« Distanciation sociale »

La distanciation sociale ou distanciation physique désigne certaines mesures non pharmaceutiques de contrôle des infections prises par les responsables de la santé publique pour arrêter ou ralentir la propagation d’une maladie très contagieuse comme par exemple le Covid-19 et qui visent à éloigner les individus les uns des autres. L’objectif de la distanciation sociale est de réduire la probabilité de contacts entre les personnes porteuses d’une infection et d’autres personnes non infectées, de manière à réduire la transmission de la maladie, la morbidité et la mortalité. Elle participe à la réduction des risques sanitaires.

Ces temps-ci, nous apprenons ainsi de nouvelles règles de vie en société, comme le fait de respecter des distances sociales d’au moins un mètre ou même deux mètres dans l’espace public. Les possibilités de rencontre, magasins, parcs, stades, etc. sont fortement limitées voire prohibées. La « distanciation sociale » devient la nouvelle norme des comportements sociaux.

Mobilité confinée

Or, quel est le meilleur outil de distanciation sociale que l’automobile? Bulle privative en mobilité dans l’espace public, la voiture tient à distance les autres usagers, automobilistes, piétons, cyclistes. C’est même sans doute son argument de vente privilégié, une fois que l’on sait que la voiture n’est pas plus rapide qu’un vélo en ville et qu’elle est particulièrement meurtrière.

De la même manière que l’on se confine chez soi, on continue à se confiner dans sa voiture, qui n’est rien d’autre qu’un « chez soi » en mouvement sur l’espace public.

On peut supposer désormais acquis que l’expérience sociale sans précédent que nous sommes en train de vivre, un confinement de plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour limiter la propagation du virus, va avoir des conséquences sociales majeures. Car, une fois le confinement levé, il restera encore à rétablir la confiance, avec une maladie particulièrement contagieuse dont certains malades asymptomatiques seraient aussi contagieux que les autres… Sans vaccin à court terme, sans même connaître dans le détail les modalités de propagation du virus et son éventuel maintien durant l’été ou son retour à l’automne, il va être particulièrement difficile de rétablir la confiance à l’heure où le gouvernement et le patronat commencent à faire pression pour faire sortir les gens du confinement.

A ce stade, on peut être particulièrement inquiet pour les transports en commun, bus, tramways, métros, RER, TER, etc. en particulier pour les déplacements domicile-travail. Souvent bondés, ils vont poser un problème de fond: comment accepter une proximité sociale très forte, parfois gênante déjà en temps normal, alors que l’on sortira de plusieurs semaines ou mois de confinement et de « distanciation sociale »? Comment accepter une proximité sociale permanente avec des gens potentiellement malades et qui, pour certains, n’auront même pas de symptômes apparents?

Mobilité masquée

Dans son intervention du 13 avril 2020, le président de la république le reconnaît: « Pour les professions les plus exposées et pour certaines situations, comme dans les transports en commun, [l’usage du masque] pourra devenir systématique. » Est-ce que la solution pour les millions de gens qui prennent les transports en commun tous les matins sera d’utiliser un masque et si oui, quel type de masque et fourni par qui? Rappelons en outre qu’il n’y a toujours pas, plus d’un mois après le début de la crise sanitaire, de masques disponibles, pas plus que de tests à grande échelle ou de gel hydro-alcoolique…

Imaginons malgré tout un « scénario asiatique » où tout le monde se met à porter un masque dans les transports en commun. Il y a fort à parier que, même avec masques obligatoires, de nombreux usagers des transports en commun vont tout faire pour éviter ces transports en commun.

C’est d’ailleurs ce que l’on commence à constater dans les quelques zones du Monde qui se déconfinent progressivement…

Ainsi, à Wuhan en Chine, épicentre initial de la pandémie, où un déconfinement partiel a débuté, il semblerait bien que les gens se jettent sur les concessionnaires automobile pour acheter des voitures. Selon un article de Bloomberg, ils seraient « plus motivés qu’avant la crise parce qu’ils considèrent que les véhicules personnels sont plus sûrs que les transports publics. » Selon un concessionnaire automobile, la demande est maintenant orientée vers des modèles de voitures plus petits, ce qui laisse penser que certaines familles achètent une deuxième voiture.

Lire aussi :  Comment la France est devenue un pays cyclable

Si cela se vérifiait, ce serait une très mauvaise nouvelle à la fois pour les transports publics et pour les nuisances liées à la voiture en général. Ce serait surtout un terrible retour en arrière après des décennies de lutte pour des alternatives à l’automobile. Car, disons les choses franchement, la voiture n’avait plus le vent en poupe depuis quelques années et il aura fallu un Covid-19 pour repartir comme en 40 ou plutôt comme dans les années 50 et 60, période royale de l’automobile individuelle.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la crise sanitaire actuelle se traduit également par un boom sans précédent du drive-in, cette pratique commerciale où on ne sort plus de sa voiture. Venu des Etats-Unis, le cinéma drive-in des années 50 caractérisait une des formes de l’american way of life.

Aujourd’hui, on fait ses courses à l’hypermarché en drive-in pour « respecter les mesures barrière… » Là aussi, on peut prévoir que le drive-in risque de se maintenir ou même se développer pour de nombreuses activités dans un futur post-confinement. Sans même parler des livraisons à domicile par des uber-esclaves…

Le poison de la méfiance risque en effet de s’insinuer dans nombre de nos comportements. Même le piéton ou le cycliste pourraient devenir suspects en tant qu’émetteurs potentiels de particules virales.

Alors que la voiture, avec ses émissions massives de particules et de polluants, est en passe de devenir le nouveau chevalier blanc de la « distanciation sociale… » Cette même distanciation sociale qui s’apparente à certains égards à la distinction sociale de Pierre Bourdieu.

Dans une perspective post-confinement, il va falloir pourtant que les responsables politiques et techniques des villes prennent la mesure des évolutions probables en matière de comportements sociaux. Ils vont surtout avoir la responsabilité sanitaire majeure d’éviter un nouveau boom de l’automobilité qui se traduirait par encore plus de pollutions particulaires, sans même parler des émissions de CO2. Rappelons qu’il est désormais acquis que la menace du coronavirus est plus grande dans les villes polluées.

S’il est acquis qu’il faudra sécuriser au maximum les transports en commun, ne nous faisons pas d’illusions à court ou moyen terme sur la désaffection probable qu’ils vont subir dans le cadre de la distanciation sociale. C’est pourquoi, il est peut-être plus que jamais nécessaire d’envisager une bonne fois pour toutes la généralisation de la gratuité des transports en commun. Depuis des années, on nous dit que « cela coûte trop cher, » « qu’il n’y a pas d’argent magique » ou que cela coûte « un pognon de dingue, » sauf qu’en quelques semaines on trouve comme par enchantement des centaines de milliards à déverser aux entreprises… Ces même entreprises qui rechignent à payer le Versement transport… finançant les transports en commun!

Mais, il est aussi primordial d’envisager dès à présent un plan massif de développement des infrastructures piétonnes et cyclables, pour favoriser au maximum la « mobilité individuelle » non motorisée. Il faut arrêter avec ce que l’on peut appeler une politique d’aménagements condescendants à destination des piétons et des vélos: une petite rue piétonne par-là, une petite bande cyclable par-ici… Il faut désormais un plan massif! Il ne s’agit pas ici de faire plaisir à quelques « bobos » à pied ou à vélo, il s’agit de sauver des vies!

Nous sommes en effet à un tournant historique. Il y a avec le Covid-19 une urgence sanitaire majeure à traiter aujourd’hui dans l’urgence. Mais il y a aussi une autre urgence sanitaire liée, à savoir la dégradation de la qualité de l’air dont l’automobile est un des principaux responsables. Si rien n’est fait par les pouvoirs publics, la sortie du confinement risque d’être bien pire en matière de mobilité et donc de pollution et de risque sanitaire.

Et on pourra mettre en place toutes les mesures de distanciation sociale que l’on voudra, cela ne changera rien. La pollution de l’air sera respirable en permanence, proximité sociale ou pas, masque ou pas.

9 commentaires sur “« Distanciation sociale »

  1. Gildas Lemaitre

    Prédiction pessimiste : notre sphère personnelle, distance à laquelle nous souhaitons tenir l’étranger, va s’accroître. Là où nous tolérions quelqu’un à un mètre, ce sera plutôt deux mètres… Bonjour le métro, où des millions de gens se sentent agressés. La voiture individuelle a de beaux jours devant elle.

    L’idée serait-elle de supprimer les métros ! Alors pourquoi pas supprimer les mégalopoles ?

    Une humble réflexion sur le sujet :

    http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_citoyens/Villes_demain.pdf

  2. pedibus

    Marcélou ministre des transports, sur le champ (de mines), en remplacement illico d’Elisa la Borgne… !

    et…

    VIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIITE

     

    et s’il reste un pneu de temps qu’on lui attribue, au Marcélou, pas à l’Autre, le prix Nobel de Pataphysique…

     

    cornegidouille…

    et enfoncement du p’tit bout de bois dans l’oneille de tous les prêtres thuriféraires de Ste-Gnognole…

     

     

    BOAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

  3. Avatar photoCarfree

    Voici peut-être l’avenir de la mobilité dans un monde post-confinement…

    Dessin de 1962 par l’immense dessinateur italien Walter Molino

     

     

  4. pedibus

    ah ça pour préserver l’avenir ça le pneu…

    et de luxe en plus la chose…

    ça semble être du verre, ou du plexiglass…

    enfin c’est pas du latex…

     

    quant aux émetteurs de postillons – ou d’autre chose – j’vous dirai pas à quoaaaaaaaaaaaaaaa ça me fait penser…

     

    boaaa

  5. pedibus

    merci Jol !

    il y en a qui étaient déjà au parfum (!)  : vidéo envoyée au maire de bordo-bordel par l’intermédiaire de Rue89, avec en sous-titre : « le vélo pour les nuls »

    pasque ce bouseux ne veux rien savoir, ne rien faire et ne jure que par la reprise du flot bagnolard et de la bétonisation de la ville, tous chantiers arrêtés pour l’instant :

    https://rue89bordeaux.com/2020/04/le-velo-pas-la-priorite-de-bordeaux-metropole-pour-le-deconfinement/

    pas glop…

  6. ikook

    Les USA, ce grand pays de débiles mentaux gavés à l’essence, à la malbouffe et à l’entertainment a vu des manifs anti-confinement ce samedi. Des slogans débiles comme « social distancing = communism »

    https://pbs.twimg.com/media/EV43IUFXsAAxKQS.jpg

    Des hommes en armes pour clamer « live free or die ».

    D’autres manifestants dans des gros 4×4 et des panneaux disant que les démocrates étaient des nazis.

    https://images.radio-canada.ca/q_auto,w_960/v1/ici-info/16×9/manifestation-anti-confinement-maryland-camion.jpg

  7. pedibus

    bon allez Ikook, il faut absolument que le Marcélou nous ponde rapido un « quatrième Derche », spécialement dédié à Trumpette-la-Branlette, qui touite plus vite qu’un éjaculateur précoce…

    scuzez moaaaaa Mesdames, ne lisez pas ça…

    spermettez moi que je me retire…

     

    boaaa

  8. vince

    Il est difficile de prédire comment vont évoluer les habitudes. Il  n’y a pas que les transports en communs où on est « serrés « : quid des restaurants, des cinémas, des cafés, des festivals, du foot, du tour de France…..et des écoles.

    Tout ne va pas s’arrêter. Un certain nombre de gens vont rester bloqués sur le stress de la distanciation sociale et des mesures d’hygiène pour les autres cela va s’estomper, je me souviens encore des hygiaphones.

    Sinon il y a le vélo 🙂

     

     

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