Les faux-semblants de la COP 21

Impossible de la rater : la COP 21 s’est ouverte ce dimanche à Paris. Il s’agit d’une session des Nations Unies destinée à combattre le réchauffement climatique : selon sa dénomination officielle, la « Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques », entrée en vigueur le 21 mars 1994, suite au sommet de Rio de Janeiro, et ratifiée par 195 parties dont l’Union européenne.

Le problème est largement connu : les activités humaines émettent des gaz à effet de serre, principalement le dioxyde de carbone, qui retiennent de la chaleur au sein de l’atmosphère. Cela rehausse les températures moyennes, renforce la survenue d’événements climatiques extrêmes, rehausse le niveau de la mer, menace l’agriculture vivrière et donc renforce l’instabilité géopolitique. Le dioxyde de carbone accroît également l’acidité des océans: les barrières de corail en sortent fragilisées, d’où une vulnérabilité accrue des côtes. Par ailleurs, des effets d’emballement sont à craindre: ainsi, le réchauffement fait fondre la couverture glaciaire aux hautes latitudes, ce qui libère du méthane, qui accroît à son tour le réchauffement. Bref, les dix plaies d’Égypte en version contemporaine : la Bible vous l’aurait dit.

De nombreux débats consistent à savoir si l’accord qui ressortira peut-être de la COP 21 sera contraignant ou non pour les États signataires. Le Secrétaire d’État américain John Kerry a dit qu’ils ne le seraient pas pour les États-Unis, autant dire que c’est mal parti. Laurent Fabius s’est mis en colère (l’histoire ne dit pas si cela a impressionné John Kerry; à mon avis, la réponse est plutôt non).

Mais au fond, les États-Unis n’ont-ils pas raison ? Le droit international suppose la cohabitation d’États qui, parce qu’ils sont souverains, font ce qu’ils veulent chez eux, et sont libres de se conformer ou non à un accord ou à un traité qu’ils ont signé.

Et surtout, est-ce le souci ? L’essentiel des décisions relatives à la production d’énergie, à l’agriculture, au logement, à la mobilité, qui ont une influence déterminante sur l’émission de gaz à effet de serre, ne relèvent pas du droit international mais bel et bien de la compétence des États voire des collectivités locales. Ainsi, les pays scandinaves n’ont pas attendu les grands discours de François Hollande pour faire des choix vertueux du point de vue de la production énergétique.

C’est la même chose dans le domaine de la mobilité : l’écrasante majorité des déplacements que chaque personne peut faire sont faits à l’intérieur d’un pays, et les choix de transport ne relèvent pas du droit international: je vois mal en quoi la COP 21 est compétente pour décider de la construction d’une piste cyclable dans la Rue Anatole France à Bourg-la-Reine. Et ce sont bien les choix politiques locaux et nationaux qui sont importants.

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brenner Prenez la traversée des marchandises à travers les Alpes, au départ ou à destination de l’Italie: pour la Suisse, le train transporte 66 % des tonnages; pour l’Autriche, 32 %; et pour la France, 9 % (le reste va à la route; ce sont les chiffres de 2013). Un reflet parmi d’autres de choix politiques d’État qui ont conduit à l’effondrement du trafic de fret ferroviaire en France et à sa floraison en Suisse et en Autriche. Au passage, je rappelle qu’entre l’Italie et l’Autriche, la ligne qui passe par le col du Brenner, à plus de 1300 mètres d’altitude, fut inaugurée en 1867, au temps où l’Empereur François-Joseph régnait sur l’Autriche-Hongrie, et que c’est toujours elle qui assure une part des marchandises trois fois supérieure à celle de la France: contrairement à ce que prétendent les partisans du projet de tunnel Lyon – Turin, pas besoin d’un grand ouvrage pour transporter beaucoup de marchandises, il suffit d’une ligne du XIXème siècle intelligemment exploitée… et d’un peu de volonté politique.

fret Et c’est là que le bât blesse. Notre gouvernement s’est distingué par une série de décisions très défavorables à l’économie du transport public, et ferroviaire en particulier. Cette politique s’accompagne de discours de dénigrement du rail, mode de transport présenté comme coûteux, inutile et… plus polluant que la route (!). Le gouvernement, comme l’ensemble des élus locaux établis, défend des grands projets d’infrastructure comme l’aéroport de Notre-Dame des Landes, dont l’intérêt en matière de développement durable ne saute pas aux yeux. Et par une ironie sinistre, ce sont les opposants à cet aéroport que le gouvernement a choisi de réprimer à travers l’état d’urgence – les actionnaires de Vinci doivent applaudir.

Lorsqu’ils mettent l’accent sur la nécessité d’un accord international par nature incertain et abstrait, nos dirigeants se dédouanent des décisions immédiates et concrètes qu’ils prennent au service des magnats du pétrole, de l’automobile et du béton.

Bien sûr, un accord international ambitieux est à souhaiter, mais il n’aura qu’un intérêt subsidiaire: encore faut-il avant que chaque maillon de la chaîne de responsabilité – des communes aux États, en passant par les entreprises et les particuliers – fassent le travail à leur échelle.

Bien cordialement,
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Vincent Doumayrou,
Auteur, blogueur, traducteur,
auteur de La Fracture ferroviaire, pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer,
Les Editions de l’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2007. Préface de Georges Ribeill.
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Un commentaire sur “Les faux-semblants de la COP 21

  1. pedibus

    En matière de climat – et d’environnement en général – le gouvernement français agit médiatiquement comme ces dictatures qui gesticulent diplomatiquement – ou militairement – sur la scène internationale, le plus souvent pour faire oublier les difficultés socio économiques – et environnementales – sur la scène intérieure ;

    vraiment il serait de salubrité publique que les Socialos disparaissent de la scène politique intérieure au profit de l’émergence de nouvelles forces qui porteraient les valeurs de l’intérêt général à toutes les échelles, de la commune à la planète :

    que l’expérience municipale grenobloise actuelle touche par sa grâce le pays entier ;

    le personnel politique actuel, dans son immense majorité, nous font perdre un temps précieux…

    ça pue les années trente du XXe siècle… ça rappelle par exemple les lâchetés des mêmes Socialos français au moment où ils ont laissé crever l’Espagne républicaine face aux coalitions fascistes…

    alors oui, pour le salut de la planète  – et de notre petit hexagone – qu’ils sombrent à jamais dans l’oubli avec cette Histoire qui se fabrique, de plus en plus menaçante!…

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