De la pollution considérée sous tous ses aspects

« De la pollution considérée sous tous ses aspects » est une brochure réalisée en 1971 où les nuisances ne sont pas présentées comme des dysfonctionnements mais comme étant intrinsèques au capitalisme.

De la pollution considérée sous tous ses aspects (Montpellier, 1971),

Extrait.

Jusqu’à présent l’information et le pouvoir ont soigneusement évité de relier pollution et politique. Jamais n’ont été évoquées les sources, l’origine économico-sociale des « nuisances. » Point de campagne de presse sur la traduction en réalité polluante d’un système économique : le capitalisme industriel.

Mais la bourgeoisie a fort bien compris pour sa part que tout est politique, y compris et surtout la pollution. Aussi s’efforce-t-elle de masquer à tout prix ce caractère. De là, la conception, l’attitude purement idéologiques adoptées devant ce phénomène qu’elle ne peut plus cacher.

Elle y trouve aussi, et peut-être surtout, un moyen nouveau et convaincant de résister à la montée mondiale de la lutte des classes. Comment mieux dévier l’énergie des exploités pour la prise de pouvoir de tous leurs aspects de leur vie que par cette substitution: « n’occupez plus les usines, c’est dépassé, occupons-nous tous ensemble de combattre la catastrophe qui nous menace tous : la pollution généralisée. »

L’histoire nous enseigne de tels exemples de récupération et de déviation par les pouvoirs installés. Ainsi la guerre de 1914, a été certes, un moyen de résoudre les contradictions inter-impérialistes, mais aussi cela apparaît clairement, une occasion voulue et recherchée de s’opposer à l’internationalisme prolétarien naissant par la relance du nationalisme. Au nom de « l’union sacrée, » les « patriotes oubliant » leurs intérêts de classe s’étripèrent pour la grande joie des bourgeoisies, soulagées et solidement maintenues au pouvoir. De même transparait de nos jours la tentative d’une relance d’une nouvelle « union sacrée » face à la pollution qui nous « concerne tous, patrons et prolétaires. »

En outre, fidèle à l’image qu’elle voudrait donner d’elle-même, la bourgeoisie insiste toujours sur sa « mission humanitaire. » Rien ne lui convient plus qu’une lutte pour le mieux être de l’homme. Quelle magnifique occasion d’améliorer son image de marque qui en avait tant besoin.

Après deux siècles d’existence en tant que classe au pouvoir, la bourgeoisie ne peut plus se défendre de l’accusation qui lui est faite de sauvegarder ses intérêts privés. Aussi tient-elle particulièrement à proclamer que la défense de ses privilèges ne l’empêche pas de penser à l’intérêt public. Et puis, il semble difficile dans un monde techniquement développé (I’Hémisphère Nord grosso modo) d’effrayer le bon peuple par la perspective d’une guerre internationale (on garde en réserve le péril jaune).

Mais comment sérieusement faire croire à une possible guerre contre l’Allemagne, ou même la Russie ? Or, la peur est une arme de domination. On rameute le peuple en le terrorisant. On le réunit contre un danger imaginaire au besoin, et non pour qu’il s’occupe de ses propres affaires.

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De ce fait, la psychose d’une  » terreur polluante, » d’une « nouvelle apocalypse comme en l’an 1000 » pourrait servir à ramener sous les ailes de la mère-poule du pouvoir, le peuple égaré dans la lutte des classes. En laissant entendre bien sûr : « nous, classe organisée au pouvoir, et nous seuls, par la puissance de notre technologie, pouvons lutter contre la pollution. Laissez-nous en le temps et donnez-nous en les moyens, (d’où quêtes diverses; envoyez les sous; création récente du comité de sauvegarde et de rénovation de la forêt méditerranéenne).

Il est très instructif de suivre la façon dont le « grand public » a été abondamment informé des nuisances diverses. Si l’on analyse tout particulièrement les informations de masse (télé, radio, journaux à grand tirage, revues spécialisées) on peut voir où mène le chemin suivi.

Dans un premier temps, il y a étalage d’images chocs, de bourrage de crâne pour sensibiliser l’opinion jusqu’à ce que nous « nous sentions tous concernés. » La conscience du problème établie, la « terreur » ou du moins la peur et l’inquiétude installées, il faut que le peuple dépasse ce stade et en arrive à la révolte contre une société qui condamne à une telle vie.

Mais après l’angoisse, on amène le tranquillisant : « la technologie (et non le système, distinguo de taille) qui, nous le reconnaissons, a amené la pollution, porte en elle-même les remèdes efficaces. C’est un problème de temps, et maintenant que nous participons tous, c’est un problème de moyens. Braves gens ! puisque nous sommes tous coupables, personne ne peut plus et ne doit plus refuser le progrès, nous devons tous payer. »

La bourgeoisie a donc parfaitement mis au point, et réalisé en partie, son plan. Elle a distillé son idéologie; elle a fait de la pollution son problème; elle a soigneusement masqué le politique sous le couvert de la technologie qu’elle nous présente au-dessus et en dehors de toute classe. Bien entendu, nous savons ce qui se cache derrière l’humanisme bourgeois. Là encore, il ne s’agit pas de maintenir l’idéologie dominante, de manipuler l’opinion pour redorer un blason bien terni. Comment pourrait-elle échapper ne serait-ce qu’une fois à la loi du profit maximum?

Source: http://archivesautonomies.org/IMG/pdf/ecologieradicale/delapollution.pdf

Image: Dessin de George Pichard extrait de CHARLIE: Déclaration de Philippe LAMOUR, Président de la Commission Nationale de l’Aménagement du Territoire, vers la fin de l’année 1970