Les prix des transports en commun sont en constante augmentation. En parallèle, on stigmatise le « fraudeur », qui serait responsable de cette montée des prix.
Repenser le transport aujourd’hui
Les infrastructures liées au transport sont conçues par le haut. Celles-ci ont une influence importante dans le mode de déplacement de la population. Cette conception n’échappe pas aux rapports de force moderne et pose de nombreuses questions :
- Transport de classe sociale. L’accès aux transports est inégal. Nous produisons de plus en plus de TGV au détriment de petites lignes de train. Tout le monde ne peut pas s’offrir ces transports. En fonction de notre origine sociale, nous n’avons pas le même champ de choix possibles pour se transporter[1].
- Pas de démocratie, manque de liberté dans les choix des transports. Si des pseudo-concertations sont organisées dans les villes, elles concernent toujours des projets ficelés avec peu de marge de liberté, si ce n’est déplacer 2-3 arrêts de bus ou rajouter des panneaux solaires sur l’aéroport qui est déjà en construction.
- Choix d’un transport individualiste. L’Etat choisit de financer le tout-automobile : 15 milliards d’euros sont dépensés chaque année pour la voiture contre 1,5 milliard pour les transports publics.[2]
- Choix d’un transport polluant et détruisant les zones agricoles et naturelles: le transport représente 26% de la production de gaz à effets de serre en France. Pour des transports de riche, on fait des aéroports sur des zones agricoles, les lignes à grande vitesse exigent un terrain droit, s’il y a une montagne un trou est fait dedans ; s’il y a des nappes phréatiques à polluer tant pis.[3]
- Transport pour le capital. La plupart de nos activités, donc de nos déplacements, ont pour vocation de produire ou de consommer (aller au travail, faire les courses…).
Les transports collectifs sont quasiment le seul mode de déplacement payant, titre une étude de l’ADEME[4] :
On n’attaque pas la gratuité des transports pour les automobiles, par contre il semble acquis qu’il est obligatoire de payer les transports en commun. A tel point que nous créons artificiellement le paiement : « la vente des tickets n’est à la RATP qu’une recette mineure : 22% du budget. Cette somme rembourse à peine la fabrication des billets, l’entretien des machines à composter, les contrôles… »[5]
Autre particularité du transport en commun le fichage de plus en plus systématique de la population. Au nom du plan Vigipirate, le pass Navigo possède une puce RFID gardant trace de tous les déplacements de son propriétaire au détriment du droit des usagers à se mouvoir anonymement.
L’arsenal répressif pour imposer les transports payants se développe : toujours plus de contrôleurs, de caméras, création du délit de fraude. Il a pour conséquence de créer un climat de violence sociale :
- Une violence institutionnalisée, la peur au ventre pour le fraudeur. « Quand une personne est descendue du bus ou du train par les contrôleurs, personne ne parle de violence : cette violence sociale est invisible puisque intégrée au capitalisme (pas d’argent = pas de droit). En l’absence de réponse offensive du corps social, cet apartheid social progresse. »[6]
- Une violence réactive à ce pouvoir répressif : 80% des agressions en métro ont lieux lors des contrôles [7]. Si, selon les détracteurs de la gratuité, cette dernière serait source de vandalisme, le service marchand est une source de violence physique.
La gratuité est une mesure essentielle pour s’ouvrir aux mots d’ordre suivants : liberté de circulation, égalité d’accès, réappropriation de l’espace urbain, gratuité des services collectifs. Si on prend en compte le coût individuel de la voiture (rendu obligatoire pour beaucoup s’ils veulent travailler, ou circuler), un transport en commun qui remplacerait ce transport individuel serait une économie monumentale.
Bien entendu, la question de la gratuité ne doit pas nier de nombreuses autres problématiques : la question démocratique, la question de revoir le déplacement, c’est-à-dire réduire drastiquement les kms de déplacements qu’effectue notre société, de repenser totalement l’urbanisme… La lutte dépasse donc le simple aménagement du capitalisme mais se pose bien en rupture.
Les méthodes de lutte peuvent être nombreuses : organisations collectives, manifestations, arrêter l’utilisation de la voiture…
La résistance s’organise
En attendant, nous ne sommes pas obligé de payer un ticket dont le prix permet de financer les structures rendant payant les transports. Frauder pour des raisons politiques, de manière revendiquée permet de faire pression sur les transports collectifs vers la gratuité.
Des organisations nous invitent à nous organiser collectivement. Ces mutuelles de fraude, collectifs non officiels, présents dans toutes les grandes villes de France, permettent de mutualiser les frais d’amende et de s’organiser contre l’attirail répressif (partage de méthode pour éviter les contrôleurs, pour ne pas payer les amendes (si reçues), pour localiser les contrôleurs,…). On peut aussi créer très facilement une mutuelle dès que l’on atteint la dizaine de personnes.
A Paris par exemple, les mutuelles existantes collectivisent 7 euros par mois et par personne et remboursent toutes les amendes. Cela coûte beaucoup moins cher qu’un pass Navigo… Chaque fraudeur participe aux assemblées générales afin de partager/réfléchir autour de la fraude et ainsi porter des revendications collectives. L’idée n’est pas de pouvoir faire des économies individuelles, mais surtout de proposer une alternative collective généralisable et viable.
Tract téléchargeable
Version .doc: Tract 46 Gratuité des transports en commun pour tous maqueté
Version PDF: Tract 46 Gratuité des transports en commun pour tous maqueté
Source: http://escargotssolidaires.noblogs.org
Notes
[1] http://carfree.fr/index.php/2008/07/18/vers-la-gratuite-des-transports-en-commun/
[2] Cf étude sociologique « à Bruxelles, chacun dans son quartier » du monde diplomatique 2003, lisible ici:
https://www.dropbox.com/sh/nwa9m4yocfvhjlr/AACu-FfaS5xd6iofJ_M-1f8Ka/textes%20d%27info%20divers/A%20bruxelles%2C%20chacun%20chez%20soi?dl=0
[3] Exemples de l’aéroport Notre Dame des Landes et de la ligne Lyon-Turin
NO TAV, à quoi sert un TGV ? http://escargotssolidaires.noblogs.org/post/2013/05/11/tgv-lt/
A Notre Dame des Landes : Un grand projet inutile http://escargotssolidaires.noblogs.org/post/2013/03/07/a-notre-dame-des-landes-un-grand-projet-inutile/
[4] Cf La Gratuité Totale des Transports Collectifs Urbains : Effets sur la fréquentations et Intérets, Bruno Cordier, Janvier 2007, ADEME, p164
[5] http://carfree.fr/index.php/2008/07/18/vers-la-gratuite-des-transports-en-commun/
Remarque : C’en est de même pour les TER, se référer à L’ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux de voyageurs Jean-Marie Geveaux Thierry Lepaon Juillet 2012, Les Editions de Journaux Officiels, P35
[6] et [7] Lignes Gratuites, spécial Ecologie, Journal irrégulier du Réseau pour l’Abolition des Transports Payants, hors série écologie et n°3
RATP : pour frauder dans les transports en commun, créez votre mutuelle !, Article 11, 10 février 2009, http://www.article11.info/?RATP-pour-frauder-dans-les
avis de tempête pour ce soir…
Tempête dans un verre d’eau je suppose…
l’Isère donc Grenoble en vigilance orange…
Et la gratuité en vigilance rouge?
boaaa
À moi aussi ça arrive : la crampe dans l’auriculaire gauche aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
Je réagis ici à l’article « Gratuité des transports en commun pour touTEs! » uniquement pour l’offre de services urbains, donc à l’échelle d’une agglomération, pour ne pas inutilement entrer de nouveau dans la polémique : j’intériorise les contraintes qui concernent un bon fonctionnement collectif pour une structure comme Carfree. Pas la peine de froisser une partie de ceux qui attachent du prix ( !) à la gratuité de l’offre des transports en commun (TC) à longue et moyenne distance : on ne sera jamais trop nombreux contre le système automobile…
Beaucoup plus lentement que pour la question du casque cycliste j’avoue avoir évolué sur celle de la gratuité des TC urbains : un travail de déconstruction idéologique m’a été nécessaire. Sûrement le discours moralisateur – manipulateur ? – sur la dépréciation symbolique d’un service gratuit ? Où encore l’apparente rigueur gestionnaire de celui qui cherche à équilibrer charges et recettes d’une entreprise en délégation de service public ? Cette rationalité comptable doit sans doute servir au monde associatif pour rester crédible face au patronat du transport public, devant les élus et les techniciens : qu’en est-il dans leur for intérieur ? Peut être y verrons-nous un peu plus clair au gré des réactions éventuelles de leurs représentants, s’ils se manifestent.
L’article de Carfree qui nous anime ce soir a très pédagogiquement fait également dans la comptabilité. Y est rappelée la situation d’une petite agglo de province où le rapport recettes sur dépenses ne serait que de 3.5% pour les automobilistes contre 26.5% pour les usagers des TCU en 2001. Sans avoir approfondi le sujet – qui mériterait de l’être – cette proportion de un à huit, peut être de un à dix ou pire encore en d’autres lieux et autres époques, nous interroge sur les politiques publiques locales à mener, autant pour résoudre beaucoup de difficultés socio environnementales inhérentes au système automobile – pollution, encombrement, mauvaise allocation des ressources à toutes les échelles : ménage, agglomération, planète…, lien social, étalement urbain, cités pêle-mêle sans hiérarchisation et exhaustivité – que pour sortir les TCU de leur sous développement actuel, résultant largement de choix politiques qui ne les mettent pas réellement dans leur champ de priorité d’action.
Donc pour quand un péage urbain rééquilibrant ce choix, accompagné d’une politique de stationnement restrictive et instaurant son paiement au juste prix socio environnemental des externalités négatives du mode automobile de déplacement, sur tout le territoire des intercommunalités ? Au-delà du versement transport, qu’il faudrait étendre à toutes les entreprises, quelque soit leur taille et leur localisation, il faut dès maintenant se mettre en marche (!!!) pour réussir la transition des modes de vie et assurer le financement de la reconversion automobile de nos sociétés : créer de vrais réseaux de TCU, avec un critère d’efficacité de dix kilomètres de tram par centaine de milliers d’habitants vivant en zone dense (à partir de cinq mille habitants et emplois par kilomètre carré par exemple), requalifier la voirie urbaine en libérant et en élargissant les trottoirs, donner uniquement aux TCU et à la bicyclette droit de cité en matière de vélocité ( !)…
Enfin notons la douce ironie du faux slogan publicitaire repris dans l’article « Gratuité des transports en commun pour touTEs! », avec l’annonce « accès payant à l’espace piéton urbain » : le cheminement piéton est déjà hors de prix, pas tant pour le coût de l’appel téléphonique aux services de la fourrière ou de la police urbaine – qui ne réagissent pas systématiquement quand il s’agit de faire déplacer un véhicule en stationnement illicite sur le trottoir, sauf s’il gêne une sortie de garage… – que pour le coût social inestimable des citoyens découragés de sortir à pied faire les courses ou se promener, du seul fait de l’usage de parking qui est fait du trottoir qu’ils doivent emprunter, particulièrement les seniors non motorisés qui se claquemurent et en meurent trop vite si on en croit les études de santé publique :
Living in a Well-Serviced Urban Area Is Associated With Maintenance of Frequent Walking Among Seniors in the VoisiNuAge Study[…] 2012
“The Role of Social Participation and Walking in Depression among Older Adults: Results from the VoisiNuAge Study”, Dominic Julien, Lise Gauvin, Lucie Richard, Yan Kestens and Hélène Payette, Canadian Journal on Aging / La Revue canadienne du vieillissement / Volume 32 / Issue 01 / March 2013, pp 1-12
Longitudinal Associations Between Walking Frequency and Depressive Symptoms in Older Adults: Results from the VoisiNuAge Study », Journal American Geriatrics Society, DECEMBER 2013–VOL. 61, NO. 12
Bref à l’échelle de nos villes les seuls tarifs éthiquement acceptables sont ceux du « péage automobile urbain », à mettre en œuvre, et le « stationnement automobile payant », là où on a décidé de maintenir une fonction urbaine de déplacement dédiée à ce mode, mais étendu à tout le territoire urbain…
Ce que je trouve remarquable, c’est que la bagnole particulière soit in fine le seul truc qui échappe à l’impôt et à la taxation. C’est-à-dire qu’on ne fait payer que la collectivité, donc autrui, pour sa propriété privée (hyperpuante, hyperpolluante, hyperhideuse, hypernuisible de surcroît). (Il n’y a même plus de vignette !)
Par exemple, à Paris, où le prix du mètre carré pour une location est de 50 € par mois (fourchette basse !), on peut tranquillement occuper 10 m² (fourchette basse là aussi, puisque bien des bagnoles monopolisent plus d’espace) gratuitement toute l’année avec sa bagnole.
Aussi, je suis pour la création d’un impôt sur une occupation aussi indue du territoire censément public. Si on installe n’importe quoi sur l’espace public, cela est envoyé prestement à la décharge (sans passer par la case départ), comment expliquer que si on installe une bagnole (voire deux voire trois voire quatre…) un tel taudis ne soit pas envoyé illico à la décharge ?…
Mais je ne blasphémerai pas ! Il faut s’incliner respectueusement devant la déesse des XXe et XXIe siècles, notre objet de vénération, la dive bagnole, le saint tas de plastique ferreux. Je lui ferai des offrandes (liquides onéreux, huile sacrée) aussi.
oui Vesan, le droit administratif est terrible pour l’occupation du domaine public, puisqu’il peut même amener à détruire une série d’immeubles s’ils se trouvent non alignés (!) par rapport à l’axe de la voirie avec la servitude d’alignement : notons que cet alignement et ce rabotage trouvent la plupart du temps leur origine dans la création d’un boulevard ou d’une avenue pour mieux y faire circuler des véhicules : automobiles aux XX et XXIe s. et carrosses aux périodes suivant le Grand Siècle…
quant à l’occupation illégale du domaine public, en particulier le trottoir, quelle belle illustration de l’inefficience du droit!
et notre économie symbolique, elle aussi, aurait beaucoup à faire gagner à ses acteurs assujettis si elle s’engageait sur une trajectoire de transition en faisant place nette, c’est-à-dire en déboulonnant de leur piédestal ce qui a remplacé les statues équestres, les Saintes Vroum-Vroum…