Encore le syndrome « Not in my backyard »

reburbia

Depuis mon revirement de la voiture pour aller à mon boulot à 16 km de là où j’habite au vélo à 10 minutes de tout, il m’arrive d’être insistant auprès de mon entourage pour persuader d’engager un revirement semblable. Je suis souvent un peu trop frontal. Ça doit a minima exaspérer. En tout cas, je suis sûr que ça renvoie les personnes à des contradictions internes. On en a tous.

Je vous soumets ici un échange de courriels pour tenter de persuader une sympathique collègue à ne pas habiter à 25 km (50 aller-retour) de là où elle travaille pour son prochain boulot. Vous pourrez constater que la pratique du vélo ne s’arrête pas à mettre les fesses sur la selle mais bien à un changement profond d’existence. Et selon moi, c’est bien la difficulté qui demande beaucoup de temps et de motivation individuelle. Comment l’instituer dans une société si normative. La pratique cycliste est tout à fait symboliquement en marge en France. Quoique tout à fait Kyoto compatible…

Et vous, vous tentez de vous mettre en froid avec votre entourage personnel et/ou professionnel ? Ici, je crois que mon message travaillé et réfléchi sur la forme a été accueilli sans être un « pointage du doigt » mais je ne suis pas sûr qu’il fasse vraiment avancer le schmilblick. En tout cas à court terme, restons positif…

Bonne lecture.
Cyclistiquement,

Sébastien F

Message

Salut EB,

Tu mentionnais mes convictions lorsque nous avons parlé de là où tu souhaitais t’installer à Besançon. Ça m’a surpris. Sont-elles à ce point exclusives ? Elles le paraissent apparemment. Pourtant, je ne comprends pas qu’elles soit si singulières.

Faire en sorte qu’il y ait moins de pollution, moins de problème respiratoire pour mes voisins, donner de l’autonomie à mon enfant en le laissant la possibilité d’aller voir ses copains, d’aller au cinéma, au musée…, avoir de l’activité physique pour m’entretenir, participer à la vie associative de la cité,… c’est pas qu’une question de convictions.

Lire aussi :  Mobilité du futur à Vegetal City

Tu m’as dit que tu recherches le contact avec la terre. Tu peux probablement en trouver en étant plus proche que 25 km de ton lieu de travail. Il y a des potagers ou jardins partagés.

Nous avons tous des contradictions. Celles que je soulève ne sont pas un motif de critique de ma part, c’est simplement un motif d’encouragement à éviter la sempiternelle histoire : « Je vis en-dehors de la ville qui m’emploie et du coup, je la dégrade ce qui me donne encore moins envie de l’habiter, etc… ». La ville (sa périphérie accessible) a besoin de gens comme toi. D’autres personnes veulent faire de nouveau entrer la nature en ville…

Ce message ne nécessite pas de réponse. Je voulais aller jusqu’au bout de ce qui me restait dans la tête. J’en rajoute à tout ce à quoi tu dois faire face. Bon courage.
Amicalement,

Sébastien F

Réponse

Bonjour Sébastien F,

J’ai bien reçu ta tirade. Je sais bien que tu as raison dans le fond. Je suis d’accord avec ce que tu écris et notamment sur le fait que la ville polluée n’est pas une fatalité, et que c’est à nous qu’appartient le fait de faire rentrer la nature dans la ville.

La vraie raison de ma récaciltrance à aller en ville vient plutôt de mon éducation qui m’a donné goût aux grands espaces verts et déserts. Peut être qu’un jour je serai moins têtue, moins sauvage et que j’aurai moins besoin de m’isoler dans des grands espaces isolés du tumulte et de la foule…

En tout cas c’est bien de pouvoir en parler avec toi.
Animalement

EB

Image: Une maison, un jardin, un élevage, Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon, 2009

10 commentaires sur “Encore le syndrome « Not in my backyard »

  1. kw

    Je suis aussi confronté à ce genre de discours régulièrement. Le problème c’est que les arguments logiques ne tiennent absolument pas. J’ai même été jusqu’à démontrer par a+b que le temps que je gagnais à habiter en ville me permettait d’être plus souvent à la campagne qu’un copain qui lui habitait déjà à la campagne…
    Par contre ce qui commence à faire effet c’est de montrer le côté plaisir du mode de vie (petite)ville-vélo.
    Pour montrer ce côté plaisir, rien de tel que de monter un atelier, on ne pousse ni culpabilise personne, ça n’a que des côtés positifs, au départ les gens viennent avec le vélo du gamin et s’aperçoivent qu’on est plein d’adultes et qu’on se marre bien avec nos bicyclettes toutes plus originales les unes que les autres. Ensuite ils ramènent leur vieux clou qui rouillait au fond du garage, on le retape ensemble et ils repartent avec la banane. Quelques ateliers plus tard ils commencent à poser des questions sur les vélos des plus mordus. Les portes bagages c’est pratique ? Il y a des sacoches étanches ? Une roue électrique ? Une remorque ? Et ensuite c’est eux qui posent la question : mais comment vous faites sans voiture, et pourquoi, et quels avantages ? Du coup on se retrouve à répondre et non à attaquer, ça change tout. On illustre la réponse de quelques photos du dernier voyage à vélo en famille et c’est dans la poche !
    En moins d’un an une famille vient de déménager en ville 🙂

  2. Jean-Marc

    Pour aller dans le sens de kw, ces citations :

    Einstein :
    « L’exemple n’est pas une manière d’enseigner, c’est la seule »
    et
    Albert Schweitzer :
    « L’exemple n’est pas le moyen le plus important pour influencer les hommes, c’est le seul »

    (Albert Jacquart, ou un autre grand physicien français, disait la même chose, sur l enseignement et la pratique, le principe d assoc d enseignement par la pratique comme « les mains à la pâte », les « mains dans le cambouis », ou les « p’tits débrouillards », mais je n ai pas retrouvé la citation)

    Faire du vélos en ville, et aider les autres à en faire,
    et la meilleure, et la seule façon de montrer que c est possible,
    donc la meilleure, et la seule façon d amener de nouvelles personnes a le faire.

    Accompagner ses amis/collègues dans leurs essais temporaire de vélo y contribue donc aussi
    (par ex, en fournissant des cartes/conseils pour des randos de W-E, s’ils en ont besoin)

    IOn peut juste proposer, et être à dispo quand certains (et il y en aura ^^) viendront nous voir, pour avoir des conseils.

    Savoir, intellectuellement, que c est bon pour sa santé, pour sa sécurité, pour celle des siens, et pour son porte-monnaie est une donnée…
    mais qui peut rester indéfiniment au stade intellectuel, sans avoir de conséquences dans la vie pratique…
    Mais juste créer de l « ah quoi bonisme » :

    Combien de personnes fumeuses savent que fumer est mauvais pour leur santé ?
    Combien de personne en surpoids sévère savent qu’elles feraient mieux de changer de mode de vie pour maigrir ?
    Combien d automobilistes savent que le vélo serait mieux pour leur santé ?
    Réponses : une majorité (au moins pour les 2 premiers points)… et ils sont cependant une majorité à ne pas franchir le pas…

  3. pédibus

    Les constructions cognitives c’est là où le bât blesse très vite. Los Angeles s’est construite comme ça depuis la seconde moitié du XIXe siècle, par antithèse des villes denses et industrielles de la côte est (voir la géographe Cynthia Ghorra-Gobin, « Los Angeles. Le mythe américain inachevé. CNRS éditions, 1998). Les migrants de l’intérieur fuyaient la ville et ses externalités négatives pour rejoindre une « ville à la campagne » où le maître mot était la maison individuelle entourée du jardin, ce qu’on nomme encore aujourd’hui le « pavillon 4 façades »… Et ô paradoxe, c’est la mise en place de 5 lignes de chemin de fer qui a démarré le processus d’étalement urbain, relayé par un puissant réseau de tram, lequel a périclité par refus de le municipaliser pour le protéger de la submersion automobile du début du siècle suivant…

    Alors c’est quoi cette représentation intime de la « verdure », des « grands espaces isolés », de tout ce qui travaillait déjà l’esprit des habitants américains de l’époque et encore maintenant de nos contemporains plus ou moins captifs du périurbain ou de la ville?
    L’urbanité troquée contre l’isolement? Les temps de trajet contre le temps libre dans l’agora? Le bruit de la perceuse au sixième contre celui des tondeuses à gazon de celui qui a la bagnole bleue et de celles et ceux qui ont la rouge et la verte?

    La « verdure » on peut l’avoir en ville. Nos rues peuvent contenir plus d’urbanité encore. Les commerces peuvent refleurir en ville: merde au documents d’urbanisme et leurs prescriptions imbéciles, leur dogmatisme qui interdisent de surélever les immeubles d’un étage pour se payer une toiture terrasse où jardiner et recréer un vrai voisinage rural (!) avec celui d’à côté à qui on dit à peine bonjour, permettant aussi de détruire la représentation négative de la ville « minérale ; merde aux élus poltrons incapables d’étendre le stationnement résidentiel payant ; merde encore à ceux qui voient toujours dans tout boutiquier un escroc, avant de faire le premier pas et lui permettre de pérenniser son affaire, tout en garantissant l’avenir de nos causettes sans intérêt (voir Janes Jacob, 1961)…

  4. Gwenael

    Il est possible de vivre en ville à proximité de son lieu de travail…quand on a du travail. On est alors en mesure de justifier auprès de son propriétaire, qu’il soit privé ou bailleur social, des revenus de son travail pour payer son loyer (règle du tiers pour les petits revenus).
    Mais il y a en France 3 millions de chômeurs, précaires, intermittents, intérimaires, sans papiers. Une partie de cette population est exclue du droit au logement et se retrouve soit à la rue, soit dans des hébergements d’urgence.
    Ces personnes, dont de nombreuses familles, sont obligées de penser leur vie quotidienne à très court terme (scolarisation nomade, petits boulots, changement d’interlocuteurs récurents pour les innombrables démarches administratives que leur impose le flicage de Pôle emploi et des prestations sociales…)
    D’autre part, les normes sanitaires et thermiques des logements, la croissance des grandes surfaces commerciales et de l’immobilier du secteur tertiaire ont fait flamber les prix des locations, depuis le centre ville jusqu’aux bourgs périphériques.

    Pour ces raisons, si l’on doit effectivement se récrier contre les motifs bucoliques des classes moyennes qui veulent vivre à la campagne ou dans une maison particulière de lotissement en utilisant une, deux voire trois bagnoles deux fois par jour, on ne peut pas se voiler la face devant le problème structurel de la misère des classes précaires qui bricolent une vieille auto et y mettent épisodiquement de l’essence dans le but de réagir rapidement à l’instabilité géographique et professionnelle qui constitue leur lot quotidien.
    Dans l’état actuel de notre société, on pourrait faire d’une pierre deux coups en imaginant les mesures suivantes, propres à rétablir l’équilibre social et géographique tout en coupant les moteurs :
    1/ En premier lieu, évidemment, plafonner sérieusement les gros revenus du capital comme ceux du travail.
    2/ Ensuite allouer un REVENU MINIMUM honorable et surtout SANS CONDITION DE RECHERCHE D’EMPLOI à TOUS CEUX QUI N’ONT PAS D’AUTOMOBILE OU QUI S’EN DÉBARRASSERAIENT (la sévérité du contrôle ne portant que sur l’absence de bagnole)
    3/ Augmenter énormément le prix de l’essence, des taxes routières et des parkings, sur tout le territoire. Augmenter considérablement le prix des voyages en avion et en TGV.
    4/Allouer à tous des bons à tirer sur l’usage des transports en commun de proximité, sur l’achat de bonnes bicyclettes, de leurs attelages et de leurs pièces de rechange ainsi que des équipements cyclistes contre les intempéries.

    Je propose que la mesure numéro 2 soit déclarée d’utilité publique et fasse l’objet d’une large campagne de Carfree et de toutes les associations anti-auto.

  5. Thomas

    Moi je me retrouve bien dans le commentaire de EB. Je n’aime pas la ville, son stress son bruit. Je préfère habiter dans un endroit plus proche de la nature avec un vrai jardin et mes gosses qui n’ont qu’à ouvrir la porte de la cuisine pour aller courir un coup dehors.
    J’habite en périphérie de Bruxelles, à 10 min à pied d’une gare et à 8km de mon boulot auquel je vais en vélo plusieurs fois par semaine.
    Beaucoup de gens m’envie sur mon lieu de travail. Beaucoup viennent de Flandre et passent min 1h dans leur voiture pour arriver au boulot. Je leur répond à chaque fois que cette chance je l’ai choisie. La maison que nous avons achetée n’est pas la plus grande ni la plus jolie mais elle est idéalement placée par rapport à nos boulots et à l’école des enfants.

  6. Guillaume

    Une remarque sur le titre : pour moi ce n’est pas ça le syndrôme « NIMBY ». Ca représente plutôt le travers de gens qui se déclarent par exemple pour les énergies renouvelables mais n’en veulent pas sur la colline de leur village. Les ENR oui mais chez les autres…

  7. kw

    Je peux témoigner que dans ma ville (10000 habitants), la campagne est à 5 minutes à pied (une vraie campagne, forêt à perte de vue, ruisseaux et tout), l’immobilier est moins cher (même dérisoire) qu’à la périphérie. Et bien ça n’empêche pas les couches populaires, travailleurs précaires avec plusieurs enfants etc. de chercher à habiter dans des maisons éloignées (jusqu’à 20km) chères, mal isolées et qui les obligent à dépendre de la voiture. Aucune logique… Et c’est pas faute de le leur faire remarquer. Même les grands médias en parlent, ne serait-ce que le coût de l’énergie qui augmentera inéluctablement.
    Comme dit JM, on peut vraiment faire le rapprochement avec le tabac, la mal-bouffe etc.

  8. Jean-Marc

    Le lien,
    c est que « ces gens », veulent une ville accessible en voiture, facilement traversable par de 2×2 voies, voire des 2×3 voies, avec des autoroutes de contournement, afin d y arriver et d en repartir le plus vite possible;

    MAIS ne veulent surtout pas VIVRE dans un endroit où il y a des voitures partout…

    donc ils partent à perpette (en voiture), pour échapper à la vie infernale que le tout voiture -auqeuel ils participent- crée;
    Ceci, au lieu de créer un lieu de vie, en ville, bien et bon pour tous, en mettant le citadin au centre de la ville, en lieu et place de la voiture..

    Avec, par exemple, des rues piétonnes, et des parcs municipaux ouverts 24h/24, 7j/7
    (comme c est le cas dans bcp d endroits… mais pas dans ma ville…)

    « Vive les autoroutes urbaines et les autoroutes… sauf chez moi, car MOI, j ai le DROIT de profiter de calme et d air pur, mais surtout pas VOUS, qui êtes 20 fois plus nombreux que moi… »
    voilà ce que proclament les rurbains


    Par « chance », ce rêve est en fait, dans la réalité, un cauchemar :

    les agriculteurs industriels sont là, pour faire en sorte que l air des rurbains, soit pollué, et nocif pour la santé (surtout au niveau des perturbateurs endocriniens), mais, encore pire, c est les trajets quotidiens domicile à perpette-boulot-domicile, dans des véhicules accumulant les polluants (des voitures), qui tuent les rurbains à petit feu…

    Ainsi, ils croient vivre dans la nature pure, et le bon air frais.. et ce sont eux, qui subissent le plus les méfaits de la pollution qu’ils contribuent à accroitre.

    Et en plus, en dehors de la pollution,
    c est ultra néfaste pour leur humeur, d habiter loin
    c.f.
    http://thefuturebuzz.com/2013/09/24/your-commute-is-likely-a-cause-of-unhappiness/

    Sur le moyen/long terme,
    il est moins désagréable de perdre un bras, que d être un rurbain dans un village fantôme, constamment éloigné de tout….

  9. pedibus

     » […] il est moins désagréable de perdre un bras, que d être un rurbain […] »

    même si tes propos tombent dans une oreille complaisante – pour ce qui me concerne – je ne mettrais pas le doigt dans l’engrenage où se sont mis nos amis péri/rurbains, qui pourraient bien se l’être mis également dans l’oeil, avant de prendre leurs jambes à leur cou dès que le vent aura définitivement tourné contre le système automobile…

  10. Jean-Marc

    Tiens, une nouvelle info, pour les péri-urbains :

    Les péri-urbains vivent dans de petits villages, où l air est moins pollué par les voitures que dans la grande agglomération.

    Ainsi, ils pourraient espérer avoir droit à un air meilleur, et donc à une meilleure santé.

    En fait, il n en est rien :

    http://carfree.fr/index.php/2014/09/05/pourquoi-letalement-urbain-pourrait-etre-mauvais-pour-la-sante/

    Leur zone de résidence étalée les rend dépendant de la voiture, et, leur font passer plus de temps dans l habitacle d’une voiture.
    Hors l habitacle d’une voiture est tellement néfaste pour la santé, que ceux vivant en zone dense, et qui se déplacent, statistiquement, UN PEU PLUS en vélo, à pied et en TEC/un peu moins en voiture, ont une santé bien meilleure, et ont bcp moins de maladies chroniques, que les personnes comme EB, allant se réfugier dans les zones peu denses…

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