Un roquet Rugy à l’écologie

De mieux en mieux ou de pire en pire, c’est selon… Dans la suite de notre analyse sur la fonction mortifère du ministère de l’écologie, s’il s’agit de confirmer notre thèse, c’est de mieux en mieux; mais comme celle-ci prédit le pire c’est aussi de pire en pire avec la nomination de François de Rugy à l’écologie.

Côté clique « En marche », tout baigne avec une belle opération tiroir. Macron, par cette nomination, fait d’une pierre deux coups: il libère le poste de Président de l’Assemblée Nationale pour Richard Ferrand, l’éminence grise de la « macronie » fraichement blanchie par la justice et s’assure les coudées franches en devenant le chef machiniste de la casse environnementale en France.

Dans cette reconfiguration gouvernementale et parlementaire l’homme clef de l’écologie bleu-blanc-rouge sang devient Gérard Collomb, le ministre désinhibé de la répression musclée, comme on l’a vite constaté à NDDL et à Bure. Mais, aux dernières nouvelles, il semble que l’intéressé montre quelques signes de lassitude à son poste. Il a, en effet, déjà beaucoup trop donné dans la bastonnade dans les Zad en un an de mandat Macron. Grand âge aidant, il voudrait rendre le tablier et refourguer le gourdin républicain pour retrouver une routine paisible de potentat local dans son fief à Lyon. Début septembre, il frappait encore à Strasbourg sur la Zad du GCO, le vieux projet climaticide de Grand Contournement Ouest de la ville, confié encore une fois à Vinci (1).

Après la découverte du nouveau pensionnaire au ministère de la transition écologique, il nous faut rajouter un épisode et conclure notre brève série de l’été.

Le panier de crabes dégénérés d’EELV

De Rugy à l’écologie, nous n’en demandions pas tant pour confirmer notre thèse. Que dire du nominé ? Rien de transcendant. Heureusement pour nous, le travail est déjà fait. Le personnage fut en effet suivi à la trace durant sa carrière politique par un journaliste écologiste, Fabrice Nicolino. Ce qui simplifiera grandement la tâche pour la suite de notre série. La réussite politicienne fulgurante de de Rugy est due à son sens aigu de l’opportunisme. Français de Rugy n’est pas sorti de la cuisse à Jupiter, mais de la dégénérescence politicienne d’EELV.

Au début des années 1990, de Rugy, très précoce, débute sa carrière politique dans les rangs des écologistes. Par la suite, il se fait remarquer par des prises de positions franchement anti-écologiques, dans l’idée de décrocher un poste de ministre durant le quinquennat Hollande; puis, après le résultat de la primaire citoyenne de 2017, il s’empressa de quitter l’équipée Rose-Verte en perte de vitesse pour la clique « En marche ». Avec sa nomination par Macron il finit donc sa trajectoire au poste convoité, mais désormais il devra exceller dans le greenwashing de la casse environnementale lancée au pas de charge par la clique « En marche ».

Faisant un tir groupé sur la clique dirigeante dégénérée d’EELV, Fabrice Nicolino résume la pourriture: « Si eux sont écologistes moi je ne le suis pas et inversement (2). » Pas besoin d’en dire plus sur ce produit politicien typique du parlementarisme 5e République.

Du panier à crabes carriéristes CAC 40 compatibles qu’était devenu EELV dans les années 2000, d’autres ministrables ont eu une trajectoire moins brillante. En première ligne, bien placé avec toutes les qualités requises pour le poste, on peut citer le Chevalier de l’Ordre national du Mérite, Monsieur Jean-Vincent Placé. On sait qu’il avait très vite manifesté un souhait de rejoindre les rangs de la clique « En marche ». L’attente, le désœuvrement puis sa sortie de route en état d’ivresse dans la nuit du 4 avril 2018 le mettent momentanément sur la touche. La République devra patienter pour bénéficier du dévouement de son Chevalier servant…

Clore encore le cas Hulot

En définitive, pour le poste stratégique de la casse environnementale, représenté depuis l’An 2000 par le ministère de l’écologie, Nicolas Hulot fut une grossière erreur de casting. De l’avis général, mais surtout pour la paix des âmes charitables de ses amis du CAC 40, il a semblé préférable de limiter au plus vite la casse. Au début de l’été, son départ s’imposait en urgence afin de préserver intacte l’image de marque de l’icône écolo tricolore.

Après ce sauvetage de dernière minute, celui qui avait fini par incarner l’écologie (médiatique et officielle) en France peut désormais limiter ses prestations de bons sentiments et de déplorations à l’espace médiatique ou l’univers du show business vert.

Dans le même registre d’analyse et parfaitement conscient de la situation, pour sauver l’hélicologiste du crash médiatique terminal, Dominique Bourg, l’ex-pape (repenti) du « développement durable » avait, dès janvier 2018, conseillé à son ami de quitter le ministère. Car du côté de l’environnement, l’arrivée au pouvoir du fanfaron Macron, l’homme décomplexé du CAC 40, ne présageait rien de bon sur le quinquennat.

Après le conseil marketing avisé de Bourg, Nicolas Hulot a mis seulement sept mois pour s’apercevoir de son faux-pas et, en rechignant à quitter l’équipée pressée de la clique « En marche », il finit par se décrédibiliser puis se ridiculiser, y compris aux yeux de la presse nationale officielle.

La tension de l’été et sa démission à retardement nous avaient amené à rédiger deux articles sur la dégradation rapide de la situation environnementale en France et le rôle mortifère du dit ministère de l’écologie (3,4). L’épisode Hulot – son entrée et sa sortie – nous confirmait à la fois le stade crépusculaire du droit environnemental en France et le rôle de fossoyeur de l’écologie assumé justement par le ministère de l’écologie.

Ce mode opératoire qui consiste à donner au bourreau le nom de ce qu’il doit détruire sans état d’âme a été parfaitement décrit par le philosophe Bertrand Méheust avec le concept de « politique de l’oxymore ». En clair: ne pas faire d’impasse, occuper sans cesse l’espace médiatique, la casse environnementale, impose la mise en scène soignée d’un grand ministère de l’écologie.

Hulot clôt le cycle des fossoyeurs et de Rugy ouvre celui des potiches du greenwashing. Sous le régime de la clique « En marche » l’écologie passe sous la coupe exclusive du ministère de l’intérieur. De ce point de vue, le quinquennat Hollande fut une période de flottement et de transition, le quinquennat Macron, dont les jalons de plomb furent annoncés sous Hollande, s’est d’emblée inscrit sous le signe du crime d’écocide décomplexé.

En finissant notre précédent article sur les péripéties estivales au ministère de l’écologie nous établissions les éléments du casting et la mission du futur candidat pour le portrait-robot de l’homme susceptible de satisfaire et durer au poste de ministre. L’heureux nominé devait: soit se contenter d’un rôle de potiche complaisante envers le CAC 40, soit s’affirmer fer de lance de la casse environnementale en France. Pour cadrer au mieux le personnage avec notre analyse de l’orientation politique de la clique « En marche », tout en restant dans le feuilleton de l’été, nous proposions symboliquement Benalla pour remplacer Hulot. Mais nous restions très en deçà de la gravité de la situation. Pour l’écologie parlementaire, Macron n’a besoin que d’un caniche inoffensif dans sa niche ministérielle. L’écologie de terrain « En marche » au pas de charge avec les CRS aux côtés des chasseurs relève désormais du ministère de l’intérieur. Le 1er Mai, Benalla se mettait en jambes… et en bras pour l’écologie façon Macron…

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En proposant le chef du service d’ordre officieux de Macron on voulait simplement signifier que pour satisfaire au profil du poste de ministre de l’écologie il fallait au minimum ne rien comprendre à l’écologie et au mieux manifester quelques velléités de casseur au service du projet politique de la clique « En marche ». Bien évidemment, après sa prestation remarquée de mai ressortie en juillet et avec la presse aux trousses, le proche du « premier de cordée » ne pouvait plus être choisi, ni à l’écologie de salon ni à celle de terrain.

Mais tout compte fait et pour clore sur une note écologiste avec la vedette de l’été, il faut constater que Benalla, avec ses gros bras, n’est qu’un enfant de cœur en regard de Collomb, avec ses gaz de combat. Si la presse unanime s’appesantit inutilement sur le cas Benalla, l’énergumène du président, du point de vue qui nous préoccupe c’est bien ce qui s’est passé à NDDL et à Bure qui augure le pire sur le quinquennat pour l’écologie et aussi la démocratie. Par ce deux poids deux mesures, la presse entérine le fait qu’un crime d’écocide peut parfaitement être acceptable s’il s’opère dans cadre des procédures légales de la République.

De Hulot à de Rugy

L’affaire n’a pas été simple. Avec l’expérience de deux décennies, la tendance était claire, on savait dans quel sens orienter nos recherches: celui de la surenchère vers le pire… Mais qui accepterait après Hulot un ministère désormais démasqué dans sa logique mortifère ? Pressenti un bref instant pour le rôle facile de potiche bavarde, Cohn-Bendit a décliné l’offre de son copain Macron. Nettement mieux que Hulot, Cohn-Bendit a le sens médiatique de l’image de marque. Icône officielle vivante de « mai 68 », il se devait de le rester. En conséquence il lui était tout simplement impossible de se compromettre dans un rôle bien compris de fossoyeur de l’écologie. Pour la clique « En marche » le héros de mai se met en réserve pour un poste bavard de parlementaire à Bruxelles.

Le Canard enchainé du 5 septembre 2018 nous livrait la liste exhaustive des « succédanés » potentiels d’Hulot: des ex-ministres de l’écologie, des sous-ministres et secrétaires d’Etat, donc tous CAC 40 compatible… En tout une dizaine de personnes ont vu leur curriculum vitae passer au peigne fin. Parmi les noms connus, citons: Alain Juppé, très bref ministre de l’écologie d’un mois sous Sarkozy, Chantale Jouanno, secrétaire d’Etat à l’écologie toujours sous Sarkozy, Ségolène Royale qu’on ne présente plus, Laurence Tubiana, l’ambassadrice de France à la COP 21 de 2015 et Pascal Canfin ex-ministre sous Hollande et actuel président du WWF. Finalement c’est de Rugy qui fut l’homme de Macron pour tenir le rôle de caniche dans sa niche ministérielle.

Après coup, il est évident qu’aucun autre choix n’était possible, le carriérisme de de Rugy est une garantie de fidélité pour le gouvernement Macron. Comme aimait à le dire un vieux routier en retraite de la politique française, Jean-Pierre Chevènement: « un ministre ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir ça démissionne. » Pas de risque de coup d’éclat avec de Rugy.

Que dire des autres sur la liste? Beaucoup de choses, mais abrégeons: Juppé, une erreur de casting, il a plus la gueule d’un chef de meute que d’un roquet. Royale rêvait du poste, mais qui peut encore se la farcir? Jouanno avec son concept ad hoc « d’écologie de droite (techno-nucléaire) » n’y pige rien à l’écologie, comme de Rugy, elle aurait pu faire l’affaire. Rappelons ici que pour accélérer sur sa trajectoire vers la droite néolibérale, de Rugy a cru bon en 2015 de montrer patte blanche en publiant un livre de recentrage « Ecologie ou Gauchisme, il faut choisir !« . Si la vieille garde écolo sombrait dans son naïf « ni-ni » (ni droite ni gauche), de Rugy désinhibé rejoignait Jouanno pour une « écologie de droite » décomplexée. Tubiana, professeur à Science Po, papesse (non repentie) du « développement durable » fait une brillante carrière sur le changement climatique. Évoluant dans les hautes sphères de l’atmosphère, elle n’est pas assez cruche pour accepter un poste de potiche au service de la clique « En marche ». Pour elle et son aura internationale, ce poste de sanctification de la politique climaticide façon Macron aurait été un piège mortel. Le risque de se décrédibiliser à jamais au sein de l’aréopage des scientifiques gravitant autour du climat est évident et donc inacceptable pour elle… Reste le Pascal Canfin…

Le cas Canfin pour le mot de la fin

Dans cette liste de vedettes passablement défraichies de l’écologie officielle française, le cas Canfin fait exception et, pour abonder dans le sens de notre thèse, il est intéressant à noter.

CAC 40 compatible (comme tous les autres), jeune et dynamique patron d’une fondation spécialisée dans le compagnonnage du greenwashing des grandes entreprises et largement ministrable par ses états de service sous le quinquennat Hollande, Canfin est malgré tout encore trop écolo pour intégrer le gouvernement Macron. Comme on l’a découvert récemment, le « premier de cordée » de la clique « En marche » a besoin des chasseurs pour se maintenir au sommet et ce deal politicien mesquin a rapidement tranché le cas Canfin.

Par quelques-unes de ses prises de position sur la faune sauvage de l’Hexagone le patron du WWF est susceptible de nuire à Macron. Comme le rappelle le Canard enchainé, Canfin est pro-ours dans les Pyrénées et pro-loup dans les Alpes, deux bêtes noires qu’exècrent les chasseurs… Pour le patron d’une association naturaliste, même converti au capitalisme de compagnonnage des grandes entreprises, c’est un minimum: dénoncer la mise à mort des espèces protégées… C’est trop pour Macron.

Avec la nomination de de Rugy on sait désormais que « le premier de cordée » n’a besoin que d’une chique molle pour boucher le trou du départ d’Hulot et elle doit être capable d’accepter sans broncher tous les sacrifices.

Décidément, après le passage d’Hulot au ministère de l’écologie, tout s’éclaire d’une lumière crépusculaire. Pour ce ministère de la dite « transition écologique » il n’y a plus l’ombre d’une place pour l’écologie. CQFD. C’est au final ce qu’on voulait démontrer depuis notre premier article: « l’âge d’or du droit environnemental et son crépuscule. »

JMS
Fin septembre 2018

(1) Marcel Robert, Carfree : « Vous reprendrez bien un peu d’autoroutes »
http://carfree.fr/index.php/2018/09/11/vous-reprendrez-bien-un-peu-dautoroutes/
(2) Fabrice Nicolino, Planète sans visa, Sur François de Rugy, nouveau ministre (7e épisode), le 4 septembre 2018: « Je sors de mes cartons électroniques quelques vieilleries écrites ici, sur Planète sans visa, à propos de François de Rugy, notre nouveau ministre de l’Écologie. »
https://fabrice-nicolino.com/?p=4656
(3) L’Age d’or du droit environnemental et son crépuscule.
http://carfree.fr/index.php/2018/08/22/lage-dor-du-droit-environnemental-et-son-crepuscule/
(4) Le compteur Hulot est-il remis à zéro ?
http://carfree.fr/index.php/2018/09/04/le-compteur-hulot-est-il-remis-a-zero/

4 commentaires sur “Un roquet Rugy à l’écologie

  1. jol25

    L’écologie est incompatible avec un système industriel. L’écologie ne peut pas être un parti politique, ou en faire partie dans le système actuel. Peu importe le pantin qui porte le titre de ministre de l’écologie, ou autre mensonge du même acabit: les mesures nécessaires sont en totale opposition avec ce que les gens sont prêts à entendre. Donc rien ne se fera d’efficace, de même qu’un écologiste efficace ne sera jamais élu, car, de fait, s’il est sincère, il ne pourrait être que majoritairement impopulaire…

  2. kervennic

    Collomb a eu raison de taper sur les zadistes. Beaucoup ont des bagnoles ou des bus hors d’age super polluant et jamais le probleme du transport n’ a ete evoqué ni au testet ni a NDDL. Par ailleurs ces « neos paysans’ ont souvent des tracteurs et au niveau saccage des sols et pollution diverse on ne comprend pas vraiment ou est la rupture, si ce n’est dans le bla bla.

    D’ailleurs ils n’ont pas bronché lorsque le pouvoir a demandé la reouverture des routes. C’est dire le degres de resistance.

    Bref on est tres loin du niveau de conscience d’autres pays, mais bon on est quand meme bon francais avant d’etre ecolo: on picole, on fume et on conduit. L’essentiel c’est de jouer a la gueguerre, pas d’etre efficace.

  3. vince

    @ kervennic : merci pour ce joli commentaire qui illustre hélas parfaitement ce que disait précédemment notre ami jol25 : nous ne sommes pas prêts à tout entendre.

    Pour corroborer René Dumont disait :  » Une croissance indéfinie est impossible, nous n’avons qu’une seule Terre, mais une civilisation du bonheur est possible. Les solutions existent, mais l’opinion les ignore car les structures actuelles et les détenteurs du pouvoir économique et politique s’y opposent. »

     

     

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