La maison brûle… et on nous construit une niche (fiscale)!

Il est toujours instructif d’observer la fabrication des lois et le chemin parcouru entre le constat d’un problème, la formulation d’une idée, la définition des conditions de sa mise en œuvre, pour enfin arriver à sa concrétisation… et au constat éventuel de ses effets bénéfiques.

En matière d’environnement, le constat semble à peu près partagé et peut se résumer en termes assez simples : « la maison brûle…. »

Pour affronter le problème et ne pas regarder ailleurs… nos représentants ont réfléchi, travaillé, puis voté le 17 août 2015, une loi relative à la « transition énergétique pour la croissance verte » dans laquelle on trouve inscrite la volonté de développer les transports propres pour améliorer la qualité de l’air et protéger la santé, une des actions consiste à aider les entreprises à mettre en place une flotte de vélos prêtés gratuitement aux salariés pour leurs déplacements domicile-travail.

Jusqu’ici – à part l’intitulé de la loi qui laisse perplexe – rien à redire !

On passe à la pratique. La mesure est développée dans le Code général des impôts où on nous informe que les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt égale aux frais générés par la mise à la disposition gratuite de leurs salariés, pour leurs déplacements entre leur domicile et le lieu de travail, d’une flotte de vélos, dans la limite de 25 % du prix d’achat de ladite flotte de vélos, que la réduction d’impôt s’impute sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel lesdits frais ont été générés et que lorsque le montant de la réduction d’impôt excède le montant de l’impôt dû, le solde non imputé n’est ni restituable, ni reportable et enfin qu’un décret précisera les modalités d’application, notamment les obligations déclaratives incombant aux entreprises.

Pour finir de passer à l’action, tout le monde attendait le sésame qui viendrait éclairer le sens de la loi et sans lequel on ne saurait agir : le décret relatif aux modalités d’application. Il est sorti le 24 février 2016. Six mois après la loi, c’est rapide !

Ce décret décrète (passons la section du chapitre du titre du livre de l’annexe du code…) que pour la détermination des frais pouvant donner lieu à réduction d’impôt, il y a lieu de retenir les dépenses suivantes :
« a) Dotations aux amortissements fiscalement déductibles relatives à l’acquisition de vélos ;
« b) Dotations aux amortissements ou charges déductibles afférentes aux achats ou locations d’équipements nécessaires à la sécurité (notamment casques, protections, gilets réfléchissants, antivols) ;
« c) Frais d’assurance contre le vol et couvrant les déplacements en vélo des salariés entre leur domicile et leur lieu de travail ;
« d) Frais d’entretien des vélos ;
« e) Dotations aux amortissements fiscalement déductibles relatives à la construction ou à l’aménagement d’une aire de stationnement ou d’un local destiné aux vélos ;
« f) Frais afférents à la location d’une aire de stationnement ou d’un local destiné aux vélos.

« La réduction d’impôt précité s’applique aux cycles et cycles à pédalage assisté.

Pour l’application de ces dispositions, les entreprises déclarent les réductions d’impôt selon le format établi par l’administration dans les mêmes délais que la déclaration annuelle de résultat qu’elles sont tenues de souscrire.

« La société mère d’un groupe déclare les réductions d’impôt pour le compte des sociétés du groupe, y compris ceux la concernant, lors du dépôt de la déclaration relative au résultat d’ensemble du groupe.»

Que retenir de tout cela :

Lire aussi :  Le Top 10 des excuses pour pas prendre son vélo au travail !

1/ Le casque figure désormais dans une loi au nombre des équipements nécessaires à la sécurité des cyclistes. D’ici à ce qu’il devienne obligatoire…

2/ – « Pfff !… la loi… les déclarations fiscales… la paperasserie… pas que ça à f..tre !… Croissance ! »
– « Non, mais relisez bien Monsieur, au tout début du texte : « les sociétés peuvent… »
– « Ah ! Ouuuf !… donc ce n’est PAS OBLIGATOIRE… ! Elle est bien bonne celle là ! Vous m’avez bien eu… On dirait du Marcel Béliveau… à un moment j’y ai cru ! Bon ben… Bonjour chez vous, il faut que j’y aille, j’ai une croissance verte sur le gaz MOOOAAAA ! »

3/ En attendant que les entreprises (… silence assourdissant, là encore, en ce qui concerne l’État et les collectivités !) achètent des vélos, des casques, des protections, des gilets réfléchissants, des antivols, assurent le tout, prennent un contrat d’entretien, construisent un abri, puis que leurs comptables et leurs juristes se mettent en relation avec les services fiscaux pour être encouragé dans leur vertu écologique, ceux qui veulent se mettre au vélo-boulot-dodo et siffloter « Merci Patron » peuvent commencer à pédaler (même gratuitement) et prendre une sacrée longueur d’avance !

Moralité : la bicyclette ira toujours plus vite que le pas du sénateur, un train de réforme ou n’importe quel véhicule législatif !

3 commentaires sur “La maison brûle… et on nous construit une niche (fiscale)!

  1. Ludovic Brenta

    En Belgique c’est 120% du prix d’achat de la flotte et sans limite…

  2. Jean-Marc

    JC Decaux, Bolloré et d autres vont pouvoir proposer des flottes de vélos et des contrats d assurance..

    Aux autres, mais aussi pour eux :

    ils vont eux-même s’acheter ces vélos à leurs filiales construction vélo + contrats assurance à leur filiale assurance, pour leurs employés (donc chiffre d affaire + bénéfice, et donc 25% des frais sera payé par le contribuable… donc le coût sera forcément réduit..)

    Donc, si le vélo coûte 100€, JC Decaux ou Bolloré ne gagnent que 25€ d argent public..bof bof..

    mais s’il coûte 1000 ou 4000.. le cadeau est bien meilleur… et comme les VAE sont concernés… ils vont offrir des flottes de VAE fait maison à prix spécial contribuable.. prix imbattables par leur non-compétitivité..

    Au moins, on pourrait se dire que, vu leur intérêt financier, cela va permettre aux grands groupes d offrir des vélos et VAE à leur employés.

    Pb : en france, on ne manque pas du tout de vélos, bien au contraire :

    c est d entretien du matériel, de conseils d usage (entretien et déplacements) et surtout de cyclistes, dont on manque :

    Si c est pour avoir des vélos qui s’entassent au fond d’un hangar de JC Decaux ou Bolloré, car, de toute façon, il reste les obligations de nombre mini de places de parkings autos pour les bâtiments + il reste d autres incitations fiscales sur les voitures de fonctions d’un coté (coté employeur + employé), et sur les frais réels de l autre (coté employé seulement), pas sûr qu’il y ait bcp de pub et bcp de volontaires pour monter sur les selles mises à disposition

     

    N.B. le plus intéressant, pour Decaux, Bolloré ou Axa, malgré son intérêt, n est pas l aide à l achat du vélo,

    mais c est bien l aide à l assurance : 25% payé d offert, pour qq chose qui ne coûte rien…

    (une simple ligne, un nom d’une personne sur un contrat, pour l assurer contre ses accidents en vélo quand il est sur un vélo de la flotte d entreprise dans ses trajets domicile-travail, alors qu’il ne va souvent pas se servir du vélo pour aller bosser.. ou, pour les qq rares se servant d’un vélo, qui risquent de préférer le leur, mieux adapter à leurs besoins et envies, que le vélo choisit par des critères extérieurs aux siens, ou -pour qq exceptions- s’il l’utilise, qu’il risque de se servir du vélo de la flotte pour d autres trajets, s’il le trouve bien.. trajets non couverts par l assurance…  Si bien qu’une filiale de Decaux pourra payer cher une assurance à une filiale assurance de Decaux, pour un vélo non utilisé ou non couvert sur l’éventuel trajet de l accident, mais avec 25% d argent public abondant pour ce non-usage…

    Vu sa mise en application plus que limitée, certains trouvaient que l’IKV posait pb..

    visiblement, payer avec de l argent public pour assurer qq chose qui n’a aucune obligation légale d assurance, ne pose pas pb..

    Youpi !

  3. R. Tia

    Il serait intéressant de vérifier que les Vélib, vélo et autres flottes publiques urbaines ne profitent pas de cette niche fiscale. Le prix de revient annuel d’un vélo Decaux est exorbitant (plusieurs fois le prix d’un vélo neuf !).

    On peut reconnaître le rôle positif des vélos Ducaux dans la renaissance du vélo en ville, mais, à investissement égal (finalement payé par tous), n’y aurait-il pas autre chose à faire pour le vélo en ville ?

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