Le fléau du piétonisme

Il est vraisemblable que les esprits chagrins qui pleurent sur la dépopulation ne voyagent pas en automobile. Si ces esprits mettaient la main au volant, ils s’apercevraient vite qu’il n’y a jamais eu tant de piétons qu’à présent.

C’est un fait que plus on en écrase plus il en vient. Même si chaque chauffeur prenait la résolution de s’accorder un « tableau « d’une dizaine de piétons par jour, je crois qu’on n’en verrait jamais la fin.

Or, si cette engeance n’est guère gênante sur la route, elle est, par contre, extrêmement redoutable dans les rues des cités. Je ne parle pas de Paris, où la chasse aux piétons, méthodiquement organisée, commence enfin à donner de bons résultats, mais dans toutes les villes de province, grandes ou petites, le piéton règne en maître sur le pavé, occupant avec un entêtement qui semble irrémédiable, toute la partie dédaignée par les lignes de tramways.

Deux jours par semaine, particulièrement le dimanche et le jour de marché, le fléau du piétonisme sévit avec une intensité qui nous fait douter de la civilisation. Il n’est pas de moyenne horaire, même modeste, qui puisse tenir un instant devant les interminables « sur places » que le piéton impose à l’automobiliste dans la traversée des villes.

C’est pourquoi la création de voies contournant les agglomérations — projet mis à l’ordre du jour du prochain congrès de la route — nous permettra seule d’échapper à une lutte décidément impossible. A moins qu’on ne consente à réserver à la circulation automobile les trottoirs que, par principe, les piétons laissent entièrement libres. Mais je parie qu’ils en prendraient prétexte pour y venir à leur tour.

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Source: L’Évolution algérienne et tunisienne, 13 mars 1913
Image: EUGENE GALIEN-LALOUE (1854-1941) – « Le Boulevard Péreire à Paris »