Toujours bravant la pluie joviale, me voilà victime d’un accident digne des caricatures.
Chantant gaiement sur ma petite reine, un vendredi, de retour du travail et arpentant les rues avec souplesse et légèreté afin de m’évader quelques instants, oubliant ainsi ce à quoi je m’expose quotidiennement : le bruit, la pollution, les frôlements de cubes motorisés pesant 30 fois mon poids,…
Par la contrainte, je m’expose donc, et comme tous les modes actifs, à des armes mobiles. En effet, je dois sillonner à travers ces dérives sociétales car je n’ai pas envie de m’enfermer chez moi, que je dois me rendre au travail et que j’ai un besoin d’entretenir ma vie sociale.
Le vendredi de Monsieur Mercedes :
Descendant la rue très large[1] et bien fréquentée par les transports en commun, les taxis, les automobilistes, les motos, les cyclistes et les piétons et arrivant à un carrefour en T, un taximan à ma gauche s’arrête.
Cet arrêt n’est pas seulement parce qu’il en est contraint par la congestion en amont du feu rouge au carrefour suivant, mais aussi parce qu’il est pris dans un élan de courtoisie, son intention étant de laisser passer une Mercedes venant en sens inverse et souhaitant emprunter la rue à ma droite.
Son geste m’aura porté préjudice car Monsieur Mercedes lui a fait une confiance aveugle puisqu’il ne m’a pas vue surgir.
Heureusement, la tôle de la déesse Mercedes n’a rien encaissé.
Sous l’effet du choc, Monsieur Mercedes a dû claquer la portière de sa déesse pour tonitruer et blasphémer contre les cyclistes du monde entier. Il est évident que l’affrontement est entièrement de ma faute. En fait, de la faute de tous les cyclistes Terriens.
Monsieur Mercedes, après avoir vérifié l’état de la carrosserie de sa déesse, n’a pas décoléré.
Moi, toujours à terre, ainsi que ma petite reine, je suis soumise à un questionnement intérieur pas très agréable sur l’attitude exemplaire de ce Monsieur au merveilleux ton accusateur, et injurieux de surcroît.
Pour un homme aux apparences de bonne éducation, maître de lui, je tends l’oreille et je fait preuve d’un très bon réflexe car, sans culpabilité, mon téléphone vient à moi pour composer trois précieuses touches : 101.
Au bout du combiné, Monsieur le Policier, bienveillant, prend note de mes précisions, un descriptif rallongé par mon sanglotement avec le bruit de fond interprété par Monsieur Mercedes, comédien expert en art dramatique.
Sans doute surpris et ayant oublié le tissu de mouchoir en guise de lot de consolation, il s’autorise une attitude d’hostilité à mon égard en m’accusant de parfaite comédienne.
La pluie, en cette journée, m’a aidée à verser de chaudes larmes.
Monsieur Mercedes, m’entendant répondre à Monsieur Police que mon vélo est probablement accidenté, a affirmé sans pudeur, mais digne d’un expert en mécanique vélo : « Vous rêvez ! Votre vélo n’a rien ! », tout en caressant le bleu métallique de sa déesse Mercedes.
Et ne tarissant pas d’éloges à mon égard, Monsieur Mercedes me reproche de le mettre en retard à son rendez-vous très très très important à tel point qu’il semble indéniable qu’il est la victime.
Je vous assure qu’être face à un tel individu doté de tant d’empathie et de gentillesse déculpabilise dans la démarche de défense.
Tous ces propos sont bien entendus par mon interlocuteur Police qui prend l’initiative de me garder en ligne, ceci en attendant la patrouille.
Après quelques échanges, je décide de raccrocher pour prévenir ma mère que notre week-end en Flandre est à reconsidérer.
Me noyant dans un lot d’accusations calomnieuses et d’injures, voilà que les taxis de passage (et qui n’ont pas assisté aux différents actes) l’encouragent par un soutien très prononcé, ma bécane étant la preuve tangible et indubitable de ma culpabilité et de leur objectivité[2].
Pendant que les Messieurs STIB [3] s’arrêtent pour me proposer leur aide, les Messieurs Taxis s’excitent.
La petite historiette de Monsieur Taxi : arrivant au carrefour, il s’insurge en klaxonnant comme un enragé, sans doute en manque de sa dose journalière, et nous précise, à juste titre, que nous gênons le carrefour. Après quoi, je lui réponds que nous devons attendre la patrouille afin qu’elle constate les faits, Monsieur Taxi ripostant que nous n’avons qu’à prendre des photos.
Mais c’est qu’il a raison, Monsieur doit être un expérimenté de la conduite ou, dirais-je, un inexpérimenté.
Je lui précise donc que nous n’avons pas d’appareil photo à portée de main.
Sur quoi il rétorque que nous aurions dû prévoir… à moins d’être une touriste, d’avoir le téléphone multifonction, je ne pense pas que quiconque puisse prévoir qu’il va être impliqué dans un accident.
Je vous passe tous les reproches qui ont suivi et le préjudice moral supplémentaire que j’ai subi.
Après que ce taxi fût parti, Monsieur Mercedes aimant sans doute se ridiculiser en toute diplomatie et délicatesse précise que, je cite, « même les taxis sont dans mon clan, ça prouve mon innocence, alors qu’ils savent que je ne les aime pas, tous ces étrangers arabes et autres » Bravo, quelle déduction !
Le mélodrame se calme par l’arrivée de la patrouille qui constate les faits.
Monsieur Police demande à Monsieur Mercedes de déplacer sa voiture et de les rejoindre pour un alcootest, procédure légitime qui leur est imposée. Ce dernier, surpris et sur un ton condescendant leur rétorque : « M’enfin, Monsieur, vous m’accusez d’avoir bu ?!! ». Un brin de jugeote finit par l’atteindre et lui impose ainsi une petite trêve de discutaillerie inutile.
Après quelques instants, Monsieur Police m’invite à le suivre dans la fourgonnette pour y déposer ma version des faits. C’est en cours d’échange qu’un fond sonore toujours très désagréable tente de s’immiscer. Je n’ai jamais entendu autant le terme « menteuse » en si peu de temps.
Monsieur Police, sans doute exaspéré par l’attitude de Monsieur Mercedes à l’oreille très attentive et la langue bien pendante, finit par céder : « il commence à être lourd, là ! », tout en se levant et fermant énergiquement la porte du véhicule.
Après quoi, déculpabilisant davantage, je demande à Monsieur Police d’ajouter dans ma déposition que je me rendrai aux urgences dès qu’ils en auront terminé avec moi.
Aujourd’hui, mon vélo est retapé et se porte à merveille.
Aujourd’hui, je dois débourser tous les frais en attendant désespérément des nouvelles de mon assurance attendant des nouvelles de l’assurance de Monsieur Mercedes, attendant des nouvelles de Monsieur Mercedes…
[1] suffisamment pour mettre deux pistes cyclables de part et d’autre de la chaussée
[2] Personnellement, je n’aime pas me comporter comme eux en me basant sur des généralités, mais je constate, au vu de mon expérience (en tant que cycliste ou cliente), qu’ils sont injustes, malhonnêtes et dangereux.
[3] Société des transports intercommunaux de Bruxelles
La cycliste est vraiment resté zen face à cette vague de violence et d’agressivité de la part du chauffard. Chapeau bas!
(Perso j’aurais probablement péter les plombs en vu de l’attitude de Mr Mercedes notamment!)
J’en aurais connu des situations du même type:
– Freinage d’urgence et gadin parce que le mec ouvre sa portière sans regarder. Il te regarde parce que tu es par terre et se met à rire en disant « ben quoi? ».
– Les mecs qui te serrent ou qui sont garés sur les pistes cyclables et toi tu dis « quel connard » et hop, ils se mettent à te poursuivre pour essayer de te faire chuter. Ta survie passe par une rue en sens interdit ou par le fait de monter sur le trottoir.
Et les flics qui te verbalisent parce que t’es sur une piste cyclable en contre-sens mais que pour eux, t’es en sens interdit. Et tu leur dis que c’est n’importe quoi alors que y’a 3 voitures garées sur la piste cyclable ou le trottoir et t’as quoi comme réponse? « des mecs comme toi, çà devrait pas exister ».
Dans mon histoire (réelle), les policiers ont été exemplaires…
Mais, comme je le précisais dans le communiqué n°1 relatif aux taxis et à la procédure de plainte, là, il y a réellement un problème. Que ce soit pour porter plainte contre les taxis ou tout autre automobiliste… Ils attendent des faits objectifs tels que griffes sur carrosserie (pas sur le vélo, ça ne compte pas !), blessures (et encore… si pas de membres cassés, j’en doute),… Donc, mieux vaut se casser la binette (le plus défiguré et visible possible, entendons-nous bien) pour être écouté ?
Bon courage. Un accident est toujours pénible, même quand les suites matérielles et physiques sont légères.
Bon réflexe d’appeler les autorités.
A+
TOM.