Voaex (Vostel, 1976)
L’usage de masse de l’automobile particulière entraîne une discrimination négative de la jouissance de l’espace collectif.
L’espace public devrait être un donné égal pour tout individu quels que soient sa condition, sa forme physique ou son âge. Or, que constate-t-on? que la voiture a tendance à introduire des discriminations en empêchant certaines catégories soit de conduire une voiture, soit de se déplacer à pied.
Régulièrement, on voit de nouvelles mesures restrictives s’appliquer aux conducteurs comme la récente interdiction de conduire sous l’emprise de certains médicaments. Régulièrement, aussi, on parle d’empêcher les personnes trop âgées de conduire par des contrôles systématiques d’aptitude. Des campagnes très importantes ont été menées contre l’alcool au volant. Le permis de conduire devient une épreuve de plus en plus exigeante et difficile. Le résultat est que 80% de l’espace, l’espace roulant constitué des voies goudronnées n’est accessible qu’à une catégorie sélectionnée d’individus.
La croissance automobile a également l’effet de dissuader l’appropriation motrice de l’espace en gênant les déplacements piétons ou cyclistes. Cet effet dissuasif est renforcé sur les personnes déjà exclues de l’autonomie de déplacement motorisé parce que trop jeunes ou trop âgées ou malades ou handicapées pour qui, traverser une voie passante, est éprouvant.
Ce double effet discriminatoire et dissuasif fait que ce sont précisément les personnes qui en ont le moins besoin qui bénéficient des moyens motorisés: les jeunes et les personnes en pleine possession de leurs moyens physiques et intellectuels, celles-là même qui sont le plus à même de se déplacer à pied ou à vélo alors que les moyens de déplacement motorisés devraient revenir en priorité aux vieux, aux malades et aux handicapés!
Selon moi, le problème n’est pas la voiture mais sa transformation en objet de consommation de masse. L’automobile particulière devrait non pas être un objet de grande consommation, mais un objet utilitaire raréfié et ralenti. On pourrait donc trouver des véhicules motorisés dans une « ville sans voiture » mais qui se déplaceraient très lentement (plus ou moins au pas) pour ne pas gêner les citadins qui décident de se déplacer de manière respectueuse de la nature, de l’environnement et des riverains, c’est-à-dire à pied ou à vélo.
Gilles Chomel
http://gilles.chomel.free.fr/lavissan.htm