pas le droit de circuler sous peine d’amende. La mesure a été mise en place pendant un an et a participé à changer les mentalités alors très autocentrées.

C’était l’occasion de démontrer par les actes la viabilité d’une société moins dépendante du pétrole, de faire appel à la créativité pour réinventer les pratiques de l’espace public. Ça a donné des choses assez extraordinaires.


Quatre cavaliers dans les rues d’Amsterdam. (Source: Gizmodo)


Pique-nique sur l’autoroute. (Source: Gizmodo)


Une piste cyclable géante. (Source: Gizmodo)

40 ans plus tard, ce sont 30% de tous les trajets qui sont fait à vélo aux Pays-Bas (2% en France). La voiture n’a pas été bannie pour autant et le taux de motorisation aux Pays-Bas est équivalent à celui du Royaume-Uni par exemple.

Les gens ne la prennent que pour les usages qui sont les plus pertinents. Les voitures sont systématiquement séparées des vélos grâce à un réseau de plus de 30 000 km de pistes cyclables afin de permettre à tout le monde de les utiliser en toute sécurité.

Désormais la mortalité sur les routes hollandaise est de moins de 600 chaque année dont moins d’un tiers concerne des cyclistes et on ne déplore plus qu’une dizaine d’enfants tués sur les routes.

Quant à la petite route de campagne qui a vu la mort de Simone Langenhoff, elle ressemble toujours à la description qu’en avait fait son père dans De Tijd: étroite, pavée et bordée de chênes. Mais il y a aussi une piste cyclable derrière les arbres et de chaque côté de la route.

https://twitter.com/GospodMedved

5 commentaires sur “Comment les Pays-Pas ont développé le vélo

  1. Vincent

    > Dès 1973, le gouvernement déclare le dimanche journée sans voiture afin de préserver les réserves de pétrole.

    Mmm… Comme les Pays-Bas n’ont jamais produit beaucoup de pétrole — contrairement au gaz, grâce au champ de Groningen —, on peut douter que ça ait joué.
    En revanche, l’embargo particulièrement fort que le pays a subi de la part de l’OPEP, du fait du soutien des P-B à Israël — a sûrement permis d’ouvrir les yeux sur l’extrême dépendance au pétrole.

    Ceci dit, faute d’alternative valable sans un retour en arrière assez net en terme de mode de vie, le pétrole assure toujours plus de… 95% du transport dans le monde — et probablement pas beaucoup moins aux Pays-Bas vu le taux de possession de voiture (mais je n’ai pas de données sous la main).

  2. pedibus

    on aimerait qu’une prise de conscience collective des méfaits sanitaires de la bagnole, du simple fait de l’inactivité physique qu’elle entraîne – avec les comorbidités et leur mortalité spécifique – soit à l’origine d’une inflexion équivalente, avec des choix politiques guidés par un retournement radical de l’opinion…

  3. Jeanne à vélo

    Pour prolonger le commentaire de Vincent, je serais curieux de connaître la consommation de pétrole des Pays-Bas rapportée au nombre d’habitants dans une comparaison avec ses voisins européens. Y a des données ouvertes là-dessus au niveau européen ?

  4. jean-louis seuzaret

    @ jeanne à vélo

    Voici ce que j’ai trouvé:

    https://www.indexmundi.com/g/r.aspx?v=91000&l=fr

    classement surprenant les pays bas serait juste derrière les états unis avec une consommation par habitant double de celle des français!

    Ceci dit tout le pétrole consommé ne sert pas qu’à la voiture, il ya aussi le chauffage, la pétrochimie… Comment a été établi ce classement et quelle est sa fiabilité? Je n’en sais rien.

  5. pedibus

    l’agriculture chimique et l’élevage idem hors sol doivent également contribuer de façon non négligeable à la conso per capital des énergies fossiles…

    bref l’empreinte – et l’emprunt carbone pour les générations futures… – sont dignes d’un habitant d’Amérique du nord :

    la seule différence, l’usage intensif de la bicyclette, ne saurait sauver le reste…

     

    Restons toutefois nuancés : en 2014 l’empreinte batave (9.9) – en tonne métrique de GES équi C –  est intermédiaire à celle de la France (5.8 – avec la contribution négative du nucléaire…), de l’Italie (5.3) ou encore de l’Espagne (5.0) et des Etats d’Amérique du nord (15.1 – 16.5)  : source Banque Mondiale :

    https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?view=chart

     

     

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