Entre 35e et 36e étage

Voici un poème tiré du calendrier 1974 des Scouts de France…

Les tours avaient cinquante étages. On n’y habitait pas,
on ne faisait qu’y manger et y dormir.

A la première loge de gardien
qui est sortie de l’anonymat,
j’ai timidement demandé: « Avez-vous, ici, des scouts? »
Il a regardé son grand livre ouvert à la lettre S.
« Non, Monsieur, pas de scouts ici. »
Je suis descendu dans les caves.
Sur sept niveaux de profondeur
elles servaient de dortoir à automobiles.
Ces bêtes-là ne font que manger;
ça mange des kilomètres quand ça roule
ou de la place quand c’est arrêté.
On enlève aux enfants tout ce que l’on donne à la voiture.
Il était interdit de jouer dans les sous-sols.
Je suis monté sur les terrasses.
Elles dépassaient d’une tête la nappe de brouillard.
Là-haut, il y avait du soleil, mais pas de scoutisme.
Alors, j’ai repris les escaliers.
Personne ne prend jamais les escaliers.
Les gens prennent l’ascenseur
avant de se retrouver en panne entre deux étages.
Mais effectivement, entre le 35e et le 36e étage,
quelqu’un avait pris l’escalier.
Enlevé, ôté, quelqu’un avait réellement pris l’escalier et
ne s’était pas contenté de l’emprunter.
Il n’y était plus, on l’avait véritablement enlevé.
A sa place jouait une bande de gosses.
Avec l’escalier qu’ils avaient pris,
ils descendaient des rivières, montaient des spectacles,
surmontaient des difficultés, démontaient la logique des adultes,
descendaient en flèche tous les raisonnements…
Et même avec quelques marches forcées,
ils venaient de traverser les solitudes de la ville…

Ils venaient d’inventer le scoutisme.

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Source: https://twitter.com/francoismandil/status/1087342321723760640

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