Pourquoi les automobilistes détestent les voitures

Quand j’étais petit, nous avions un charmant voisin aux cheveux blancs qui était toujours joyeux et amusant avec nous, les enfants. Appelons-le Robert, car c’était son prénom.

Mon école se trouvait à quelques kilomètres de chez nous, près de l’endroit où Robert travaillait, et il était assez aimable pour me proposer de me déposer régulièrement dans sa Volkswagen Polo rouge. C’était à l’époque où Volkswagen était une vraie marque de qualité. Il était à juste titre fier de cette voiture; un moteur impeccablement entretenu et une voiture qui dormait dans son propre garage chaque nuit.

Mais ces trajets ont été une révélation pour moi. Même en tant que pré-adolescent, j’étais frappé par la transformation remarquable qui s’opérait sur Robert lorsqu’il prenait le volant. Le gentil monsieur que l’on connaissait pour ses blagues se transformait en une somme de colère et de rancune. Le siège du conducteur a fait apparaître sa tête de reptile, en grand style.

Ne vous méprenez pas, il a toujours été courtois et amical avec moi et je n’ai jamais ressenti la moindre crainte personnelle, principalement parce que la colère de Robert sur la route était si clairement dirigée contre ses collègues automobilistes. Il commençait par rouspéter, généralement au premier carrefour, puis, au fur et à mesure que le trajet avançait, il se mettait à jurer, à taper sur le volant, à faire vrombir le moteur et, enfin, à klaxonner et à crier sur les autres voitures.

N’oubliez pas que c’était dans les années soixante-dix, à l’époque où l’automobile en était à ses balbutiements et où les routes étaient vides par rapport aux normes d’aujourd’hui. Mais le niveau réel du trafic n’avait pas grand-chose à voir avec cela. Robert était complètement assimilé par la machine. C’était un « automobiliste ». Un automobiliste fier, menacé, en colère, qui considérait que les autres voitures envahissaient l’espace de sa voiture et entravaient sa progression légitime.

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Et nous devrions savoir que la chose que les automobilistes détestent plus que tout, plus que les écologistes, plus que les piétons, et même plus que les cyclistes, ce sont les voitures.

Bizarre mais vrai, plus que tout autre chose, les automobilistes détestent les voitures. Les voitures avec les feux allumés, les voitures avec les feux éteints, les voitures qui coupent leur chemin, les voitures qui s’immiscent dans leurs places de stationnement, les voitures qui dépassent, les voitures qui ne dépassent pas, les voitures qui entreprennent; les voitures qui vont trop vite, les voitures qui vont trop lentement, les voitures qui ne se rangent pas aux carrefours, les voitures qui se rangent aux carrefours, et les voitures qui s’approchent trop près. Les voitures qui partagent l’espace routier, qui gênent et qui menacent généralement leur propre voiture.

J’ai une théorie sur la raison pour laquelle la colère de Robert sur la route était si puissante. Je pense qu’il s’agissait d’une frustration très profonde à l’égard de l’expérience de conduite, née de la prise de conscience que sa précieuse voiture faisait en fait partie du problème. Sa voiture était géniale, il l’aimait et en était fier, mais c’était une erreur géniale et au fond de lui, il pouvait le sentir, même à ce moment-là.

Image: Du big bang à mardi matin

6 commentaires sur “Pourquoi les automobilistes détestent les voitures

  1. Jean Haas

    Parce qu’un des ressorts du cerveau reptilien, c’est la haine des autres, quels qu’ils soient. Et plus ils vous ressemblent, plus vous les haïssez. Ou encore, plus vous avez peur de leur ressembler, plus vous les haïssez. Ou surtout, plus vous pouvez les ranger dans une catégorie, plus les haïssez.

    La seule chose qui peut en venir à bout, c’est l’éducation.

  2. Tranbert

    Autre motif puissant de détester les autres automobilistes: ceux qui ne savent pas conduire mettent en danger les gens comme moi qui savent si bien conduire !

    Autre version: ceux qui respectent les limitations de vitesse mettent en danger ceux qui ne les respectent pas…

    Bougez de là bande de #$%& !

  3. Bibinato

    Ah ah ! moi aussi, dès que je me mets au volant de mon antique 2 CV qui ne roule pas plus vite que 80 km/h, et encore, elle tremble de partout, je déteste toutes les autres voitures, qui sont bien trop rapides, nerveuses, agressives…

    Il n’y a que lorsque j’ouvre grand le toit, que je respire l’air extérieur, comme si j’étais sur mon vélo, que je me sens un peu moins stressée.

    Curieux comme cet aboutissement technologique nous fait revenir à nos instincts les plus primaux, dit plus velorutionnairement : « la bagnole, ça tue, ça pollue, et ça rend con »

  4. Danny Letard

    Bonjour à tous et toutes,

    Pour moi, ce serait bien plus simple.

    L’automobiliste imagine qu’il a les pieds sur terre, alors qu’il voit très bien que d’autre automobilistes ne les ont pas, les pieds sur terre, ni des cyclistes.

    Quant aux piétons, ils sont tout simplement tête en l’air.

    A votre service

    Danny

     

  5. mat b

    J’avoue que c’est au volant que j’ai commencé à détester les voitures et la description correspond complètement à mon cheminement. Reste que je connais des gens bien plus vroum vroum qui ne correspondent en rien, toujours content de promener titine comme on promène son chien. Ce qui n’empêche pas non plus qu’un de ceux là a poussé sa voiture jusque 180km/h et que j’y ai demandé de me laisserlà, sur le bord de l’autoroute

  6. Gildas Lemaitre

    Le plus gros problème à résoudre est notre ego. Tous, ou presque, nous nous accordons à dire que ce sont les autres qui conduisent mal ou, en tous cas, moins bien que nous-mêmes. L’alcool, l’inattention, le téléphone, c’est pour les autres. Nous nous offusquons lorsqu’un juge condamne un conducteur pour n’avoir pas prévu l’imprévoyance de l’autre. Il m’aura fallu longtemps pour que je comprenne que ce juge avait raison.

    Il faudra longtemps pour que nous oublions nos prétextes, que je liste ici par provocation :

    les TC sont pour les pauvres ;
    je déteste la pluie ;
    la voiture assoit mon statut social ;
    mes activités m’obligent à disposer d’une voiture devant ma maison ;
    conduire pour aller et revenir du travail est comme une méditation qui m’aide à la transition entre ma vie à la maison et ma vie au bureau ;
    quand je transporte ma famille, c’est une façon de la regrouper sans que l’un ou l’autre trouve un prétexte pour d’éclipser ;
    j’aime bien conduire, c’est plus viril qu’un jeu vidéo, je jouis d’être responsable de ma conduite;
    j’ai toujours des tas de choses à transporter ;
    j’aime bien cette sensation de liberté sur les routes du WE ou des vacances ;
    sans parler des coquineries incognito, du SUV d’où je domine les autres…
    Sans compter les usages utiles (ou presque) comme aller chercher les enfants à l’école ou grand’mère à la gare ou chez le médecin,
    sans compter les livreurs qui ne veulent pas du vélo cargo,
    les artisans qui circulent avec leurs outils…
    

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