Le gel de l’imagination

Le gel de l’imagination

Extrait de l’ouvrage « Energie et équité », d’Ivan Illich (1973)

Passé un certain seuil de consommation d’énergie, l’industrie du transport dicte la configuration de l’espace social. La chaussée s’élargit, elle s’enfonce comme un coin dans le cœur de la ville et sépare les anciens voisins. La route fait reculer les champs hors de portée du paysan mexicain qui voudrait s’y rendre à pied. Au Brésil, l’ambulance fait reculer le cabinet du médecin au-delà de la courte distance sur laquelle on peut porter un enfant malade. A New York, le médecin ne fait plus de visite à domicile, car la voiture a fait de l’hôpital le seul lieu où il convienne d’être malade. Dès que les poids lourds atteignent un village élevé des Andes, une partie du marché local disparaît. Puis, lorsque l’école secondaire s’installe sur la place, en même temps que s’ouvre la route goudronnée, de plus en plus de jeunes gens partent à la ville, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une seule famille qui n’espère rejoindre l’un des siens, établi là-bas, sur la côte, à des centaines de kilomètres. Lire la suite…