Sur mon vélo, je pars au grand air, l’air de rien, habité par une certaine insouciance et joie de vivre. De mon vélo, je vois le monde beau et en paix.
Rien ne peut m’atteindre du haut de mon outil de liberté.
Rien ne sent, si ce n’est l’odeur de la nature et des herbes coupées.
J’accélère, bercé par l’air qui fouette mon visage et ce silence ponctué par le doux bruit du vent.
Il ne reste plus que quelques kilomètres.
A cette heure matinale, très peu de voitures circulent, ce qui accroit ma sensation de liberté et de quiétude.
Je vois à quelques centaines de mètres, une première côte s’annoncer. Je change de braquet et me cale bien sur ma selle, prêt à l’effort.
Dans la rumeur matinale de la ville, j’entends venant de l’arrière un grondement de moteur diesel qui semble s’accentuer rapidement dans ma direction.
Est-ce une voiture, un camion ? Je me serre à droite et redouble de vigilance.
Le son que j’entends semble déchirer l’air. Il est rauque, grave et élevé, entre claquements et vrombissement. Le moteur accélère son régime comme pour se préparer à la côte et le bruit s’intensifie.
Si je pouvais boucher mes oreilles pour empêcher ce son d’entrer, je le ferais.
Soudain, cette sonorité s’accompagne d’une forme métallique. Je vois surgir de ma gauche une voiture haute et longue, conduite par un monsieur.
Il est seul et a l’air renfrogné et crispé, sans doute non content de devoir ralentir et faire un écart pour me doubler.
Il n’a pas l’air heureux ce monsieur.
Moi non plus à cet instant.
Soudain, cette masse métallique me dépasse et laisse échapper des volutes de fumées brunâtres et des effluves âcres et suffocants que mes poumons, grands ouverts, inhalent.
Si je pouvais me boucher les voies respiratoires pour ne pas inhaler ces fumées, je le ferais.
Des questions me viennent alors :
Qu’est-ce que mon corps a absorbé ?
Le conducteur sait-il ce que produit son véhicule ?
À ce prix, était-il indispensable qu’il prenne sa voiture pour son trajet ?
Ce dernier est-il plus légitime que le mien ?
Comment peut-il ainsi s’octroyer le droit de dégrader son environnement et la santé d’autrui ?
Un goût amer et pâteux de résidus de suie dans la bouche a fini par clore cette pénible rencontre mazoutée.
jusqu’en 1943 le diesel était utilisé comme gaz mortel dans les chambres à gaz sur les camps d’extermination…depuis quelques années, auto-gazage volontaire subventionné par l’Etat, vivre dans un monde de fous auquel je m’accroche malgré tout…sur certaines grosses bagnoles, il y a 4 sorties d’échappement…au diable l’avarice et les avaricieux…