Le fait religieux est fortement d’actualité aujourd’hui, toute confession confondue. Mais il me semble qu’il est une religion totalement ignorée et qui, pourtant, comporte un nombre d’adeptes absolument énorme : la Mobilité (j’ai mis une majuscule exprès).
Pourquoi je dis une religion, parce que si l’on y regarde de plus près, la Mobilité dispose de toutes les composantes d’une religion. Avant tout, c’est une croyance de fond, qui fait que l’on estime que sans Mobilité point de salut. Celui ou celle qui ne bouge pas ne peut pas être vraiment intégré. Il faut bouger pour vivre, pour paraphraser notre célèbre Molière. Le résultat en est que nous trouvons « normal » de faire 40 kilomètres en moyenne par pour jour pour aller travailler, que nous trouvons normal de faire venir des biens de l’autre bout du monde en payant évidemment un prix dérisoire pour l’acheminement des marchandises et en râlant parce que les prix de la sncf, de l’essence ou des transports en commun sont trop élevés.
Cette religion a aussi diverses branches en fonction de l’objet de culte. Mobilité, je crois en toi, mais pas n’importe comment. Il y a les automobilistes, qui croient que la voiture est la seule source de salut, les cyclistes qui pensent que c’est le vélo, les pro transport en commun, les pro avions, les pro trains… Et parmi ces catégories, il y a des intégristes. Les automobilyadistes, les cyclyadistes… et des débats rudes parfois. S’il n’y a pas encore d’attentats, certains conflits larvés apparaissent et le dernier débat en date sur la réduction de vitesse du périphérique parisien montre la sensibilité du sujet.
Nous y croyons à cette mobilité et nous sommes prêts à nous battre pour sauver la sauver. Qui sont ces méchants qui veulent nous interdire l’accès au centre ville en voiture ? ou nous mettre des péages, ou nous réduire notre offre de transports en commun parce qu’elle coûte cher ? Non, laissez nous bouger.
Mais nous n’avons présenté ici qu’une croyance, qu’est-ce qui fait également une religion ? Et bien nous avons les lieux de cultes et ici on va trouver les cathédrales avec nos gares, ou les Pôles d’Echanges MultiModaux » (PEMM dans le jargon). Allons priez tous les matins et tous les soirs, faire nos ablutions avant de monter dans les RER, TER, Métros, bus… Il y a aussi les églises et les chapelles, petites gares, ou points d’arrêts que certains s’évertuent à défendre pieds et poings. « Touche pas à ma gare ». Puis il y a les lieux de pèlerinage annuel qui varient en fonction des branches de la religion. Les automobilistes doivent avoir fait une fois dans leur vie au moins le « Salon de l’Automobile », pardon le « Mondial de l’Automobile » pour aller se recueillir sur leurs objets fétiches. Saint Renault, priez pour nous, Saint Ferrari… A l’occasion, je rapporterai un petit fétiche, parce que le gros, je ne peux pas me le payer quand même. Pour les adeptes des transports collectifs, le pèlerinage est plus variable avec le salon des transports collectifs (encore un peu confidentiel quand même), ou alors le musée du train de Mulhouse… Il est certain que l’on devrait plutôt faire un salon de la mobilité, comme ça au moins, toutes les branches de la religion pourraient se retrouver. Exposer des vélos à côté des voitures avec des bus ? Tiens, pourquoi pas…
Alors il y a aussi les objets de culte, les calices et ciboires… pour la voiture, facile, tout le monde a en tête une voiture de rêve, que ce soit une 4L ou une Porche. Pour le vélo, idem, des partisans du vélos bon marché de chez Décath ou du dernier modèle de chez Trek… Pour le bus ou le train, il y a ceux qui sont plutôt Bombardier pour le TER ou pour le TGV…
J’oubliais, nous avons aussi notre semaine sainte maintenant, la « semaine européenne de la mobilité ». Prions mes frères et sœurs en cette semaine nous est donné l’occasion de partager ce bien inaliénable, condition absolue de la liberté : la mobilité.
Evidemment, derrière ces biens, il y a des hommes et des femmes qui vont prêcher cette sainte mobilité. Les apôtres, qui sont nos cadres sup, nos têtes pensantes, qui se déplacent plus vite que leur ombre et qui vont nous convaincre qu’il faut toujours bouger plus. Sans bouger, si tu ne bouges pas tu disparais. Ils ont leurs exécutants, conducteurs, contrôleurs… qui font appliquer la liturgie de la mobilité. Tu paies au péage, tu compostes ton billet…
J’ai du mal à nommer un pape de la mobilité. Est-ce le PDG de la SNCF, ou les directeurs des groupes automobiles… On pourrait considérer qu’il s’agit sans doute d’un cercle d’initiés qui a tout intérêt à faire en sorte que cette croyance reste fortement installée parce qu’il y a derrière tout un modèle économique… Et oui, parce que comme toute religion, malheureusement, il y a des questions de gros sous derrière et si vous vous amusez à compter les sous que vous sacrifiez chaque jour sur l’autel de la mobilité, vous vous apercevrez que les masses sont assez considérables.
Vous me direz, et alors, c’est bien joli, mais on n’a pas le choix, on est obligé d’être mobile parce que pour trouver du travail, pour se loger nous sommes contraints. C’est une réalité, pas une fatalité. Suis-je vraiment condamné à habiter en banlieue et me taper le RER tous les jours pour aller faire un petit boulot au centre ville, en laissant une part non négligeable de mon revenu à la « Mobilité » ? Individuellement, le choix est complexe et parfois impossible, je subi. Mais, collectivement, nous pourrions envisager les choses autrement.
La religion de la mobilité est menacée par une crise : la disparition du pétrole. Plus de pétrole, plus de mobilité… ou en tout cas, moins. Alors on cherche désespérément des solutions pour sauver la mobilité. Des voitures électriques (atomiques), des voitures au colza (c’est bien connu on a moins besoin de terres agricoles pour nourrir la population).
Mais dès que l’on parle de réduire la mobilité, ça devient très compliqué et on passe souvent pour un extrémiste. Aller, hop, au bucher. Les documents d’urbanismes prônent la mixité des activités, mais il n’empêche que l’on continue à faire des « zones », d’activité, de commerces… Ni les institutions, ni la population ne sont réellement prêts à jouer le jeu d’une vraie proximité de tous les services et de l’habitat. Tout le monde accepterait-il de travailler à moins de 5 km de son habitation et donc de croiser ses collègues de travail ou son patron le week end ? Est-on vraiment prêt à aller faire ses courses dans un commerce de proximité plutôt qu’à la grande surface de périphérie ? Est-on prêt à accepter que la salle des fêtes soit au milieu du bourg et avec un petit parking ? Je pense que ces raisonnements restent malheureusement encore limités. On confond « immobilité » et « immobilisme », ce qui n’a réellement rien à voir.
Bon je reste convaincu quand même qu’il y a plein de personnes qui pensent que l’on peut avoir une mobilité raisonnée et être un peu « athée ». Du moins je l’espère. Je me dis aussi qu’un jour, il y aura peut être une nouvelle forme d’action. Aujourd’hui les grèves dont on parle le plus sont celles des transports (la SNCF en tête évidemment) parce qu’elles bloquent justement notre mobilité. Peut-être un jour il y aura une grève d’un nouveau genre. On pourrait faire une journée « mobilité 0 ». On fait la grève du 10 Km. Personne ne ferait de déplacement de plus de 10 km ce jour là… mais je rêve évidemment (ou je cauchemarde peut être) parce que l’on verrait sans doute notre dépendance à la mobilité.
Le monde moderne alimente la mobilité, et la mobilité alimente le monde moderne…
Mais objectivement, la mobilité est tout de même principalement déclenchée par l’usage de l’automobile… et du fait en effet que les villes sont conçues en partant du principe que l’on utilise une voiture.
Encore cette semaine, me rendant à un magasin bio, j’ai dû accrocher mon vélo sur un poteau de panneau publicitaire (no comment); car le parking était réservé aux bagnoles et n’avait pas prévu d’emplacement pour ranger les vélos…
Vivement que les mentalités évoluent…
Je vais suggérer à mes frères et soeurs de l’église de la très sainte consommation de faire une prière à la sainte mobilité.
Je pense malheureusement être un de ces apôtres de la mobilité. D’ailleurs, lorsque l’on suit le thème de la mobilité, il ne s’agit bien souvent pas de l’automobile mais des solutions de transport en commun qui font une mobilité organisée et efficace. Comme le dit Jaime Lerner, ex-maire de Curitiba, ce sont les axes de mobilité qui doivent déterminer l’urbanisation de la ville et pas l’inverse, sous peine de ne pas maitriser l’expansion de sa ville. Il faut, je l’accorde faire le tris afin d’isoler quelle est la mobilité utile à tout un chacun. Faire 40 km pour aller travailler, 10 km pour faire les courses sont autant de temps de trajet dont il faut s’épargner. Mais pour cela il faut engager une véritable réflexion sur l’aménagement et l’économie des territoires. Penser à l’inverse que ce que prédisait le Corbusier dans sa structure de la ville découpée en ensembles fonctionnels éloignés les uns des autres. Il faut mettre un terme à cette idée de structuration de la ville en rapprochant industries et commerces des lieux de vie. Botter le cul à Carrefour Leclerc et Auchan, relancer les commerces de proximité et redonner de l’intérêt à l’art et à l’artisanat. Néanmoins il faut je pense garder des voies de communication efficaces car c’est la mobilité qui nous relie les uns aux autre ( internet ça va bien 5 minutes ) mais je pense que se priver de la mobilité c’est de se priver d’une chance de rencontrer d’autres personnes et d’autres lieux et de priver autrui de venir visiter son petit patrimoine local. Il est vrai cependant qu’entre une infrastructure couvrant ce besoin et celle devant assurer le flot quotidien de millions de personne faisant maison -> boulot -> maison, il y a un fossé. Mais pourquoi payer des sommes astronomiques dans des infrastructures pour travailler loin, alors que l’on pourrait travailler à coté de chez soi ?