Drame de l’été: un président d’ONG les pieds dans le kérosène

Nous venons d’apprendre la mort du président du WWF France cet été. Le WWF? C’est tout simplement la plus grande association écologiste du monde, fameuse pour son sigle représentant un petit panda. Une ONG, avec tout l’aura qu’on porte à sa parole dans les médias et dans les grandes rencontres internationales. En France, le WWF était donc représenté par cet homme, connu pour avoir été un des artisans de la loi de transition énergétique. Il a été un infatigable militant prônant la nécessaire diminution des gaz à effet de serre, la modération de la consommation énergétique, et aussi, figure imposée dans ce milieu, la sortie du nucléaire. Les hommages pleuvent de partout et il est vrai que nous ne pouvons qu’être attristés par une telle nouvelle, pour lui et pour ses proches.

Mais il y a une chose troublante tout de même dans cette agitation médiatique: on apprend qu’il est mort en faisant de la plongée sous marine en Polynésie Française. On ne peut alors s’empêcher de faire tourner la machine à calculer dans sa tête: voyons donc, AR en avion, environ 34.000 km, et connaissant la consommation courante d’un avion commercial et d’une automobile par passager et par km, on peut aisément calculer que c’est environ l’équivalent de la consommation d’énergie du trajet cumulé d’un salarié, travaillant à 25 km de son domicile et s’y rendant en voiture tous les jours, pendant 3 ANS (*).

Vous avez bien lu, il a consommé en kérosène 3 ANS de trajet moyen cumulé domicile-travail d’un français lambda juste pour un usage de loisir et pour pouvoir photographier quelques poissons rouges. Certes on objectera qu’il y est allé aussi pour donner des conférences, à coté des poissons rouges, et on peut penser qu’elles sont indispensables pour faire prendre conscience du réchauffement climatique. Mais on pourrait objecter aussi qu’il aurait pu user d’un outil à la portée de tous, la visioconférence, et cela aurait été une occasion formidable d’appliquer les principes de la sobriété et de l’efficacité énergétique qu’il prône partout, plutôt que de se rendre à l’autre bout de la planète. Il aurait sans doute même eu droit à quelques articles dans la presse française vantant à juste titre cette exemplarité. Peut-être aussi que cette dernière solution a été vite abandonnée, tout simplement parce que la plongée sous marine, à distance, et par écrans interposés depuis la banlieue parisienne, c’est tout de même moyen.

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Au delà de ce drame, il est édifiant de constater cet écart entre le discours culpabilisant vis-à-vis des classes populaires et le train de vie de ces personnes (avec le bilan carbone qui va avec). Et on imagine bien que ce n’est que la partie immergée de l’iceberg: cela doit être courant dans ce milieu, car nous avons été tenus informés ici que par le biais de circonstances exceptionnelles, à savoir un décès accidentel.

Personnellement, cela fait 15 ans que je me refuse à prendre l’avion pour un usage de loisir et me contente, pour les vacances, d’aller dans mes chers Pyrénées en train pour y randonner. Entendons-nous bien, je ne veux donner de leçons ici à personne: la vie est souvent compliquée, et chacun fait comme il peut concernant ses pratiques et son mode de vie. Mais je tiens à faire remarquer, que ce sont souvent les mêmes qui me taxent de « productiviste » dans les débats et me donnent des leçons sur le retard supposé des communistes pour les questions d’écologie (les militants du PCF, sur le terrain, qui se battent souvent seuls, depuis des années, pour maintenir des gares SNCF de proximité apprécieront), et qui n’hésitent pas en même temps, pour un oui ou pour un non, à prendre l’avion. C’est un constat qui se vérifie assez bien statistiquement, je peux vous l’affirmer. Et souvent, lorsque mes détracteurs, une fois calmés, finissent la discussion en me racontant leur superbe expérience de l’été, à la rencontre de villageois au fin fond de l’Asie, et en affirmant au passage y avoir découvert la sobriété et simplicité volontaire: vous comprenez facilement que je m’étrangle de colère… un peu comme ce soir.

(*) —> calcul en prenant soin de diviser la consommation totale de l’avion par le nombre de passagers, et avec l’hypothèse que l’avion est plein… lorsqu’il est à moitié vide, c’est bien pire!

AB

http://environnement-energie.org/

5 commentaires sur “Drame de l’été: un président d’ONG les pieds dans le kérosène

  1. Vincent

    Rien de nouveau. Regardez Yann Arthus-Bertrand ou Nicolas Hulot. Il existe même un mot pour ça : « hypocrisie ».

    Et c’est pas le grand raout de la COP21 qui va contribuer à la diminution des émissions de GES.

    On brûlera tout.

  2. bertrand

    Ça me rappelle irrésistiblement Jean-Louis Borloo, à l’époque tout nouveau ministre de l’écologie et du développement durable, allant au Groenland pour mesurer les effets du réchauffement climatique.

  3. alfred

    Tout à fait d’accord. MAIS l’auteur est professeur agrégé de génie civil. Le génie civil ne pollue pas. Il plante des arbres et permet de faire des siestes à l’ombre ?

    Il n’y a pas de solution, ni de solutions.

    L’humanité n’y arrivera pas. Nous sommes condamnés à la croissance.  Ou à la décroissance sauvage et chaotique. Nous ne savons pas économiser ou alors quand il est trop tard. Nous ne savons pas contrôler notre démographie.

    Nous ne savons pas faire grand chose à part piller et faire des bébés.

    Pourquoi prendre l’avion ?

    Au début du siècle dernier, les cyclistes enfourchaient leur monture d’acier et parcouraient la France. Les historiens ont dénombré jusqu’à 500 pays avec leur patois, leur folklore…différents. Bref de l’exotisme à portée de guidon.

    Aujourd’hui, pour ne plus voir les Mac DO, les Décathlon, les Carrefour, la bicyclette ne suffit plus.

    Si tu ne prends pas l’avion, un autre le prendra.

     

  4. pedibus

    Rouvrons les carrières avec Amar Bellal!

    Les maçons au pouvoir!

    Juste ce qu’il faut de ciment pour jointer : le mortier des Romains évoqué par je ne sais plus quel Carfriste et le tour est joué!

    Mettez  les moellons étiquetés avec je ne sais plus quelle puce RFID, faites tourner dans une immense bétonnière nouveau genre, qui vous ajuste ça en CAO automatisée et zavez du mur préfabriqué haut de gamme low cost, et laissez donc tranquille mon génie civiliste bien sympa toutes choses égales par ailleurs…

    Quant aux leaders des bonnes causes, WWF ou Vatican, feraient bien de se peser souvent sur la balance bilan carbone/empreinte écologique quant à leurs pratiques quotidiennes ou vacancières…

    Bref v’la la synthèse qu’il fallait ce soir, de votre serviteur zélé non utilisateur de la chimie du même nom…

    boaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

  5. Haricophile

    >> Rien de nouveau. Regardez Yann Arthus-Bertrand ou Nicolas Hulot. Il existe même un mot pour ça : « hypocrisie ».

    Le terme employé a surtout été « Hélicologiste » qui est assez signifiant et pointe bien la contradiction sans prétendre trancher arbitrairement entre la part de mauvaise foi, de naïveté ou de nécessité du mode d’action de ces gens.

    C’est assez utopique de prétendre agir de manière un tant soit peu efficace au niveau mondial sans se déplacer. De même que entre défendre un lobby pétrochimique et « vivre à la manière préhistorique », il y a beaucoup de gradations. De toute manière rien ne se fera du jour au lendemain sans transition ni souplesse : dans l’histoire à chaque fois que quelqu’un a prétendu faire autrement ça, ça s’est systématiquement très très mal terminé. Il faut rester modeste.

    Je ne vais pas non plus rentrer dans la polémique de la « nature » sont le fonctionnement général ne correspond pas tout à fait à l’idée assez imparfaite de ce qu’en pensent beaucoup d’écologistes, d’ailleurs on en découvre tous les jours de nouveaux aspects. L’idée générale reste que la vie sur notre planète dépend d’une question d’équilibre et qu’on l’a sérieusement foutu en l’air par égoïsme et convoitise.

    Amicalement

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