Commerçants Versus Réalité

En matière de mobilité, on sait depuis longtemps que les commerçants sont déconnectés de la réalité, une étude récente réalisée par des étudiants de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) en Belgique le prouve.

Très souvent, dès qu’il est question d’aménager des rues commerçantes, que ce soit pour faire passer un tramway ou pire, pour piétonniser une rue, les commerçants montent en général au créneau pour dénoncer ce qu’ils perçoivent comme l’effondrement prochain et irrémédiable de leur activité commerciale.

Et ils ne se contentent pas de critiquer ouvertement les travaux prévus, ils se réunissent en général sous la forme d’associations de commerçants pour faire pression sur les municipalités.

En cause, selon eux, la disparition inévitable des clients qui ne pourront plus venir dans leur commerce en voiture « à cause du tramway » ou « à cause des rues piétonnes. » Pour les commerçants, les clients viennent forcément en voiture et doivent pouvoir se garer devant leur boutique.

Ces craintes sont-elles fondées ? C’est la question au centre d’une étude réalisée par l’ULB, à la demande du Gracq, une association de cyclistes quotidiens à Bruxelles et en Wallonie. Six étudiants du Master en Science et Gestion de l’Environnement de l’ULB se sont intéressés à deux quartiers de Bruxelles, où deux projets de réaménagement ne font pas l’unanimité, le quartier de la Toison d’Or et la Place du Sablon.

Ces deux quartiers sont concernés par des projets de réaménagement (visant notamment une piétonnisation partielle et la réduction de l’espace public dédié à la voiture) qui se heurtent à des oppositions de la part de certains commerçants. Les étudiants ont interrogé 296 clients et 88 commerçants entre octobre 2019 et avril 2020. Leur enquête livre des résultats intéressants.

Les commerçants interrogés considèrent que leur clientèle accède principalement en voiture particulière aux quartiers concernés. 65% des commerçants interrogés sur l’axe Avenue de la Toison d’Or – Boulevard de Waterloo et la quasi totalité des commerçants interrogés sur la Place du Sablon pensent ainsi que leurs clients viennent principalement en voiture. Les résultats de l’enquête menée montrent toutefois que cette perception des commerçants est fortement déformée. C’est en particulier le cas sur l’axe Avenue de la Toison d’Or – Boulevard de Waterloo: seuls 19% des clients interrogés sur cet axe ont en effet déclaré être arrivés dans le quartier en voiture. La part des clients ayant répondu avoir rejoint la Place du Sablon en voiture (57%) est beaucoup plus importante, mais est également très éloignée de la perception des commerçants interrogés.

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Egalement, la majorité de la clientèle interrogée déclare qu’elle continuerait à se rendre dans ces quartiers et à y fréquenter les commerces si ceux-ci devaient être piétonnisés (93,3% pour l’Avenue de la Toison d’Or – Boulevard de Waterloo et 84,3% pour la Place du Sablon).

« Cette enquête démontre que les craintes des commerçants sont en partie infondées, explique Florine Cuignet, chargée de politique bruxelloise au GRACQ, car elles reposent sur une méconnaissance des pratiques de mobilité de leur clientèle et ne tiennent pas compte de l’évolution générale des habitudes de mobilité. Or l’expérience démontre, ici comme à l’étranger, que la transformation des artères commerçantes en espaces plus conviviaux, donc plus attractifs, a un impact positif sur l’économie locale. Les piétons et les cyclistes constituent en outre une clientèle plus régulière, qui dépense globalement au moins autant que les automobilistes. »

En fait, le problème des commerçants tient peut-être dans le fait que très souvent ils viennent travailler dans leur boutique en voiture et qu’ils considèrent donc que tout le monde vient, comme eux, en voiture…

Source: https://www.gracq.org/actualites-du-gracq/toison-dor-et-sablon-enquete-sur-la-mobilite-de-la-clientele

6 commentaires sur “Commerçants Versus Réalité

  1. jol25

    Exactement, même discours ici: réunion de quartier, une commerçante non résidente de la commune défend le parking devant sa boutique, et refuse de faire 300m à pied jusqu’à un parking gratuit. Raison : « c’est dangereux en ville ». Et tous les commerçants défendent d’abord leur propre droit à stationner gratuitement devant leur boutique, même si la mairie fait remarquer que c’est stupide.

    80 à 85% du trafic au centre-ville chez moi (25000/jour pour une commune de 13000 habitants) est un trafic de passage seulement, principalement aller-retour domicile travail (étude lors de l’aménagement d’une 4 voies + voie bus dédiée, immense zone bétonnée utilisée réellement 2-3h par jour! Fournaise en été…) Notoirement, ces gens ne s’arrêtent pas dans les petits commerces, exception faite peut-être du tabac ou de la boulangerie. Ils préfèreront le drive, commandé depuis le bureau.

    A côté de ça, la circulation piétonne ou cycliste est juste un cauchemar à certains horaires : sûr que les résidents y vont alors avec réticence.

    Raisonnement stupide, déjà mis en évidence par les zones piétonnes existantes qui alimentent largement leurs boutiques.

  2. Havoc

    Et c’est ainsi que des Commerçants renoncent au principal avantage comparatif qu’ils ont face aux grandes surfaces et zones d’activités…

  3. lydie

    Comme souligné dans le texte cette réaction d’opposition (de rejets) des commerçant aux aménagements de voiries ou de quartiers se retrouve systématiquement dans différents pays. Ne serait-ce pas l’humain qui réagit de cette manière plutôt qu’une corporation professionnelle? Proposer des modifications de voiries dans votre quartier, ou serait-ce que le sens de circulation, nous serons confrontés aux même blocages. La réaction du commerçant est encore plus significative car tout son business est axé sur l’immédiateté,  gains sur du court terme financier avec des rotations de stock rapide. Les travaux viennent perturber la zone de chalandise et la manière de capter la clientèle. Cette profession comme tant d’autre n’est pas très encline à changer ses habitudes. Un ou deux ans après la réalisation des travaux ces mêmes personnes n’accepteraient pour rien au monde de revenir à l’aménagement existant antérieurement. Ce constat prouve que les élus, les associations, les techniciens doivent faire preuve d’imagination, d’anticipation, de persuasion pour les modifications ce qui n’est pas toujours facile dans les moments de concertations parfois très houleuses ou des intérêts très divergents s’opposent.

  4. Hdkw

    Montpellier il y a 20 ans, les commerçants du centre se battent contre ce qui va devenir l’une des plus grande zone piétonne de France et contre le tramway qui l’accompagne.

    Aujourd’hui, la ville est une des plus attractive, son centre piéton un paradis carfree et le ‘trafic’ de piétons le long de la ligne de tram est bien supérieur a celui des voitures d’avant, les commerces sont florissants.

     

  5. vince

    Piétonniser les centres villes ne suffit pas, il faut aussi lutter contre l’implantation des centres commerciaux en périphérie.

    Sinon on n’obtient pas toujours le résultat escompté :

    https://www.20minutes.fr/montpellier/2487595-20190403-montpellier-comment-zones-peripheriques-tuent-commerce-centre-ville

    https://www.midilibre.fr/2019/05/14/montpellier-la-souffrance-du-commerce-de-centre-ville,8199525.php

    et on se retrouvera toujours avec des détracteurs qui accuseront le vélo et la piétonisation. Et piétonniser l’hypercentre c’est bien mais il ne faut pas oublier les autres quartiers.

     

  6. Prolo

    Saint Etienne est en train de faire comme Montpellier : le cœur de la ville est hostile aux voitures (sens uniques, zones 30, rétrécissements..) et tout est conçu pour favoriser les déplacements à pied, en tram ou à vélo.

    Sauf qu’ils ont construit un méga centre commercial à la périphérie, vers l’intersection de deux voies rapides, et accessible surtout en bagnole.

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