Exercice de double-pensée à Annecy

Jeudi 11 avril 2019 avait lieu la soirée de lancement des Ateliers Climat du Grand Annecy. Ces derniers doivent permettre l’élaboration du Plan Climat Air Énergie Territorial et sont imaginés comme « un grand débat participatif sur les questions du changement climatique: comment l’atténuer, comment s’y adapter?« 

Ce qui est vrai au niveau national l’est d’autant plus sur ce territoire: le premier responsable des émissions de GES est, de loin, le transport. Ainsi, l’Observatoire de l’énergie et des gaz à effet de serre Auvergne Rhône-Alpes avance les chiffres suivants pour l’année 2015: 43 % des émissions sont imputables au transport routier (2/3 personnes, 1/3 marchandises), loin devant le résidentiel (26%). Mais surtout, la tendance est à l’aggravation: depuis 1990, les émissions de GES dues au transport routier ont cru de 22 %. Sa part relative est ainsi passée de 36 % à 43 % du total en 25 ans (quand le résidentiel reculait de 3 points).[1]

Et ça n’est pas parti pour s’arranger: rappelons que la Communauté de l’Agglomération d’Annecy et le Conseil Départemental de la Haute-Savoie ont signé en 2016 une convention de financement global pour tous les aménagements routiers programmés dans l’agglomération. Il y en a pour tous les goûts: déviations, giratoires, doublement de capacités (chaussées, viaducs, bretelles d’échangeurs), percement d’un tunnel, création de liaisons nouvelles, etc. Les élus locaux font feu de tout bois. Et quand on aime, on ne compte pas: 432 millions d’euros sont mobilisés.[2]

Un des objectifs avancés de ces projets est « la réduction de la pollution et la préservation de l’environnement. » Sans rire. Malheureusement pour leurs promoteurs, la communication n’est jamais parvenue à modifier le réel.

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Ainsi, en 2018, ATMO Auvergne Rhône-Alpes a évalué les conséquences de ces projets à l’horizon 2030: + 20 % de kilomètres parcourus en voiture, + 14 % d’émissions de CO2.[3] Ce deuxième chiffre paraît même optimiste au vu de le la tendance à la hausse des émissions moyennes de CO2 des véhicules vendus en France depuis 2 ans.[4]

Dans ces conditions, et en vue des municipales qui approchent, on ne pourra que conseiller aux élus de s’intéresser à la double-pensée, concept forgé par George Orwell dans son roman 1984. Une définition simplifiée pourrait en être: « Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. » (George ORWELL, 1984, Première Partie, Chapitre III)

Faire croire que l’on peut réduire les émissions de GES en augmentant celles du secteur responsable de près de la moitié d’entre elles: voilà un exercice de haute-volée, à la hauteur de nos stratèges!

 

Notes

[1] (pp. 16 & 21) http://oreges.auvergnerhonealpes.fr/fileadmin/user_upload/mediatheque/oreges/Publications/PECT/JedoxReport_PDF_200066793.pdf
[2] https://www.hautesavoie.fr/espace-presse/convention-d%C3%A9partement-c2a-432-m%E2%82%AC-investis-dans-l%E2%80%99agglom%C3%A9ration-d%E2%80%99annecy-pour-des
[3] ATMO Auvergne-Rhône-Alpes
[4] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publicationweb/182