Le Pic de Hubbert

La fin de la société pétrolière

Tout d’abord, soulignons que la prévision classique « il reste assez de pétrole pour tant d’années » est faite en supposant que la consommation reste constante. Malheureusement, c’est très loin d’être le cas. Ces dernières années, de nouveaux très gros consommateurs (la Chine et l’Inde pour l’essentiel) sont apparus sur le marché et consomment autant qu’ils le peuvent. Ceci étant dit, poursuivons.

Comme toutes les ressources finies, la production de pétrole a commencé et finira à zéro. Entre ces deux extrêmes, la production passe nécessairement par un maximum. On appelle ce maximum le « pic de Hubbert », du nom du géologue qui l’a calculé le premier. Il se produit approximativement quand la moitié du pétrole disponible a été extraite, et tout laisse à penser que ce pic est imminent.

En 1956, le géologue King Hubbert (photo) a prédit que la production de pétrole aux USA atteindrait son maximum aux alentours de 1970 avant de commencer à décroître. Evidemment, tout le monde l’a ridiculisé. Et pourtant, il avait raison et, depuis 1971, la production de brut aux USA ne cesse de baisser. Bien sûr, ce phénomène n’est pas propre à ce pays mais commun à toutes les régions productrices. Seule la date diffère. A l’heure actuelle, la plupart des pays ont atteint ou dépassé leur pic de production. Les seuls pays ne l’ayant pas encore atteint sont au Moyen-Orient.

Maintenant il est évident que, si l’on considère la production mondiale dans son ensemble, le même phénomène doit se produire. Selon le site de l’ASPO, la date la plus probable est 2008… C’est plutôt proche, non ?

Les tendances actuelles des découvertes de pétrole montrent en outre que les réserves de pétrole sont déjà en baisse. Dans le même temps, le prix du pétrole s’envole

A ce point de notre raisonnement, quelques remarques s’imposent :

– Le gouvernement américain actuel rassemble beaucoup de membres de l’industrie pétrolière. Il est très probable que leur invasion de l’Irak ait été planifiée en prévision du « peak oil ».

– Pour extraire du pétrole, du charbon ou des sables bitumineux, on a besoin d’énergie (pompes, etc), et donc de pétrole. En d’autres termes, il arrive un moment où l’extraction n’est plus rentable, et ceci quel que soit le prix du marché. S’il faut brûler un baril pour en récupérer un, on ne le fera pas, même à 10 000 $ le baril. C’est un concept que les économistes de le Terre plate ont beaucoup de mal à comprendre… De nombreuses réserves d’hydrocarbures fossiles sont donc « hors de portée » et ne seront jamais utilisées sauf, peut être, comme source de matières premières non énergétiques.

Sachant :
* Que les derniers champs géants de pétrole ont été découverts dans les années 1960
* Que les champs géants d’Arabie Saoudite sont vieux de 60 ans, et devraient bientôt commencer à décliner
* Que les réserves des pays membres de l’OPEP ont été artificiellement gonflées dans les années 1980 suite à la « guerre des quotas » qui favorisait les pays possédant les plus grandes réserves, et que les réserves véritables sont donc inférieures à celles officiellement annoncées
* Qu’il faut trouver le pétrole avant de le consommer et que, depuis 1980, la consommation dépasse les réserves découvertes (nous dépensons actuellement quatre barils de pétrole pour chaque baril découvert)
* Que la fusion nucléaire ne sera pas maîtrisée avant une cinquantaine d’années au moins et que la fameuse « fusion froide » reste très hypothétique
* Que le gaz naturel commence déjà à manquer en Amérique du nord
* Que la plupart des énergies alternatives sont, en partie, rendues viables grâce à l’existence d’un pétrole bon marché (par exemple, il faut beaucoup d’énergie pour extraire le charbon et acheminer le minerai)
* Que le prix actuel du baril de brut est aux alentours de 65$US…

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Je pense qu’il est temps de s’inquiéter sérieusement. Après tout, la crise de 1929 (Qui était pourtant une crise de surproduction) et les deux derniers chocs pétroliers n’étaient pas des événements particulièrement joyeux. Il y a naturellement quelques optimistes qui prétendent que la situation est totalement différente, et que nous n’avons rien à craindre avant une quinzaine d’années supplémentaires (ce qui nous amène aux alentours de 2023). Je ne sais pas ce que vous en pensez mais, si la seule différence entre les pessimistes (ou plutôt les réalistes) et les optimistes est une misérable quinzaine d’années, c’est plutôt inquiétant.

Pour ceux qui seraient encore sceptiques, rappelez-vous les grèves des routiers (et des pêcheurs, mais on en a moins parlé et ils étaient plus faciles à ignorer). Le pays a été paralysé parce que le prix (hors taxes !) du pétrole était trop élevé. On parle ici de centimes. Imaginez ce qu’un prix à la pompe doublé, triplé, voire plus, engendrera ! Le pétrole pas cher, c’est fini ! Il suffit de moins d’une semaine pour que les produits frais commencent à manquer en magasin. Notez également que pendant la dernière grève des routiers en Grande Bretagne, les opérations chirurgicales non urgentes ont été annulées…

Au risque de vous surprendre, le pic de Hubbert a déjà eu des conséquences. Le pic global ne s’est, à priori, pas encore manifesté, mais les pics locaux qu’ont connus les pays producteurs ont eu au moins deux conséquences très intéressantes :

* Les USA ont connu leur pic de production en 1970. A peine trois ans plus tard, en 1973, les pays de l’OPEP se sentaient suffisamment en position de force pour relever leurs tarifs, conduisant ainsi au premier choc pétrolier. Bien sûr, cette crise était politique. Néanmoins, elle ne se serait jamais produite si la géologie n’avait pas déjà limité la production des USA. De ce point de vue, cette crise était une répétition de ce qui nous attend. (La production hors du Moyen-Orient s’épuise plus vite, de sorte que, dans le futur, la production se concentrera de plus en plus dans cette région, qui dispose des réserves les plus importantes de la planète)

* L’ancienne URSS a connu son pic de production en 1987. Quatre ans plus tard, elle s’effondrait complètement. Bien sûr, on peut toujours dire que le communisme était inadapté et a fini par capituler devant le capitalisme triomphant. C’est peut être le cas, mais ce système a quand même tenu soixante-dix ans avant de s’en apercevoir.

Une dernière remarque pour finir. Les biocarburants ne sont pas non plus la panacée. Ces plantes ont aussi besoin d’engrais et de pesticides, et il faut donc du pétrole pour avoir un rendement suffisant. En outre, si l’on voulait faire rouler toutes les voitures au carburant vert, il faudrait une surface cultivable supérieure à celle dévolue actuellement aux cultures agricoles ! Il faudra alors choisir entre nourriture et carburant.