Les écraseurs

Nulle part on n’écrase comme à Paris. C’est que dans aucune grande agglomération la réglementation de la circulation n’est tombée dans une telle désuétude. Les autos civiles et militaires, à présent civiles plutôt que militaires, s’en donnent à cœur joie. Femmes, enfants, vieillards, bref tous ceux qui n’ont pas bon pied bon œil sont des victimes désignées dans les randonnées à toute allure dont nos principales voies et nos places publiques offrent le spectacle quotidien et accoutumé. Les chauffards s’en tirent à si bon compte. Il y a si peu de contraventions.

Les tables de la statistique révéleraient, si on se donnait la peine de les consulter, qu’il n’y a plus à peu près aujourd’hui de procès-verbaux de police, mais que, par contre, la liste des accidents graves s’allonge dans des proportions effrayantes. Remarquez que, dans la plupart des cas, si l’on écoutait les écraseurs, ce serait la faute des écrasés. L’administration, de son côté, n’y est pour rien.

M. Raux (le préfet de police de Paris) n’obtient pas le nombre d’agents dont il aurait besoin pour une nécropole comme Paris. Les lois existent, les règlements sont bons, mais s’il n’y a personne qui s’occupe de les faire respecter comment voulez-vous remédier à un état de choses non seulement scandaleux mais dangereux ?

Les morts vont vite par ce temps-ci sur nos boulevards et l’insécurité de Paris, en attendant qu’on veuille bien songer à y mettre le holà, est devenu proverbiale. Et si cela continue, le public pourra bien être obligé de faire sa police lui-même. Gare alors aux écraseurs. La justice du peuple n’est ni lente, ni tendre.

Source: Le XIXème siècle, jeudi 7 août 1919
Image: Walter Molino

Un commentaire sur “Les écraseurs

  1. Letard

    Bonjour à tous,

     

    comme je l’ai, je pense, déjà signalé auparavant, pour éviter des accidents regardez la plaque avant.

    A votre service.

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