Projection de l’ego
L’homme motorisé est un personnage stupéfiant. Le « je » qui vient de s’installer au volant ne ressemble plus que par de vaines apparences au « je » qui, l’instant d’avant, vaquait à ses occupations de citoyen, l’homme de métier ou le père de famille.
Dès que, contact mis, le tremblement rituel a saisi l’officiant, que la cadence du moteur secoue à peu près comme celle de la frénésie collective secouant les adeptes du Vaudou, un être nouveau se substitue au débonnaire personnage dont il a pourtant tous les traits. Il ne s’agit plus d’utiliser un moyen pratique de se rendre d’un point à un autre. Il s’agit de conquérir l’espace, par l’effet d’une connivence avec l’invisible.
Georges Portal et Robert Poulet
Pour ou contre l’automobile
Ed. Berger-Levrault, 1967