Nous avons encore besoin de pétrole

Selon le journal Le Monde, « la plus grande histoire d’horreur humanitaire du XXIe siècle » a actuellement lieu à Idlib, au nord-ouest de la Syrie. Et ce n’est sans doute pas l’épilogue d’une guerre qui atteint désormais la dizaine d’années, juste un nouvel épisode tragique de ce qui ressemble désormais à une guerre perpétuelle.

En fait, pour être précis, c’est l’ONU qui parle de « la plus grande histoire d’horreur humanitaire du XXIe siècle. » Le nombre d’habitants de la province d’Idlib déplacés par les combats depuis le mois de décembre 2019 atteint désormais 900.000, dont 80% de femmes et d’enfants.

On ne va pas ici se lancer dans un historique, même rapide, de cette guerre civile d’une complexité inouïe aux multiples belligérants, démarrée suite au Printemps arabe de 2010. Tout a déjà été dit, en particulier dans de multiples articles de presse qui viennent périodiquement rappeler l’ampleur d’un drame ayant causé au moins un demi-million de morts, dont sans doute une bonne moitié de civils, en particulier des femmes et des enfants. Les réfugiés que l’on appelle « migrants » et qui fuient des zones de guerre dévastées se comptent quant à eux par millions.

Il faut juste rappeler que c’est cette guerre qui a vu la naissance du Royaume de Daech appelé aussi « État islamique, » qui a pu se maintenir grâce aux ressources pétrolières du pays. En effet, la Syrie possède des réserves pétrolières et gazières importantes, sans compter des oléoducs et autres gazoducs stratégiques entre Moyen-Orient et Méditerranée. Les puits pétroliers sont ici des enjeux importants pour l’ensemble des milices djihadistes régionales, tandis que les oléoducs sont stratégiques pour la sécurité de l’approvisionnement en pétrole.

Tout ceci est une évidence, mais tend souvent à être oublié, en particulier dans les articles de presse qui, avec le temps, tiennent la chronique d’un désastre humanitaire quasi-virtuel et désincarné. A la lecture de nombreux articles, des belligérants s’affrontent, des gens meurent et des civils fuient les combats, sans que l’on sache au bout du compte quels sont les tenants et aboutissants de tout ceci.

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Cette guerre décennale est pourtant toute entière centrée sur les hydrocarbures en général et sur le pétrole en particulier, que ce soit en termes de contrôle des puits afin de financer la guerre ou de mainmise stratégique sur les réserves ou les oléoducs.

En dix années de conflits, des villes entières ont été rasées, parfois plusieurs fois, des provinces dévastées et vidées de leur population, des armes non conventionnelles sont régulièrement utilisées et les crimes de guerre et crimes contre l’humanité sont monnaie courant. Les bombardements indistincts aboutissent enfin à un niveau de destruction sans précédent au XXIe siècle.

Et à ce niveau-là de destruction, on n’est désormais au-delà de la guerre, au-delà de la tragédie humanitaire. On tend désormais plus vers quelque chose qui commence à ressembler à une opération « table rase ». Tout détruire, faire « place nette » pour que quelques multinationales du pétrole viennent au final rafler la mise?

Nous avions eu les guerres du Koweït et d’Irak, la guerre de Syrie s’inscrit dans cette continuité, mais avec une radicalité supplémentaire. Guerre perpétuelle sans objectifs clairement identifiés aux multiples belligérants, depuis les milices religieuses jusqu’aux Etats parmi les plus importants au Monde (USA, Russie, etc.), la Syrie devient une sorte de laboratoire de la destruction pendant que les réserves pétrolières dorment paisiblement dans son sous-sol.

La voiture électrique n’est pas pour demain, nous avons encore besoin de pétrole et il faut donc ménager l’avenir.

Photo: Des familles syriennes déplacées dans un camp à Sarmada, au nord d’Idlib, le 17 février 2020. RAMI AL SAYED / AFP

5 commentaires sur “Nous avons encore besoin de pétrole

  1. ARTHUR VAN NECK

    Bon papier, mais attention, la voiture électrique est une méga saloperie , lire par exemple les articles de Guillaume PITRON;;

  2. Lydie

    Le pétrole

    Cette catastrophe humanitaire dramatique est liée à l’absence d’une volonté et d’une prise de conscience de nous tous de la nécessité de réduire notre consommation du pétrole avec toutes les dérivées qui vont du carburant, aux isolants, aux plastiques, au médical etc…

    L’économie circulaire, la révision de nos déplacements pas uniquement le mode, la réduction des emballages, le zéro déchet, la conception des objets mis à disposition sont des pistes qui aujourd’hui ne sont pas suffisamment intégrées pour réduire notre dépendance au pétrole.

    L’économie, les décideurs, les citoyens mettent une pression très insuffisante pour que nous abandonnions le recours au pétrole.

    Qui boycotte les banques soutenant d’une manière éhontée les investissements dans la recherche pétrolière

    Qui participe activement avec des associations à réduire ses déchets. Aujourd’hui il est possible de les réduire réellement.

    Qui à travers sa manière de consommer prend tous les paramètres vertueux dans son acte d’achat.

    C’est désolant de constater la main-mise des fortunes pétrolières et lobby pétrolier sur le pouvoir décisionnel de la nation. Un constat Lors du dernier budget de l’état, les normes parues récemment la pression fiscale est mise uniquement sur l’automobile sans toucher le pétrole et toutes les dérivées de ce produit.

    Lydie

  3. Vincent

    MR > Il faut juste rappeler que c’est cette guerre qui a vu la naissance du Royaume de Daech appelé aussi « État islamique, » qui a pu se maintenir grâce aux ressources pétrolières du pays. En effet, la Syrie possède des réserves pétrolières et gazières importantes, sans compter des oléoducs et autres gazoducs stratégiques entre Moyen-Orient et Méditerranée.

    Plus que ses ressources en hydrocarbures, qui n’ont jamais été très importantes, et le sont de moins en moins depuis le pic de pétrole en 1996, la Syrie est surtout un point de passage pour des oléoducs et gazoducs en direction de l’Europe pour contourner la Russie… alliée de la Syrie.

    « Dans ce type de situation géopolitique complexe, il est assez courant de voir dans cette variable énergétique le facteur explicatif décisif au cœur de l’évolution des événements sur le terrain, au point de prendre parfois le pas sur toute autre considération et même s’il ne s’agit pas pour autant d’exclure la pertinence de ladite variable énergétique combinée avec d’autres facteurs également importants comme la dimension confessionnelle. »
    https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2014-4-page-95.htm

  4. pedibus

    sûr que l’activité pillarde extractiviste est puissament bélligène,  nécrosociétale et anti-économique même, puisqu’elle empêche un réel développement des sociétés, avec diffusion homogène de la plus-value entre tous ses agents, hors de toutes les captations, souvent elles-même en lien avec le crime… et la marchandise qu’on arrache à la géologie est socio-climaticide… par-dessus le marché (!)

    et pour ajouter à la complexité la Syrie, cette ancienne puissante colonie romaine, est à la confluence d’une myriade de racines historiques des croyances et des civilisations, avec les ressentiments postcoloniaux toujours à vif, où l’on voit de plus deux Etats à passé impérialiste essayer de se niquer profond…

    c’est vraiment beurk cette histoire, sale histoire, au sang noir de pétrole…

  5. ikook

    La guerre qui a lieu en Syrie n’est pas à proprement parler un guerre du pétrole mais plus une guerre fomentée par les américains et certains de leur vassaux crédules pour que ne se concrétise pas ce qu’on appelle en géopolitique « le croissant chiite ». C’est un « jeu » qui consiste à éviter une espèce de connivence économique entre l’Iran, La Syrie et l’Irak. L’Iran a un poids consiérable d’un point historique dans la région (déjà du temps des romains…) et est le contre-balancement de l’Arabie Saoudite.
    Ce croissant chiite est aussi un épine dans le pied américain pour contenir ces futurs grands rivaux qui sont la Chine et la Russie. Foutre le bordel en Syrie permettait de réduire l’influence de l’Iran et contenir l’influence chinoise et russe. Manque de bol, c’est loupé.

    2 sites à suivre avec beaucoup d’attention pour comprendre les jeux de la géopolitique mondiale:
    Celui-ci est enu par un historien:
    http://www.chroniquesdugrandjeu.com/
    Celui là regroupe des diplomates, des conseillers et des penseurs:
    http://prochetmoyen-orient.ch/

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