La pétro-masculinité

Voici un nouveau concept que nous n’avions pas encore abordé sur Carfree France, celui de pétro-masculinité (Petro-masculinity en anglais). 

Cara Daggett, chercheuse en sciences politiques à Virginia Tech (Blacksburg dans l’État de Virginie), abordait le concept de pétro-masculinité en 2018 dans un article intitulé « Petro-masculinity: Fossil Fuels and Authoritarian Desire » (Pétro-masculinité: les combustibles fossiles et le désir autoritaire) disponible en anglais dans le SAGE Journals.

Cara Daggett parle de « pétro-masculinité » pour définir le concept selon lequel les combustibles fossiles sont un élément central non seulement de l’économie, mais aussi de l’identité.

Fondamentalement, l’utilisation et donc l’extraction des combustibles fossiles sont emblématiques des valeurs traditionnelles de la société conservatrice de l’ensemble du monde occidental.

La dépendance de la société occidentale vis-à-vis des combustibles fossiles a été renforcée par les décisions d’hommes blancs, majoritairement riches, et a contribué à son tour à maintenir le statu quo. Si cela nous met tous en grand danger à cause du changement climatique, y renoncer représente un risque pour ceux qui ont construit leur identité autour de cette pétro-masculinité.

Rappelons que le journaliste américain James Howard Kunstler prédisait dès 2008 que les gens de la classe moyenne conservatrice, celle des lotissements périurbains et de la multimotorisation, seraient prêts à élire des psychopathes au pouvoir si le pétrole venait à manquer ou devenait trop cher. On pourrait étendre l’analyse aux inquiétudes concernant le réchauffement climatique dont cette classe sociale littéralement accro au pétrole ne veut probablement rien savoir.

Depuis quelques années, force est de constater que le réchauffement climatique est accompagné par des mouvements autoritaires qui dénient ce phénomène et nourrissent de puissants élans racistes et misogynes. Plutôt que de considérer de manière séparée chacun de ces trois types de ressentiments différents, Cara Daggett propose d‘approcher leurs combinaisons à travers le concept de pétro-masculinité.

Ce concept permet selon elle d’éclairer la manière par laquelle le rôle historique des systèmes énergétiques qui se basent sur les combustibles fossiles soutient le pouvoir du patriarcat blanc. L’étude de cette relation permet d‘ailleurs de mieux comprendre en quoi les inquiétudes suscitées par l’anthropocène peuvent intensifier un désir de régime politique autoritaire. Cette notion suggère que les combustibles fossiles portent en eux plus que la seule question du profit.

En effet, ils contribuent à forger des identités qui mettent gravement en péril toute politique qui voudrait encourager le développement des énergies post carbone.

Enfin, à travers une lecture psychopolitique de l’autoritarisme, Cara Daggett démontre que l’usage des combustibles fossiles occupe dans l’ordre social actuel une fonction stratégique pour le maintien de son hégémonie. En réaction à l’émergence croissante des questions de genre et des problèmes climatiques, l’exploitation d’énergies fossiles tend à se muer toujours plus en une pratique de compensation violente de la masculinité ébranlée.

L’ère Trump, que certains avaient appelé la Trumpocène, se caractérise par cette pétro-masculinité affirmée, pour ne pas dire exacerbée, au travers du négationnisme climatique, du forage pétrolier démultiplié et du pickup ou du SUV énergivore et polluant.

Nous en avions parlé en 2014, la pollution automobile peut aussi être une arme politique. Les pétro-masculinistes crient leur haine de l’écologie, de l’environnement ou du climat en crachant de leur pickup ou de leur grosse bagnole une fumée bien noire et abondante…

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Pendant la campagne électorale de 2020 aux USA, on a pu voir les supporters de Trump sur les autoroutes ou dans les villes américaines avec leurs pickups et leurs drapeaux. Ils ont parfois bloqué la circulation, fermé des ponts, et ont généralement énervé et intimidé les gens. Selon Cara Daggett dans un article de Gizmodo, c’est parfaitement emblématique de l’ère Trump, en particulier le mélange parfait de combustibles fossiles et de masculinité toxique pour préserver le statu quo.

A la suite de ces images de supporters de Trump dans leurs pickups, de nombreuses comparaisons ont été faites avec l’État islamique (Daesh): l’idée de personnes armées dans des pickups avec des drapeaux identifiants et des vues régressives est certainement une bonne comparaison.

L’ascension de Donald Trump a été fondée sur le concept du retour des États-Unis à une « grandeur » antérieure imaginée (« Make America great again« ). Cette période de soi-disant grandeur coïncide avec une croissance économique rapide alimentée par les combustibles fossiles ainsi que par les valeurs « traditionnelles » des hommes blancs qui détiennent le pouvoir et mènent la barque. En France, cela correspond à ce que l’on appelle traditionnellement les « 30 glorieuses, » période qui a pris fin avec la crise énergétique des années 1970 et la « révolution » post-1968 de libération des moeurs.

« Si les gens s’accrochent avec tant de ténacité aux combustibles fossiles, même au point de s’embarquer dans l’autoritarisme, c’est parce que les combustibles fossiles assurent aussi la signification culturelle et les subjectivités politiques, » écrivait Daggett dans son article de 2018 sur le sujet. « Ce n’est pas une coïncidence si les Américains blancs et conservateurs – quelle que soit leur classe sociale – semblent être parmi les plus fervents négateurs du climat, ainsi que les principaux partisans des combustibles fossiles en Occident. »

Une analyse sociologique plus poussée nous indiquerait peut-être que le climato-sceptique moyen est un homme blanc quinqua ou sexagénaire roulant en grosse bagnole… le profil type d’un député ou d’un homme politique en France par exemple.

Les autoroutes pleines de pickups et de SUV gourmands en pétrole sont aux USA un condensé d’une grande partie des quatre dernières années, et même de toute la lutte pour le climat. Les véhicules sont devenus l’un des symboles de statut qui définissent la place que vous occupez dans la guerre des cultures, qu’il s’agisse d’un gros SUV, d’une Prius hybride ou d’un vélo. Les grosses bagnoles qui encombrent les routes et polluent inutilement sont un gros doigt d’honneur pour les militants du climat et les autres personnes qui tentent de réduire les émissions pour protéger les générations actuelles et futures. Les transports représentent également la plus grande part des émissions de carbone aux États-Unis (et en Europe). Pour maîtriser les émissions, il faudra procéder à des changements majeurs, notamment mettre fin à l’extension des routes et se tourner vers les transports en commun, ainsi qu’interdire la vente de véhicules à essence. C’est l’antithèse de la pétro-masculinité.

7 commentaires sur “La pétro-masculinité

  1. Raph

    La dépendance de la société occidentale vis-à-vis des combustibles fossiles a été renforcée par les décisions d’hommes blancs, majoritairement riches, et a contribué à son tour à maintenir le statu quo.

    Vous auriez pût préciser que ces mâles blancs sont exclusivement cis-genres et hétérosexuels…

  2. PMeBC

    J’ai envie de protester contre ce sectarisme. Je suis blanc, homme, pas riche mais à l’aise économiquement, plus de 50 ans, mais heureusement pas con. Et je connais des femmes pas blanches, pas riches qui se comportent de manière stupide. Alors s.v.p. appelons un chat un chat. À bas les cons, mais ne faisons pas des catégories imbéciles. Merci.

  3. Bertrand

    Je crois qu’un certain nombre de choix antérieurs sont déterminants dans ce rapport au pétrole et au changement climatique.
    Si, par exemple, vous avec acheté un pavillon dans un lointain lotissement, sans commerce ni quelque aménité à proximité, vous n’êtes pas en mesure de remettre en cause la civilisation de l’automobile. Sans elle vous n’existez plus !

  4. pedibus

    la photo d’avant l’article c’est Trumpette malade de la chtouille… ? d’une espèce carabinée, directement sortie d’un labo de guerre bactériologique clandestin d’Auckland… ?

    chtouille contractée après la rencontre avec une auto-stoppeuse terroriste militante grine-pisse… ?

    allez Marcélou, éclaire donc notre lanterne… !

     

    boaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

  5. pedibus

    Elle s’emmerdait Place Saint-Michel, avec des consElle descendait place de l’Horloge, en AvignonS’emmerder avec des vieux chnoquesDe vingt-cinq bergesQui reviennent des Indes ou du MarocEt qui se gobergentAssis sur des sacs de couchagePlutôt cradoquesSous leurs pavés, c’est peut être la plageMais elle est moche!
    Elle était un petit peu campeuseUn petit peu auto-stoppeuseJe l’aurais préférée vicieuse, voire allumeuse!
    Je l’ai prise en stop à la porte de Vanves, un soir de juinL’est montée dans ma Ford Mustang, avec son chienUn doberman complètement bargeQu’avait très faimQu’a mis des poils et pi de la bavePlein mes coussinsElle a retiré ses charentaisesBonjour l’odeurPour roupiller super à l’aisePendant trois heures!
    Elle était un petit peu campeuseUn petit peu auto-stoppeuseJe l’aurais préférée vicieuse, voire allumeuse!
    En se réveillant l’avait la frite, elle m’a parléD’un pote à elle qu’est journaliste à V.S.DQu’écrit parfois dans Rock and FolkSous un faux nomPi qui serait pédé comme un phoqueMais loin d’être conJe lui ai dit, boucle-là, tu m’emmerdesAvec tes saladesPi tu m’enfumes avec ton herbeÇa me rend malade!
    Elle était un petit peu campeuseUn petit peu auto-stoppeuseJe l’aurais préférée vicieuse, voire allumeuse!
    On s’est arrêté pour bouffer après MoulinsEt Jacques Borel nous a chanté son petit refrainLe plat pourri qui est le sienJ’y ai pas touchéTiens, c’est pas dur, même le clébardA tout gerbé!Ma stoppeuse s’est rempli le tiroirSans rien moufterElle était raide, comme par hasardJ’ai tout casqué!
    Elle était un petit peu campeuseUn petit peu auto-stoppeuseJe l’aurais préférée vicieuse, voire allumeuse!
    Quand je lui ai proposé la botte, sans trop y croireElle m’a dit, cause toujours, mon pote, t’est qu’un ringard!Alors, pour détendre l’atmosphèreTrès glauque, très punkJe mets une cassette se StarshouterDans mon Blaupunkt
    Elle me dit, je préfère le rock ‘n’ rollC’est plus l’éclateJe l’ai gerbé de ma bagnoleÀ grands coups de lattes
    Elle était un petit peu campeuseUn petit peu auto-stoppeuseJe l’aurais préférée vicieuse, voire allumeuse!
    Elle s’est retrouvé sur le macadam avec ses gamellesSon sac à dos, son doberman, bien fait pour elleTerminé pour moi les campeusesJ’ai eu ma doseMe parlez plus d’auto-stoppeuseÇa me rend morose!Je veux plus personne dans ma bagnoleJe suis mieux tout seulJe conduit d’une main, de l’autre je picoleJe me fends la gueule!
    Elle était un petit peu campeuseUn petit peu auto-stoppeuseJe l’aurais préférée vicieuse, voire allumeuse!
    Lyrics © MINO MUSIC
    RENAUD PIERRE MANUEL SECHAN

  6. Antho

    C’est la grande mode, remettre la faute de choix énergétiques, capitalistes… sur des critères raciaux et sexistes. Le male blanc quinqua est responsable, alors que même si une majorité d’exploiteur correspond à cette définition, le male blanc quinqua est-il majoritairement exploiteur? Même approche d’un groupe antinucléaire qui refuse le mâle blanc cisgenre dans ses réunions car responsables du nucléaire. Conséquences : Les antinucléaires Anne Lauvergeon et Marine Lepen pourraient y assister, car écologistes et pacifiques par nature, alors que les scientifiques de la CRIIRAD y seraient interdits d’accès, car pronucléaires par nature. Ce groupe a également brulé les journaux d’un stand antinucléaires à Bure car en désaccord avec quelques prises de position. Luttons contre les vrais causes et responsables, pas contre leur apparence.

  7. vince

    D’accord avec l’article on voit bien de qui vous parlez, mais force est d’admettre que malheureusement l’automobilisme s’est largement généralisé à l’ensemble de la population mesdames incluses.

    Il est des zones où la dame tuture fait 95% de convaincus. On trouve même des écolos assidus.

    Si on en était qu’à une bande de bougres, mais il y a la grosse grosse masse des suiveurs.

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